« Le dilemme des glaces » s’inscrit dans le projet Humans&Climate Change Stories (www.humansclimatechange.com), dont l’objectif est de proposer une approche documentaire des effets du changement climatique à travers l’histoire de 12 familles réparties sur le globe, suivies tous les 3 ans sur une durée totale de 10 ans. A travers leurs récits et l’évolution de leurs parcours, nous tentons de mieux comprendre quels sont les effets du changement climatique sur notre vie quotidienne et nos capacités de résilience. Humans&Climate Change Stories met également en perspective les dynamiques sociales, économiques et géopolitiques qui exercent une pression sur les phénomènes environnementaux. Le projet est soutenu par l’Agence de Coopération et de développement Suisse (DDC) et l’Organisation Internationale des Migrations (OIM).
Longtemps ignoré, l’Arctique représente aujourd’hui un nouvel enjeu géopolitique. La fonte des glaces, accélérée par le réchauffement climatique (1), a déclenché une compétition autour de ses importantes ressources minières - dont les terres rares et l’uranium, les hydrocarbures - et les nouvelles voies maritimes commerciales. Le Groenland, désireux de s’affranchir d’une dépendance économique -et à terme politique- vis à vis du Danemark, se trouve aujourd’hui face à un dilemme : L’exploitation de ressources à risques VS la préservation de son environnement, qui est au centre de toute la culture Inuit.
Face à un nouveau contexte mondial et l’investissement risqué que représente l’exploitation offshore, trois compagnies pétrolières ont abandonné leur licence d'exploration en 2016. Dans l'incertitude, le Groenland reporte alors tous ses espoirs sur le secteur de la pêche, qui représente déjà 90% des exportations du territoire, et demeure la première source de subsistance pour les villages côtiers. La fonte des glaces libère aujourd'hui l'océan durant près de 8 mois au cours de l’année -contre 5 mois il y a encore 20 ans- sur les parties sud et ouest de l’île. Le gouvernement et les grandes compagnies de pêche autorisées offrent ainsi des contrats et des facilités aux pêcheurs côtiers pour se doter d’équipements de plus en plus modernes. Au risque d'entrer dans une exploitation intensive, alors que l'avenir des ressources halieutiques en Arctique, très affecté par les effets du changement climatique, reste très incertain. Au risque de créer une dangereuse dépendance pour tous les pêcheurs côtiers qui disposent de peu d’opportunités de reconversion, et de les fragiliser en les poussant au surendettement. La plupart ne pourraient en effet pas résister à une ou deux « mauvaises saisons ». En 2016, la compagnie étatique Royal Greenland affichait un bénéfice record de 954 millions d’euros. La production est destinée en priorité aux marchés américains, asiatiques et européens dont la demande a doublé en 25 ans.
Une stories avec Niels Moolgard, pêcheur à Qeqertaq.
(1) Le Groenland enregistre depuis 1951 une augmentation moyenne de température de 5°C en hiver, 3°C au printemps et à l'automne, et environ 1°C en été.
Biographie
Samuel Turpin est journaliste et photographe, ancien collaborateur de l'agence Gamma.
Depuis 1998, il vit dans les terrains de conflit et les zones humanitaires d’urgence, où il a développé une sensibilité forte sur les thématiques liées aux migrations, aux ressources naturelles et leur exploitation.
Il collabore également avec la Fondation Hirondelle, une organisation de journalistes basée en Suisse qui crée et soutient les médias en zone de crise.
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« SERGE et JACQUELINE » / Photographies de Laure Vouters
Le quartier de Lille-Sud est en pleine mutation. Mais de génération en génération, les habitants y restent très attachés. La barre des Biscottes a disparu pour faire place à des logements neufs qui cohabitent avec des maisons de ville des années 1930. Le commissariat central tente de ramener le calme après de longues périodes de troubles.
Ce jour-là, la pluie me surprend. Je m’abrite sous un porche déjà occupé par un homme et une femme, c’est l’heure de la promenade des chiens.
Elle me dit bonjour, voit mon appareil photo. Nous échangeons quelques paroles.
– Je rêve depuis toujours de rencontrer quelqu’un pour raconter notre histoire, c’est le Seigneur qui vous envoie...
Souvent, quand on pense à un récit, on pense aux mots. Mais Jacqueline est analphabète, et c’est peut-être pour cela qu’il lui semble normal de pouvoir écrire sa vie avec des photographies.
Je suis accueillie dans le quotidien de ce couple au langage spontané, aux gestes naturels, aux rituels singuliers. Un petit monde plus organisé qu’il n’y parait, où il existe une marraine des chiens et une voiture du Père-Noël…
Dans ce contexte social difficile, une vie tendre et lumineuse, parsemée d’humour et pleine de pudeur. Tout me remue chez Jacqueline et Serge, leur sincérité, leur simplicité, leur manière de vivre… Les barrières tombent, la relation s’installe avec beaucoup d’humilité.
Je me rends à leur domicile le jour de notre rencontre. Puis on se revoit, encore, et encore. Parfois, nous croisons des personnes de son entourage ou des voisins.
En les interpellant, Jacqueline me rappelle qui je suis : – C’est une photographe, elle raconte mon histoire !
Biographie
Basée à Lille. Après des études d’arts appliqués, Laure Vouters a travaillé pendant une trentaine d’année dans la communication.
« Depuis 5 ans, je suis engagée dans la photographie d’auteur renouant avec un apprentissage de création liée à mon besoin de partage et d’ouverture.
Autodidacte et curieuse des parcours des gens d’images, j’ai participé à différents workshops avec Christian Caujolle, Cédric Gerbehaye, Fréderic Lecloux, Jane Evelyn Atwood et Denis Dailleux.
Poussée au plus profond de moi-même par un “appel à voir”, je vais là où l’intuition m’emmène capter une atmosphère, une émotion, une particularité qui perturbe ou retient mon attention. Je cherche à mettre en place une esthétique simple qui donne à voir le spectacle lumineux d’un quotidien à l’apparence souvent modeste.
Cette esthétique se déploie dans mon travail “Serge et Jacqueline” et dans un autre projet en cours autour de l’univers intime de “René”, forain en Belgique... »