Cette exposition présentera une série de photographies originales.
Certaines sont produites pour Le Laboratoire à la suite de plus d’une année de réflexion et de dialogue avec notament la scientifique Anne Goldfeld, co-fondatrice d’une clinique au Cambodge, et David Edwards, fondateur du Laboratoire. D’autres témoignent du travail de James Nachtwey réalisé en Sibérie, en Asie et en Afrique, et des actions menées dans divers dispensaires engagés dans la lutte contre les maladies infectieuses. Une bouleversante photographie panoramique, réalisée à Bankgok, sera présentée sur un mur de 9 mètres de long.
James Nachtwey ne s’arrête jamais. Continuant ses voyages en février et mars 2008, le photographe enverra à Paris de nouveaux clichés, nourris par ses rencontres avec les scientifiques invités au colloque Attention !. Ces photographies s’ajouteront au fur et à mesure dans l’exposition et la rendront évolutive.
Le cinéaste et metteur en scène américain Asa Mader a réalisé une série de portraits filmés des scientifiques intervenant dans le colloque d’Attention ! et dont les travaux s’inscrivent à la frontière de la science et de la santé globale. Ils témoignent de leurs expériences sur le terrain et font part de leurs réactions face aux photographies de James Nachtwey.
Porté par l’ONG TED (Technology, Entertainment, Design), des images de James Nachtwey seront projetées au cours de l’exposition sur les façades de bâtiments de plusieurs grandes villes dans le monde.
Photographe le plus primé au monde depuis plus de 20 ans, James Nachtwey poursuit avec acharnement sa passion du photo-journalisme sans jamais faire la moindre concession à la facilité.
On pourrait reprendre aujourd’hui ce qu’il écrivait déjà en 1985 : “Pourquoi photographier la guerre ? Les guerres existent depuis que l’être humain existe. Et au fur à mesure que les hommes se “civilisent”, leurs méthodes destinées à exterminer leurs semblables deviennent plus efficaces, plus barbares. Aujourd’hui, le monde est toujours en guerre. Et il y a peu de raisons d’espérer que cela changera. La photographie peut-elle avoir une incidence sur un comportement humain qui traverse toute l’histoire ? Une ambition ridiculement prétentieuse, à ce que l’on pourrait croire. Et pourtant c’est cette ambition qui me motive pour photographier la guerre”.
C’est là toute la force -et le secret- d’une démarche authentique qui n’a fait que se conforter avec le temps. Car son vrai courage, qui est tout autant éthique que physique le pousse tout naturellement à toujours être au coeur de l’événement. C’est la clarté de ses convictions d’homme, la fermeté de ses engagements professionnels qui font la puissance et l’équilibre de ses cadrages criant de vérité.
James est fidèle à son credo premier : faire la guerre … à la guerre.
Sous l’apparence d’un calme olympien quelle que soit la menace des armes, cet homme de caractère met tout son amour-propre professionnel au service d’une seule exigence : restituer par l’image leur dignité à toute les victimes des guerres oubliées ou recommencées de Grozny à Ramallah ou Falloujah en Irak. James Nachwey se veut un témoin engagé et assume en conséquence la volonté de toujours “être le porte-parole de toutes les victimes” mêlant population civile et soldats de tous bords sans parti –pris aucun Faire “parler” ses images à leur place pour mieux les faire “entendre”, plaider leur détresse de Kabul à New-York ou Jenine, Bagdad ou hurler à la face du monde leur deuxième mort quand la presse les oublie.
La démarche toujours lente et toute empreinte de pudeur de James crée un respect réciproque, qui l’autorise à ne plus garder une certaine distance pour traduire alors au ras du sol maculé de leur sang ou imprégné de leurs larmes le sort tragique des victimes anonymes dans les cimetières improvisés du Kosowo ou dans les entrailles fumantes du WTC, première tragédie médiatique en temps réel du XXIème siècle.
Dans le halo des lumières de secours ne resteront dans son viseur de survivant que les squelettes des tours jumelles devenues les cathédrales d’acier d’une Amérique qui poursuit son chemin de “croix” depuis Pearl Harbour mais aujourd’hui sur son propre sol.
Du Kosowo à la Palestine ou en Afghanistan jamais ne perce dans les reportages de l’envoyé spécial de “TIME” depuis 1984 la moindre lassitude ou accoutumance à l’horreur, qui atténueraient la force de son témoignage, en le rendant coupable aux yeux de certains de faire commerce des tragédies humaines vécues. “Le plus grand problème auquel je suis confronté dans mon travail de photographe de guerre, c’est le risque de profiter de la détresse des autres. Cette pensée me hante- souligne –James Nachtwey. Elle me tracasse jour après jour, car si je laissais la carrière et l’argent prendre le dessus sur ma compassion, je vendrais mon âme”.
Admirateur zélé de Goya et du Caravage, James porte à son paroxysme la représentation du deuil humain, dans ce qu’il a d’insupportable en –raison même de l’esthétisation– spontanée morbide et nécessaire qui contribue à la dénonciation des horreurs vécues. James Nachtwey met son sens de l’image au service d’un humanisme qui tire encore plus sa raison d’être des leçons des guerres recommencées. Depuis leur réalisation de Dublin à ses débuts –lors des premières manifestations catholiques de soutien à Bobby Sand en grève de la faim– jusqu’en Irak en novembre 2006, toutes ses images nous projettent dans le “spectacle” de l’horreur. Pour mieux appeler notre conscience à ne pas –à ne plus– le supporter.
Comment peindre le mal sans jamais le reconduire ? C’est à cette question permanente entre politique et esthétique que nous soumet le travail de James Nachtwey. Ses images sont chacune une des pièces maîtresses des “Guernica” télévisuels que nous offrent “en direct live” les écrans du monde sur CNN ou AL JAZEERA.
Chaque cliché de James Nachtwey incruste en effet en nous le temps d’après la télévision pour faire de notre mémoire de citoyen du monde le réceptacle des moments forts de l’actualité brûlante en train de se faire.
“Nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité” a écrit Nietzsche. Nous avons les photographies de James Nachtwey pour nous empêcher de sombrer dans l’ignorance et pour lutter toujours contre l’oubli.
Alain Mingam
President of the “World Press Photo Jury” 1996