L’empreinte de la guerre reste indélébile y compris dans les mémoires de ceux qui n’en furent ni témoins, ni victimes. Paolo Ventura, 38 ans, a grandi dans les récits et les souvenirs de l’Italie des années 1940 – 1945, que ses grands-parents évoquaient dans la grande maison familiale de Toscane. Son imaginaire s’est nourri de ces fragments de la grande histoire que hantent mort, trahison, détresse morale et destruction. Photographe, il a recherché et compulsé l’iconographie de ces périodes troublées où les images ne laissaient apparaître qu’une réalité tronquée. De cet ensemble disparate mais obsédant, il a conçu de reconstruire de « vrais faux » souvenirs de guerre sous forme de scènes miniatures soigneusement agencées dont les photographies sont les seules traces. La vision de ces petits théâtres tragiques provoque un inexplicable trouble tant la reconstruction de ces soldats morts, de ces patrouilles nocturnes, de ces résistants pourchassés, dans un univers délétère et corrompu, parvient à dire l’énigme sombre du temps quotidien de la guerre. Ce que nous voyons ne sont que figurines et costumes de poupées, les décors sont de cartonpâte, et pourtant nous éprouvons la même gêne, le même douloureux constat qu’en présence des fameuses « scènes du crime » de Weegee qui lui, nous donnait à voir des faits scrupuleusement réels. La romancière Francine Prose prolonge ainsi la réflexion dans le texte qui accompagne les photographies de Paolo Ventura : « Face à ses images, le temps s’interrompt, un souffle de mélancolie s’installe, dans lequel on croirait percevoir des chuchotements sur les énigmes du temps et de l’âge, de l’innocence des enfants et du savoir des adultes, mais aussi l’écho de mystérieuses questions : que voyons-nous, que pensons-nous voir, que montrent ces photographies ? » Actes Sud Traduit de l' américain par Isabelle Roy juin 2006 / 23 x 30 / 96 pages