
58 rue Quincampoix - 75004 Paris
« GROENLAND - Le dilemme des glaces » - Photographies de Samuel Turpin
5°C, c’est l’augmentation moyenne de température enregistrée en hiver depuis 1951 au Groenland. La fonte des glaces, accélérée par les effets du changement climatique, libère aujourd'hui l'océan durant près de 8 mois au cours de l’année -contre 5 mois il y a encore 20 ans- sur les parties sud et ouest de l’île.
Si les Inuits ne nient pas qu’ils observent un changement majeur de leur environnement, une grande majorité considère que c’est un cycle de la Terre comme leurs ancêtres en ont connu auparavant, et qu’ils s’adapteront, comme ils l’ont toujours fait. Leur survie durant des siècles tient à leurs capacités d’adaptation et à leur pragmatisme. Pour le moment, ils saisissent l’opportunité qui leur est offerte. L’image du chasseur inuit isolé sur un morceau de banquise à la dérive, contraint de quitter son village parce qu’il ne peut plus chasser ou pêcher, les agace fortement. Beaucoup d’entre eux le disent : « Ce n’est pas notre réalité. C’est votre fantasme. »
Longtemps ignoré, l’Arctique représente aujourd’hui un nouvel enjeu géopolitique. La fonte des glaces a déclenché une compétition autour de ses importantes ressources minières -dont les terres rares et l’uranium- les hydrocarbures, et les nouvelles voies maritimes commerciales. Le Groenland, désireux de s’affranchir d’une dépendance économique -et à terme politique- vis à vis du Danemark, se trouve aujourd’hui face à un dilemme : L’exploitation de ressources à risques face à la préservation de son environnement, qui est au centre de toute la culture Inuit.
Face à ce nouveau contexte énergétique mondial et à l’investissement risqué que représente l’exploitation offshore, trois compagnies pétrolières ont abandonné leur licence d'exploration en 2016. Consultée par sondages, la population groenlandaise se déclare favorable à l’exploitation minière, mais oppose une forte résistance à la pollution du traitement des terres rares et de l’uranium. Dans l'incertitude, le Groenland reporte alors tous ses espoirs sur le secteur de la pêche, qui représente déjà 90% des exportations du territoire, demeurant la première source de subsistance pour les villages côtiers ; au risque d'entrer dans une exploitation intensive, alors que l'avenir des ressources halieutiques en Arctique, très affectées par les effets du changement climatique, reste très incertain ; au risque de créer une dangereuse dépendance pour tous les pêcheurs côtiers qui disposent de peu d’opportunités de reconversion et de les fragiliser en les poussant au surendettement. La plupart ne pourraient pas résister à une ou deux « mauvaises saisons ».
En 2016, la compagnie étatique Royal Greenland affichait un bénéfice record de 954 millions d’euros. La production est destinée en priorité aux marchés américains, asiatiques et européens dont la demande a doublé en 25 ans.
Une Story avec Niels Moolgard, pêcheur à Qeqertaq.
Le reportage « Le dilemme des glaces » s’inscrit dans le projet Humans&Climate Change Stories dont l’objectif est de proposer une approche documentaire des effets du changement climatique à travers l’histoire de 12 familles réparties sur le globe, suivies tous les 3 ans sur une durée totale de 10 ans. A travers leurs récits et l’évolution de leurs parcours, nous tentons de mieux comprendre quels sont les effets du changement climatique sur notre vie quotidienne et nos capacités de résilience. Humans&ClimateChange Stories met également en perspective les dynamiques sociales, économiques et géopolitiques qui exercent une pression sur les phénomènes environnementaux.
Le projet propose une forme de narration immersive, diffusée à travers une approche multimédia.
www.humansclimatechange.com - f humansclimatechangestories
Le projet est soutenu par l’Agence de Coopération et de développement Suisse (DDC) et l’Organisation
Internationale des Migrations (OIM) et le groupe Verts/ALE au Parlement européen.
Biographie
Samuel Turpin est journaliste et photographe, ancien collaborateur de l'agence Gamma.
