
Wanted Paris 23 rue du roi de sicile 75004 Paris France
Intra-Muros, Paris, Hiver 2007 - 2008
Comment raconter l’absence, comment expliquer l’abandon ? Ces deux inquiétudes intimement liées sont présentes dans le projet “Intra-Muros” de Patrick Smith.
La série de photographies réalisées à Paris, durant l’hiver, sur les conditions de vie des personnes sans domicile fixe, décrit les anomalies d’une géographie urbaine, de différents espaces publics altérés par des éléments presque invisibles, des traces d’une réalité souvent ignorée qui constitue cependant l’essentiel des préoccupations personnelles et visuelles du photographe. Devant une série d’indices à peine discernables, le spectateur est confronté à une réalité métaphoriquement signifiée. Patrick Smith prend fait et acte, mais refuse de montrer une image dramatique ou une preuve de misérabilisme. Bien que dérangeantes, ces images ne racontent pas une histoire de misère mais sont plutôt des signes des aléas de la vie. Moulés, des fragments de vie sont juxtaposés à une architecture banale. Le mimétisme, où les reliques d’un habitat précaire se confondent avec le paysage, est une constante qui favorise la révélation de complicités mystérieuses entre des mondes généralement opposés.
Chantal Grande,
Conseiller artistique 2008 de la Fondation HSBC pour la Photographie
Marcheur éclairé, le photographe Patrick Smith n’a jamais dissocié le regard et l’interrogation. Tout horizon est porteur d’un sens que ses photographies tentent de mettre en lumière, dans le dessein d’interroger les sujets qui le préoccupent. Ainsi est-ce en observateur critique de la relation instable entre l’environnement du vingt-et-unième siècle et les êtres qui l'habitent que Patrick Smith a initié, en 2005, ce projet singulier, intitulé « Landscapes ».
L’approche photographique de nos errances au sein de ce que les biologistes dénomment notre « milieu naturel », permet de révéler la manière dont notre société assiège et sculpte ce dernier au quotidien, afin de le rendre compatible avec ses exigences. Patrick Smith envisage ainsi la dénaturalisation de l’espace qu’impliquent les impératifs de la modernité, au travers du prisme du tourisme.
Contre toute attente, quelque chose comme un basculement de cette relation homme/nature telle qu’on l’imagine s’opère au fil de ces images ; là où l’on s’attendrait à une extermination industrielle accablante de ce qu’il faut bien appeler la nature, par un être humain insensible et monstrueux, l’on trouve des images de paysages épatants de perfection, et, au premier regard, inoffensifs et finalement presque engageants.
C’est bien de cela dont il s’agit ; le monde que Patrick Smith nous donne à voir, qu’il soit rural ou urbain, est toujours poli jusqu’au moindre détail, et comme constitutionnellement porteur d’irréel, d’abstraction, et même parfois d'une étrange poésie. On serait tenté de croire à des mises en scènes, voire même à des peintures, tant la coordination des placements des personnages au sein de l’espace est parfaite ; il est difficile de n’être pas fasciné par ces myriades de silhouettes multicolores qui bariolent une montagne à la blancheur éclatante au point d’en paraître synthétique. Si la structure de certaines photographies rappelle, par l’importance accordée au détail, celle des peintures de Brueghel l’Ancien, la touche des images, sa texture glacée et ses couleurs incisives évoquent non sans cynisme le monde enchanté que dévoilent les affiches publicitaires des agences de voyage et des parcs de loisirs.