Mercredi 12 Juillet 2017 14:12:02 par Melissa Yelgel dans Expositions

Communiqué presse

Le projet « Rexistance » fruit d’une collaboration entre le collectif de photographes Item et le collectif de journalistes We Report illustre parfaitement l’approche photo-journalistique, où l’opérateur d’images se positionne comme photographe de presse, dont des articles à consonance socio-politiques accompagnent et éclairent le propos.

Dès lors fasciné par la capacité de ces jeunes auteurs de travailler ensemble dans une unité d’action et de vision, nous nous sommes proposés le challenge d’exposer le résultat de cette re-xistence (ou représentation seconde) dans une optique documentaire, avec une occupation plasticienne de l’espace, bien éloignée des récits style magazine, qu’affectionne la photographie de reportage. Celle-ci dans la lignée de l’iconographie d’agence requiert un style souvent percutant et fourmillant d’anecdotes visuelles, plus ou moins étonnantes ou fracassantes, de chocs de couleur jusqu’au monochrome et de mouvements saisis à la manière grand angulaire dans un déroulé qui institue une histoire, toutes constituantes du style reportage.

©Jeremy Suyker / item

Ne perdant jamais de vue la limite ténue qui sépare la photographie de reportage, que nous aimons nommer « rapportée » et la photographie d’obédience documentaire à laquelle nous préférons le terme «d’interprétative », nous avons toujours cherché ce qui les rapprochait, et faisait que Don Mc Cullin, Eugène Smith et Stanley Greene (récemment disparu) pouvaient cheminer aux côtés du panthéon des grands artistes documentaires: Eugène Atget, Lewis Hine, August Sander, Walker Evans, ou Allan Sekula, Lewis Balz, Robert Adams, et Jeff Wall qui en ont renouvelé le style.

De nos jours, beaucoup de photographes reporters revendiquent le statut d’artiste documentaire et montrent leur travail en galerie et centres d’art engendrant la confusion sur les différences qui statuent ces deux domaines, à la fois si distincts et entremêlés. Pour n’en citer que quelqu’uns, Gilles Saussier, Luc Delahaye abandonnent leur statut de photographes de presse au profit de la revendication d’artiste auteur, Philippe Dudouit, Raphael Dallaporta, Sophie Ristelhueber, tout en travaillant sur la thématique de guerre se placent dès l’aune sur le terrain de l’approche créative conceptuelle, pendant que les célèbres membres de Magnum, ou dans un tout autre registre Guillaume Herbaut, Tendance floue et Item jouent sur les deux tableaux.

Marqués par les injustices frappant le corps social de la France actuelle (d’avant Macron mais qui le resteront) et provoquant son délitement, les sept membres d’item sont partis à la chasse de récits qui dénoncent et fragilisent la démocratie. Ils en ont rapporté ( tel ce rapport que demande la photographie journalistique), ont couvert ces évènements où les citoyens prennent en charge leur révolte et la structurent afin de
proposer des solutions et de nouveaux comportements.

Expérience passionnante de la rencontre directe avec ces fameux Français, dont nous rabattent les oreilles, ces médias qui déforment leur prétendus vouloirs.

Armés de leur sincérité jamais dénuée de l’habileté du premier regard, et forts de l’analyse de leur compagnons journalistes, les photographes d’Item nous invitent à mieux comprendre ce monde si proche et si lointain.

Cette partie du peuple qu’il s’agisse du front du Nord, des lanceurs d’alerte, ou des ouvriers, et des zadistes en rupture de ban, car il y a des peuples et non un peuple comme on veut nous le faire croire, compose ce maelstrom d’individus baignés de leur histoire particulière et de leur milieu, qui nous renvoie à notre même solitude, si bien décrite par les protagonistes de Hugo Ribes.

Sur des centaines de clichés qui couvrent initialement ce rapport, engagé comme une expertise photo-journalistique en sept thèmes, nous avons retenu les photographies qui dénotent une vision unitaire non explicative, faite de distance en plans d’ensemble et de détails descriptifs, comme si le groupe Item se résumait dans une seule oeuvre d’un unique témoin.

En choisissant ces images qui échappent aux clichés et au récit cousu de fil blanc, en les mettant en scène sur fond de Bleu du Ciel dans le dialogue et l’échange, nous avons gagé qu’elles nourriraient un imaginaire chez le public, lui soufflant d’autres rêves en phase avec cette autre France, car c’est le but de l’art que de faire revivre ces bribes de résistances actives.

Gilles Verneret commissaire de l’exposition avec le collectif item

©Bertrand Gaudillère / item