
Cité Nationale de l'histoire de l'immigration Palais de la Porte Dorée 293 avenue Daumesnil 75012 Paris France
Cette exposition retraçant les diasporas arméniennes du début du siècle a été conçu en deux temps. Une première exposition intitulée Les Arméniens (1917-1939). La quête d’un refuge au Proche-Orient a d’abord été conçue par Raymond Kévorkian, Lévon Nordiguian et Vahé Tachjian. Coproduite par l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (département d’histoire et bibliothèque orientale) et la bibliothèque Nubar de l’Union générale arménienne de bienfaisance (Paris), elle a été présentée à Beyrouth en mai 2006. Un second volet intitulé Se reconstruire en exil. L’arrivée des réfugiés arméniens en France a ensuite été réalisé, sous l’autorité scientifique de Raymond Kévorkian, par le Centre du Patrimoine Arménien à Valence, en partenariat avec la Cité. Ce second volet a été présenté à Valence du 2 mars au 29 avril 2007. Mêlant textes, cartes et une importante documentation iconographique, cette exposition revient sur les diasporas arméniennes du début du siècle. S’intéressant surtout aux communautés arméniennes installées au Proche-Orient (particulièrement au Liban et en Syrie) et en France, cette exposition, réalisée entre Beyrouth et Paris, revient sur les processus d’adaptation aux sociétés d’accueil des différentes vagues migratoires arméniennes. Si dans un premier temps l’immigration, particulièrement difficile pour des populations regroupées dans des camps de réfugiés, était vécue comme une étape transitoire, après la Seconde Guerre mondiale les Arméniens prennent conscience du caractère définitif de la diaspora. Ils veillent alors à assurer la pérennité de la langue et de la culture arménienne en constituant des partis politiques, des églises, des associations, des établissements scolaires spécifiques, etc. Parallèlement, ils ont en même temps réussi à s’enraciner dans les pays où ils se sont installés en en devenant des citoyens à part entière, actifs dans différents secteurs d’activités. C’est ce double mouvement de sauvegarde d’une spécificité culturelle et d’intégration dans les sociétés d’accueil ainsi que la complexité de l’identité de cette diaspora que l’exposition souhaite mettre en lumière. L’arrivée massive de réfugiés arméniens en France, dès 1922, est étroitement liée aux bouleversements géopolitiques survenus au Proche-Orient, notamment à l’évacuation de Smyrne, en septembre 1922, et l’entrée des Turcs kémalistes en Cilicie, après le retrait de la France. Environ 58 000 réfugiés arméniens débarquent dans le port de Marseille entre 1922 et 1924. Beaucoup vont s’établir dans des camps de fortune, comme les camps Oddo, Saint-Jérôme, Les Mille, etc., avant d’aller, pour une partie d’entre eux, tenter leur chance dans la vallée du Rhône et jusqu’à Paris. L’insertion socio-économique de ces réfugiés va passer par la création d’organisations à vocation humanitaire, éducative, culturelle, sportive et, surtout, d’associations "compatriotiques". Ces dernières jouent un rôle capital grâce à l’entraide qu’elles organisent. Elles lancent également des collectes de fonds destinées à la construction des écoles et des églises arméniennes. La presse et l’édition servent enfin de lien entre tous ces déracinés qui vont progressivement trouver leur place dans la société française. Dans les années 1930-1940, nombre de ces réfugiés s’insèrent dans en France en pratiquant des métiers emblématiques, comme cordonniers ou tailleurs. Mais c’est véritablement la Deuxième Guerre mondiale qui fait de ces réfugiés arméniens des citoyens français : leur engagement dans la résistance et la nouvelle donne politique engendrent une "naturalisation" massive de ces anciens réfugiés. L’intégration des Arméniens dans leurs patries d’adoption, en France et au Proche-Orient, est passée par plusieurs étapes, parfois douloureuses, dont la mémoire tend à s’estomper. Avant de devenir citoyens français, libanais ou syriens, ils ont vécu l’expérience de tout réfugié déraciné, en quête d’un pays d’accueil, où ils pourraient trouver l’environnement propice à une reconstruction. Les bouleversements géopolitiques consécutifs à la Première Guerre mondiale ont redessiné la carte du Proche-Orient et offert aux réfugiés arméniens l’espace nécessaire au redémarrage d’une vie collective. Après l’anéantissement de 1915, les Arméniens ont eu la ferme volonté de reconstruire la nation, comme pour démontrer que le plan génocidaire conçu par le régime Jeunes-turcs, aussi systématique soit-il, n’était pas parvenu à les détruire totalement. D’immenses efforts ont été déployés par les instances arméniennes, ainsi que par quelques organisations caritatives internationales, pour récupérer femmes et enfants dispersés dans tout le Proche-Orient et les réhabiliter. De vastes programmes de construction de quartiers urbains ou d’implantations rurales ont été menés par les agences pour les réfugiés de la Société des Nations, l’administration mandataire française et des organisations « compatriotiques » arméniennes, soutenues par l’Union Générale Arménienne de Bienfaisance. Ils ont permis l’évacuation progressive des camps, aux conditions de vie catastrophiques, vers des habitats plus décents. Des refuges, des orphelinats, des écoles, des églises ont été installés, parfois sous des tentes ou dans des baraques en bois, avant d’être édifiés en dur. La période de l’entre-deux-guerres a été pour les réfugiés arméniens comme un vaste chantier contribuant à la restauration de leur vie collective et à la construction d'un destin commun avec leurs pays d’accueil.