© Fu Zhiyong
Expositions du 30/6/2017 au 2/9/2017 Terminé
Galerie Librairie IMPRESSIONS 17 Rue Meslay 75003 Paris France
Dossier de Presse -Galerie Librairie IMPRESSIONS 17 Rue Meslay 75003 Paris France
Des formes abstraites, des masses évanescentes, des lignes qui se fondent en variations de gris, des volutes blanches sur fond noir : la fumée constitue les objets intangibles que travaille Zyon. L’effet aléatoire de la matière à l’état de gaz est saisi par la photographie à la manière de sculptures, faisant assumer à ces formes légères l’épaisseur de la matière modelée.
Dans ces sculptures de fumée, Zyon reprend les formes de l’art classique chinois, non seulement au niveau des supports (monochromie, éventails ronds et rouleaux), mais aussi au niveau des formes qui lui permettent d’interroger les concepts fondamentaux de la pensée et de l’esthétique chinoise.
Certaines photographies montrent directement des fumées volatiles, mais dans la série « conception de pierres) (zao shi), une part importante du travail de l’artiste a consisté à donner du poids au gaz/fumée pour que s’en dégage des formes abstraites mais emblématiques, comme celles des fameuses pierres du lac Tai. Ces dernières, collectionnées par les lettrés, sont dites « pierre de rêves », une expression qui souligne également le contraste entre la lourdeur de la pierre et la légèreté de l’imaginaire.
© Fu Zhiyong
« Plates, certaines présentent une élégante sailli, comme une colline merveilleuse parmi les nuées d’immortalité […] ; certaines s’enroulent et se meuvent comme des dragons ou des phénix ; d’autres encore semblent sur le point de s’élancer comme des diables ou des fauves […]. Au soir, c’est une violente tempête : des cavernes béantes semblent avaler les nuages, défier la foudre ; inébranlables, on les craint et les admire. Au l’aube, ce sont des brumes qui se dissipent sur un joli paysage : une pluie persistante sur la falaise, qui balaie les nuées, vaporeuses, on se plait [parmi ces pierres]. […] Souvent je vais les observer […] : Quelle intention le créateur y a-t-il placée ? Le chaos embryonnaire s’y est-il figé, comme une réalisation du hasard ? […] » Dans ces pierres, Bai Juyi voulait voir le souffle originel.
Les « pierres de rêve » évoquent ainsi des paysages imaginaires, mais surtout elles contiennent la puissance de l’univers dans son état embryonnaire ; elles sont une cristallisation des forces créatrices, des souffles originels (qi) mis en mouvement par le Dao. C’est à cette conception fondamentale de la pensée chinoise, tant taoïste que confucéenne, que renvoient les « formes de souffles ». Ce sont des pierres à l’état de qi ; elles sont ici un peu plus dégagées de leur matérialité superflue, un peu moins réelles, mais par le biais de la photographie elles conservent leur dimension intemporelle. Zyon transfert les concepts de la philosophie classique chinoise de la roche à l’image.
Si les pierres peuvent parfois être considérées comme du qi figé, c’est la fumée, la brume, ou la vapeur (homophones en chinois) qui s’approchent le plus de la forme subtile des souffles, au demeurant invisibles. Les nuages et les brumes naissent de la montagne et sont l’expression des très puissants souffles telluriques. C’est dans ces brumes qu’infusent les souffles (chong qi) de la terre et du ciel créateurs du monde dans ses mutations infinies. Voir ces souffles, c’est assister à la genèse.
© Fu Zhiyong
Dans la conception traditionnelle, il est important de saisir ces qi en mouvement permanant, de les faire sien pour s’en approprier la puissance ou simplement pour vivre mieux, en accord avec le Dao. Mais leur forme est celle du Dao : insaisissable, puisqu’elle ne se fixe jamais elle ne peut être considérée que dans son instantanéité. Utiliser l’instantané de la photographie pour saisir sa forme et le montrer, tel est l’enjeu de cette exposition.
Quelques œuvres se démarquent par leur violente polychromie et une esthétique moins « lettrée ». Ces compositions florales s’apparentent à des vanités : elles se rapportent à l’idée bouddhique de la vacuité des formes et des couleurs visibles. « La forme n’est point différente du vide ; le vide ne l’est pas plus de la forme. La forme, c’est le vide ; le vide est la forme ». Là encore, Zyon propose de réfléchir à ce qu’il nous est possible de voir, ce que la photographie peut restituer du monde.
La modernité de ces formes venues de la Chine classique dans le champ de la photographie est saisissante, comme le contraste entre le réalisme propre à la photographie et l’absence de réalité – ou la réalité imperceptible – du souffle et de la couleur. Les séries présentées invitent à une réflexion sur la photographie comme révélateur/indice d’une réalité intangible.
Texte Cédric Laurent