Six ans après sa première exposition “Peru, viaje al sol” (révélation du Festival PhotoEspaña 2002), Juan Manuel CASTRO PRIETO revient à la Galerie VU' du 16 mai 2008 au 06 septembre 2008 avec “Extraños, une exposition d’une cinquantaine de tirages en noir et blanc. Ce travail a fait l'objet de la publication d'un livre aux éditions Lunwerg.
Lorsqu’en 2001 Juan Manuel Castro Prieto présenta, sous le titre « Viaje al Sol », le résultat de dix ans de photographie au Pérou dans une énorme exposition accompagnée d’un livre remarquable, ce fut un choc. Il était connu et reconnu comme l’un des meilleurs tireurs Européens, mais au service des autres, il avait, avec modestie, tenu son travail secret. Ce fut un immense succès et une reconnaissance immédiate. Deux ans plus tard, honoré par le Grand Prix de la Ville de Madrid, il décida de montrer ses images « Etranges ». Ces « Extraños » que nous présentons aujourd’hui sont le résultat d’expériences, d’explorations, de recherches purement photographiques qu’il poursuit depuis des années. En noir et blanc et en format carré, il n’a d’autre « thème » que la photographie elle-même. Qu’il s’agisse de portraits, de nus, de paysages, de natures mortes ou de l’interprétation d’une peinture, il prend un évident plaisir à montrer et démontrer que, en photographie, l’essentiel reste la lumière à l’oeuvre. Jouant sur les temps de pose, sur les mélanges de lumière naturelle et artificielle, il se joue du pseudo « réalisme » de l’image argentique et nous entraîne dans un univers tour à tour poétique et inquiétant. Comme un monde flottant, dans lequel le temps est à l’oeuvre mais change souvent de nature, à la fois figé dans l’image et en flux perpétuel. A la limite entre rêve et cauchemar. Un étrange univers, vraiment. Et terriblement attachant.
Scientifique de formation et amoureux de la photographie, il a su faire cohabiter ses passions en devenant l’un des plus savants, des plus exigeants et des plus subtils tireurs européens. Les épreuves qu’il réalise, même en très grand format, pour les meilleurs photographes espagnols sont vraiment des objets somptueux. Mais il a toujours occupé le temps qu’il ne passait pas dans la chambre noire à réaliser ses propres images, développant ses projets avec une grande liberté stylistique. Après avoir réalisé à Cuzco, à partir des plaques de verre originales, les tirages des photographies de Martin Chambi qui nous permirent de découvrir cet immense portraitiste des années trente, il se prit de passion pour le Pérou. Dix années durant, il occupa ses vacances à parcourir le pays pour un “Viaje al Sol” au cours duquel, en s’autorisant toutes les approches et toutes les techniques, il dit avec finesse sa tendresse pour les gens, la beauté des paysages, la curiosité pour une culture souvent intouchée et la pauvreté qui accompagne cet état de fait. Il a ensuite réuni les images “étranges” qu’il développe depuis vingt ans, du nu au paysage, de la mise en scène à la nature morte, exploration des limites de la photographie qui impose, avec une connaissance profonde de la lumière, la tension entre fiction et représentation. Il travaille également la couleur, depuis peu, dans une tonalité très personnelle qui, d’Ethiopie en Inde, lui permet d’imposer des visions à la fois mentales et troublantes de réalisme, une forme de voyage, entre rêve et matérialité, fondé sur la délicatesse de teintes impossibles.
Christian Caujolle
Fenêtres ouvertes sur le monde intérieur du photographe, Extraños est dominé par quatre grands thèmes : le sexe, la mort, l’enfance et l’espace intime. Des images oniriques en noir et blanc parce que “c’était la langue qui convenait pour rendre plus distante la réalité pure et dure alors que la couleur n’aurait fait que me distraire” explique le photographe. Un univers particulier teinté de magie, de mystère, d’ambiguïté , “une histoire très intime, de mes obsessions et de mes craintes, sans doute la partie la plus personnelle de mon travail” constate encore le photographe. Une vision en forme de miroir alors que pour Juan Manuel Castro Prieto c’est bien la réalité telle qu’elle apparaît qui est “étrange, presque irréelle, fantastique”.