Photography's Alley Gallery 14 rue des Jardins Saint Paul 75004 Paris France
« Weltstadt Norderstedt ou « Norderstedt, ville métropole », n’accueillant pourtant que 1200 habitants par km². Norderstedt au nord d’Hambourg, ville natale de la photographe allemande Kristine Thiemann. Dans le terme métropole, on entend ville regroupant d’importants centres de décision, de gestion et de transport ; un pôle urbain créant une dynamique d’évolution au sein de la société, une certaine modernité de civilisation en somme.
Sera-t-on étonné alors d’apercevoir que dans la ville moderne de Norderstedt, un pasteur célèbre son office un téléphone portable à la main sous une lumière céleste, ou que des ambulanciers sont prêts à intervenir sur le secteur d’un Mac Donalds, ou qu’une assemblée d’hommes âgés presque nus et juchés sur des caddies semblent s’interroger sur la nature de l’âme auprès de carcasses de voitures ?
Voici le monde urbain dans lequel Kristine Thiemann a grandi. Ou dans la caricature de celui dans lequel elle aurait voulu grandir. Après dix années de voyage à travers le monde pour répondre aux commandes photographiques du milieu de la mode, elle pris conscience de l’attachement qu’elle eût pour cette ville, qui évoluait sans elle. Presque par égoïsme, elle souhaita arrêter le temps et garder une trace des visuels propres à son passé, pour les détourner dans leur espace, et offrir une nouvelle lecture.
C’est une collaboration de trois années avec les habitants qui a permis à Kristine Thiemann de créer de petites scénettes à l'esthétique soignée, presque graphique, pour des situations parfois burlesques, parfois en dénonciation d’un environnement précaire. Que deviendra cette boite à lettres jaune, à l’effigie du service public de la poste et télécommunications allemandes, qui annonce par la présence discrète d’un combiné rouge, un partenariat privé de la ville « au service des technologies et société de l’information », mais qui ne requérra apparemment plus l’existence d’un conteneur de la poste à cet endroit précis ?
Quel peut être l’avenir de la Autoverwerters Kiesow, fourrière si légendaire dans la province d’Hambourg ? Faut-il prendre empreinte autant de cet icône H vert et jaune de l’arrêt de bus, que de ce cabas avec l’inscription « de la jute et non du plastique », objet aujourd’hui démodé et non utilisé ? La proximité et l’attachement qu’a développé la photographe à l’environnement dans lequel elle a évolué, l’influe à immortaliser autant ce petit hippodrome où quelques paris s’y font encore, que ce vieil habitué qui reste à quelques mètres pour suivre la course, ceci toujours avec des jumelles !
Kristine Thiemann recherche à communiquer de vraies fausses informations sur Norderstedt, qu’elle prétend riche de diversités et de mœurs évolués. Non, les femmes ne sont pas derrière leurs fourneaux mais en train de bricoler sous la calandre d’une Ferrari. Oui, la mixité des peuples existe à Norderstedt et on peut suivre les prouesses sportives d’une famille sur un parcours de golf. Les entraîneurs des équipes municipales de baskets sont en costume lors d’un match et non en survêtement, et les joueuses s’enivrent d’affection mutuelle pendant l’échauffement. Des stars en lunettes noires s’arrêtent à l’Hotel Norderstedert Hof, et des hommes en capuche se retrouvent dans la pénombre au devant du sex-shop Erotic Discount Center.
Nombreux sont les portraits que Kristine Thiemann a réalisés sur cette bourgade avec la complicité de ces habitants, initiative qu’elle souhaiterait renouveler dans les villes jumelées à Norderstedt. A 947km sud-ouest, Maromme dans le nord de la France honore-t-elle tout comme sa jumelle une exposition horticole ? Oadby and Wigston, en Grande-Bretagne, organise-t-elle des combats de catch ? Zwijndrecht aux Pays-bas, a-t-elle son métro ? Et Kohtla en Estonie a-t-elle sa propre chaîne de télévision locale ?
Avec cette première série d’une quinzaine de photographies, Kristine Thiemann a souhaité arrêter l’évolution d’une société le temps où elle y a trouvé ses repères, et offrir pas seulement une nouvelle narration mais plusieurs, parfois en plaçant quelques unes de ses utopies, surtout en utilisant beaucoup d’ironie. »
Claire Bresson, PhotoEuropa, janvier 2008.