Lundi 09 Janvier 2017 12:04:46 par Sophie Pouzeratte dans Expositions

Début 2008, sensibilisé aux problématiques géopolitiques et au charisme de Barack Obama, Benjamin Caillaud construit un projet de reportage sur la dynamique de campagne du sénateur Démocrate. Pour financer ses études, tandis qu’il vient de commencer une thèse d’histoire sur la photographie, il travaille comme photographe, d’abord salarié puis comme indépendant. Sans contact local, sans commande, doté d’une poignée de dollars mais armé d’une certaine audace, il parvient à suivre toutes les étapes de la campagne Obama en y trouvant une place privilégiée. Pour mieux appréhender les réalités et la complexité des Etats-Unis, il s’invite également dans les rassemblements Républicains et s’attache à montrer le quotidien d’une Amérique à l’heure du scrutin présidentiel.

© Benjamin Caillaud
 

Surtout, il observe inlassablement - dans une douzaine d’états - la mobilisation des militants Démocrates et des partisans du « changement ». Appréciant l’effervescence des grands rassemblements publics, il se place également en marge des événements en photographiant ce qu’il nomme les « banlieues du spectacle ». Benjamin Caillaud cherche ainsi avant tout à vivre l’incontestable euphorie qui contamine ceux qu’il baptise les « anonymes de l’histoire » et qui feront l’élection de novembre 2008. Le camp Obama identifie alors trois ressorts sur lesquels appuyer sa victoire : la forte implication des citoyens eux-mêmes pour le « changement » en convoquant « l’émotion », l’importance des actions de terrain et du militantisme de proximité, l’usage des « nouvelles technologies ».

© Benjamin Caillaud
 

Citizen Ben est donc l’immersion sensible d’un jeune photographe auteur et historien contemporain au cœur des trois mois de la Campagne Electorale Présidentielle Américaine. Composés de 106 clichés légendés, son reportage s’organise à son retour en France en six grands chapitres : l’action quotidienne des partisans de Barack Obama, l’Amérique en campagne, l’organisation des grands rassemblements populaires, les réunions de campagne des Démocrates, celles des Républicains, la nuit des élections et la victoire de Barack Obama à Chicago. De la convention de Denver en août 2008 au premier discours d’Obama comme président élu en novembre 2008, Benjamin Caillaud collecte des centaines de publications et d’objets relatifs à la campagne qu’il expédie régulièrement en France. Comme auteur articulant pratique photographique et approche historique, il fait le pari que ces éléments puissent devenir sources dans quelques décennies, lui permettant alors de mieux évaluer rétrospectivement une campagne électorale annoncée, vécue, mise en scène et racontée par tous ou presque comme « historique ».

Cependant, regarder ses photographies en 2017, à l’occasion du départ de Barack Obama de la Maison-Blanche, c’est déjà mesurer la permanence de certaines problématiques ou l’émergence d’autres aujourd’hui très discutées. Toutefois, ce qui peut interpeller le plus sur ses clichés - et qu’il faudra alors sans doute retenir comme signe historique authentique avant tout autre – c’est la dotation progressive par le grand public d’un appareillage numérique personnel dont les usages impliquent désormais massivement de nouvelles pratiques et de nouveaux comportements, au quotidien et à l’échelle planétaire. Une manière donc de s’interroger sur la façon dont l’imagerie numérique et sa diffusion sur les réseaux sociaux contribuent aujourd’hui pour chacun à construire et à affirmer une identité personnelle, notamment au moment de la confrontation avec ce qui se conçoit comme « historique ».

© Benjamin Caillaud

Benjamin Caillaud est un photographe Français né en 1979 en Charente-Maritime. Depuis une vingtaine d’années il porte son attention sur les questions de représentation démocratique en Europe et en Amérique du nord. Après 2010 et le passage de la tempête Xynthia, il oriente son travail sur les problématiques liées à l’occupation humaine des espaces littoraux. Son propos d’auteur s’articule avec ses recherches d’historien. Benjamin Caillaud est chercheur associé au Centre de Recherches en Histoire Internationale et bAtlantique de l’université de La Rochelle depuis 2013.