Depuis 1998, il vit dans les terrains de conflit et les zones humanitaires d’urgence, où il a développé une sensibilité forte sur les thématiques liées aux migrations, aux ressources naturelles et leur exploitation.
Il collabore également avec la Fondation Hirondelle, une organisation de journalistes basée en Suisse qui crée et soutient les médias en zone de crise.
« SERGE et JACQUELINE » - Photographies de Laure Vouters
Le quartier de Lille-Sud est en pleine mutation. Mais de génération en génération, les habitants y restent très attachés. La barre des Biscottes a disparu pour faire place à des logements neufs qui cohabitent avec des maisons de ville des années 1930. Le commissariat central tente de ramener le calme après de longues périodes de troubles. La pluie me surprend ce jour-là. Je m’abrite sous un porche déjà occupé par un homme et une femme, c’est l’heure de la promenade des chiens. Elle me dit bonjour, voit mon appareil photo. Nous échangeons quelques paroles.
– Je rêve depuis toujours de rencontrer quelqu’un pour raconter notre histoire, c’est le Seigneur qui vous envoie...
Souvent, quand on pense à un récit, on pense aux mots. Mais Jacqueline est analphabète, et c’est peut-être pour cela qu’il lui semble normal de pouvoir écrire sa vie avec des photographies. Je suis accueillie dans le quotidien de ce couple au langage spontané, aux gestes naturels, aux rituels singuliers. Un petit monde plus organisé qu’il n’y parait, où il existe une marraine des chiens et une voiture du Père-Noël…
Une vie tendre et lumineuse, parsemée d’humour et pleine de pudeur.
Tout me remue chez Jacqueline et Serge, leur sincérité, leur simplicité, leur manière de vivre. Les barrières tombent, la relation s’installe avec beaucoup d’humilité. Je me rends à leur domicile le jour de notre rencontre. Puis on se revoit, encore, et encore. Parfois, nous croisons des personnes de son entourage ou des voisins. En les interpellant, Jacqueline me rappelle qui je suis : C’est une photographe, elle raconte mon histoire !
Le 10 avril 2015, j’ai ouvert une porte, ou plutôt une porte s’est ouverte à moi sur un espace inconnu. C’était si fort que j’y suis restée. Avec le temps, je suis rentrée dans quelque chose qui dépasse le sujet, une vie attachante. Serge et Jacqueline me donnent tout ce qu’ils ont, une présence et une disponibilité.
Mon geste photographique coule dans leur quotidien. Le couple, la religion, le mariage, la famille, la maladie, les animaux, le déménagement...
Mon regard devient englobant et bienveillant sur cette réalité portée par une certaine sensibilité mystique qui me renvoie aux premiers mots de Jacqueline : C’est le Seigneur qui vous envoie !
La liberté témoignée par Serge et Jacqueline s’inscrit dans un vrai travail photographique. Les préjugés, les étiquettes, les stéréotypes tombent. C’est un message de tolérance et d’acceptation que j’ai reçu et que je souhaite partager.
Leur histoire devient la mienne. En images et en dires, le récit d’un échange lumineux et bienveillant, la trace des petits fils tissés entre nos humanités.
Biographie
Basée à Lille. Après des études d’arts appliqués, Laure Vouters a travaillé pendant une trentaine d’année dans la communication.
« Depuis 5 ans, je suis engagée dans la photographie d’auteur renouant avec un apprentissage de création liée à mon besoin de partage et d’ouverture.
Autodidacte et curieuse des parcours des gens d’images, j’ai participé à différents workshops avec Christian Caujolle, Cédric Gerbehaye, Fréderic Lecloux, Jane Evelyn Atwood et Denis Dailleux.
Poussée au plus profond de moi-même par un “appel à voir”, je vais là où l’intuition m’emmène capter une atmosphère, une émotion, une particularité qui perturbe ou retient mon attention. Je cherche à mettre en place une esthétique simple qui donne à voir le spectacle lumineux d’un quotidien à l’apparence souvent modeste.
Cette esthétique se déploie dans mon travail “Serge et Jacqueline” et dans un autre projet en cours autour de l’univers intime de “René”, forain en Belgique... »