
Expositions du 18/04/2007 au 03/06/2007 Terminé
Passage du Désir 85-87, rue du Faubourg Saint-Martin 75010 Paris France
RETOUR SUR LES LIEUX
Le Passage du Désir propose à ses visiteurs une expérience singulière : une exposition dont le sujet est le lieu même de l'exposition, un moment de son histoire.
Car l'immeuble du 85/87 rue du Faubourg St Martin qui abrite aujourd'hui le Passage du Désir ainsi que l'agence de publicité BETC Euro RSCG, a eu pendant la guerre un destin particulier. Ancien immeuble Lévitan "aryanisé" par les nazis, il a abrité, entre juillet 1943 et août 1944, un camp de travail dont les détenus, choisis parmi les internés du camp de Drancy, étaient contraints de trier, réparer, emballer, les meubles et les objets pillés par les nazis dans les appartements des familles juives de Paris.
En 2004, un petit album de photos est identifié dans les archives fédérales allemandes, à Coblence : prises par des soldats allemands en charge de la spoliation afin de rendre compte de l'efficacité de leur travail à Paris, retrouvées et constituées en album à la libération par des soldats américains chargés de la restitution des oeuvres d'art, ces 85 photos représentent toutes des lieux où des objets appartenant aux juifs ont été acheminés, stockés, entreposés : Palais de Tokyo, Musée du Louvre, hôtel particulier de la rue Bassano, Gare du Nord, Entrepôts et Magasins Généraux d'Aubervilliers.
Mais la plus grande partie de ces photos a été prise dans l'immeuble Lévitan.
On y voit l'arrivée des caisses dans des camions de déménagement, on y voit les piles d'objets, les amoncellements, les accumulations - de vaisselle, de linge, de jouets. On y voit les détenus au travail, entassant, classant, réparant. On comprend que ce que l'on entend par « spoliation des juifs » ne concerne pas seulement les oeuvres d'art, les tableaux de valeur, mais aussi les modestes objets de la vie quotidienne - chaussures, ampoules, casseroles, linge. On y voit des notables nazis venus inspecter les lieux et choisir des objets pour eux-mêmes, comme dans un magasin idéal où les plus beaux meubles faisaient d'ailleurs l'objet d'une mise en scène soignée.
Il nous a semblé important que ces photos soient exposées dans le lieu même où elles ont été prises. Comme un juste retour des choses. Un retour sur les lieux.
C'est pour exprimer ce « retour sur les lieux » que les 85 photos, divisées en autant de chapitres, sont projetées à même les murs, par neuf projecteurs. Leur taille et leur hauteur sont telles que les personnages photographiés sont à peu près de la même taille et à la même hauteur que les visiteurs. Les photos sont évidemment en noir et blanc. La pièce est dans la pénombre. Seule note de couleur, au sol, un tapie de 8mx11 reproduit une carte de métro du Paris de l'époque, sur lequel on peut repérer les différents lieux de la spoliation. Dans la deuxième salle, sur les murs délabrés, restés intouchés depuis l'époque, 14 photos d'archives sont reprises. Il s'agit là de tirages, les photos sont encadrées. A côté de chacune de ces photos anciennes, exactement dans le même angle, une photo du même lieu aujourd'hui, prise par Olivier Amsellem, « Mémoire lieux et trace », tel est le thème de cette deuxième salle.
La scénographie de l'exposition est de Dominique Breemersch, partenaire de longue date de James Turrell.
La rencontre inattendue entre ce qu'est devenu l'immeuble Lévitan aujourd'hui : un lieu voué à la modernité - manifestations d'avant-garde, mode, pub, musique, design - et ce passé très sombre aujourd'hui reconnu, rappelé, respecté, n'est pas le moindre intérêt de cette exposition : elle donne par ailleurs à voir concrètement, à tout un quartier, ce qui lui avait été si soigneusement caché - ou qu'elle n'avait pas su ou voulu voir - à l'époque. Et enfin elle pose des questions passionnantes sur le rôle des images, et sur l'usage que l'on en fait, suivant que l'on est un soldat allemand chargé de magnifier un butin, un soldat américain responsable de la restitution des biens aux juifs, un historien, un ancien détenu, ou un simple spectateur d'aujourd'hui, effaré de se rendre compte de tout cela a bien eu lieu.
Exposition organisée par l'agence BETC et le Passage du Désir.
avec le soutien de la Mairie de Paris, de la Caisse des Dépôts, de Havas et de Partizan, et La Fondation Rothschild-Institut Alain de Rothschild
en coopération avec l'Amicale Austerlitz, Lévitan, Bassano.
Commissaire d'exposition : Sarah Gensburger
avec la participation de Michèle Cohen
Exposition du 18 avril au 3 juin 2007
Tous les jours sauf le mardi de 11h à 19h
ENTREE LIBREPassage du Désir 85-87, rue du Faubourg Saint-Martin 75010 Paris France