Galerie 208 Chicheportiche 208 boulevard Saint-Germain 75007 Paris France
« En choisissant de réunir pour une présentation à la Galerie 208 les travaux de photographie et de vidéo de Cyrille Danakil et Stéphane Sednaoui, Patricia Chicheportiche offre peut-être à son public l’occasion d’une rencontre exemplaire. Si rien ne rassemble à priori leurs démarches, il y a cependant ceci de frappant au vu de leurs travaux, qu’ils proposent tous deux un regard expérimental, non sur la femme, mais sur une ou des femmes, ou pour mieux dire : sur des corps de femmes. Avec pour tous deux une même interrogation : que peuvent ces corps ? De quoi sont-ils capables qui étonne et captive ?
On se souviendra à cette occasion, que de la question : que peut un corps ? Spinoza avait fait la question éthique par excellence. Et qu’il appartient au philosophe contemporain Gilles Deleuze d’en avoir repris la flèche et de l’avoir portée plus avant. Apportant une précision extraordinaire d’évidence à sa formulation en avançant qu’au niveau des êtres humains, la question ne saurait être posée que sous la forme complétée : que peut un corps de femme ? C’est, on l’aura compris, que la question est celle des devenirs. Ce que peut un corps, ce sont en effet les devenirs dont il est capable. Et, dès lors, ce en quoi il est fécond. Etant entendu que la fécondité est la qualité féminine par excellence, et qu’il y a deux grandes manières pour un corps d’être fécond. Enfanter, c’est à dire (se) reproduire, et faire revenir la forme du même. Mais aussi, muter, devenir. C'est-à-dire faire advenir l’autre, la différence.
Sednaoui autant que Danakil se rangent parmi ceux dont le regard est d’abord attentif à cette dernière forme de la fécondité. Regardant une femme, la question qui leur vient n’est pas de savoir si elle ferait un bon objet apte à la reproduction sexuelle ou, aussi bien, sociale. Mais, plutôt, interrogeant son corps, d’en ausculter les puissances et de s’engager en sa compagnie sur les chemins qu’il ouvre à des intensités et des désirs inouïs. »
Robert Albouker
Novembre 2007