Expositions du 19/09/2006 au 31/12/2006 Terminé
Jeu de Paume 1 Place de la Concorde 75008 Paris France
Comme Walker Evans et Robert Frank, Lee Friedlander capte l'ordinaire de la ville et du quotidien américains, les devantures des magasins, les annonces publicitaires, la télévision, les voitures, la vie urbaine dans son ensemble. L'influence pop, les facéties spontanées et les innovations formelles marquent ses débuts de photographe dans les années 1950 et caractériseront toujours son travail. Toutefois, à l'orée des années 1970, sa sensibilité, son style et ses sujets s'élargissent. Un flot continu d'observations nourrit ses photographies d'où se dégagent charme et lyrisme. À l'affût des variations subtiles des formes et de la lumière, il produit des images urbaines richement descriptives, révélant l'énergie incontrôlable de la ville et dévoilant le pouvoir de la photographie à transformer ce qui est donné à voir. Au début des années 1990 il photographie les paysages de l'Ouest américain où il est né - tirages qui illustrent son goût pour les décors grandioses ou étranges et témoignent de l'intensité de son regard. L'exposition présente l'ensemble des sujets traités pendant 50 ans par ce grand photographe du XXe siècle.
Cette exposition présente 477 photographies noir et blanc, 6 photographies en couleur et un ensemble de livres et portfolios réalisés par Lee Friedlander.
Un catalogue publié par le MoMA, New York, en 2005, accompagne l'exposition sous la direction de Peter Galassi (version anglaise)
"Lee Friedlander repère les étrangetés indéfinissables, et souvent très temporaires, des espaces urbains, comme des apparitions de signes éphémères d'une présence espiègle et incontrôlée. Il sait transformer un environnement familier en un cryptage dans lequel l'œil retrouvera des codes au second degré. Il traite des ambivalences d'espace, des difficultés d'interprétation visuelle, de la confusion optique et des similitudes d'indices formels (des poteaux verticaux, des enseignes, des feuillages) ; il orchestre les reflets des vitrines, les miroirs improvisés, les images en incrustation, les ombres métamorphosées par l'objet sur lequel elles se projettent (autoportraits).
Lee Friedlander a modelé un visage imprévu de son pays — désarticulé en regard de la stabilité ancestrale vantée par Evans ou Abbott — et constitué petit à petit le lexique du rêve américain, fait d'apparitions télévisées, de miroirs inconstants, de lumières clignotantes ou d'autoroutes désertes. Il offre une ouverture inconditionnelle et médusée aux imprévus du regard. (…)"
Extrait d'un texte de Michel Frizot, Photo Poche,
Centre National de la Photographie, 1989
Né en 1934 à Aberdeen (Washington), Lee Friedlander, qui s'intéresse très tôt à la photographie, entreprend des études à l'École d'Art de Los Angeles en 1952, puis à New York, où il réside depuis 1955.
Dans les décennies 1950-1960, la photographie est en plein essor. Friedlander travaille comme photographe indépendant pour des magazines, Sports Illustrated, Holiday et Seventeen entre autres, et réalise des portraits de musiciens pour leurs couvertures d'album. Dans l'exposition présentée au Jeu de paume, les portraits en couleur de John Coltrane, Aretha Franklin et Miles Davis illustrent l'aspect commercial de la carrière de Friedlander à ses débuts. L'expérience professionnelle qu'il acquiert aiguise son savoir-faire, avive son goût du voyage et lui permet de rencontrer les grands photographes de l'époque, notamment Walker Evans, qui s'attache à photographier une Amérique ordinaire, et Robert Frank, auteur du livre culte Les Américains, publié à la fin des années 50, dans lequel l'auteur montre qu'un photographe peut s'écarter des commandes commerciales et de l'esthétique utilitariste des magazines pour créer une œuvre originale. Dès lors, le travail de Friedlander va évoluer.
Le concept American Social Landscape, exposition collective organisée à Rochester en 1966, illustre ces années durant lesquelles Friedlander sonde les scènes quotidiennes. Comme Evans et Frank, il capte l'ordinaire de la ville et du quotidien, les devantures de magasins, les annonces publicitaires, la télévision, les voitures et la vie urbaine dans sa globalité. Une certaine espièglerie apparaît dans son travail où il transforme les éléments qui auraient pu gêner le cadre, ou même les erreurs photographiques en calembours ou motifs de séduction : un poteau empêche la lecture d'un texte, une vitrine sème le trouble entre intérieur et extérieur, l'ombre du photographe ou son reflet s'ajoutent à l'image. Il invente un univers pictural particulier, constitué de reflets, de superpositions ou d'élisions. Pour d'autres photographes, ces ombres et reflets auraient pu créer un problème, Friedlander, lui, les accueille comme un cadeau instantané. La quête de ces incongruités attise la verve créative de la photographie moderne.
Comme Winogrand, Friedlander révèle l'énergie incontrôlable de la ville et dévoile le pouvoir de la photographie à transformer ce qui est donné à voir. En 1967, les travaux de Friedlander, Winogrand et Diane Arbus sont présentés au MoMA à l'occasion de l'exposition New Document. Le commissaire John Szarkowski reconnaît ces derniers comme les chefs de file d'une nouvelle génération de photographes, se situant au-delà de la tradition photographique humaniste prônée jusque là dans les magazines. "Leur but n'est pas de réformer la vie mais de la connaître", écrit-il.
Les années 1970 et 1980
L'influence pop, les facéties spontanées, et les innovations formelles marquent la première période de Friedlander et caractériseront toujours son travail. Toutefois, à l'orée des années 1970, sa sensibilité, son style et ses sujets s'élargissent. Un flot continu d'observations nourrit ses photographies d'où se dégagent charme et lyrisme ; à l'affût des variations subtiles des formes et de la lumière, il produit des images urbaines richement descriptives.
En 1976, il publie The American Monument, une sélection de photographies rendant hommage à la variété des monuments publics — nobles, grandioses ou ridicules — que compte le pays. Le style alerte de Friedlander se conforme à la variété de ses sujets, engendrant des images, tour à tour émoussées, complexes, prosaïques, drôles, ironiques, tendres ou graves. Il saisit l'Amérique aussi richement que l'a fait en France, un demi-siècle plus tôt, Eugène Atget pour lequel il a une admiration grandissante, ajoutant à sa vision émerveillée du monde un hommage à la tradition. D'année en année, le travail de Friedlander gagne en maturité et se pare d'un style plus voluptueux. Sa réputation grandissante lui vaut de nouvelles commandes. La première commande d'importance émane du Akron Art Institute en 1979 et donne lieu à Factory Valleys: Ohio and Pensylvania, série de photographies de l'industrie du Midwest et de portraits éloquents rendant hommage au monde du travail. Lorsqu'il s'agit des gens, Friedlander s'intéresse essentiellement à l'individualité ; ses clichés révèlent son intérêt, voire son admiration pour ses sujets. Cinq commandes ultérieures lui permettront d'approfondir le thème de l'homme au travail (employés de bureau devant leur ordinateur, télé-opérateurs, etc. )
Dans les années 1980 il produit un grand nombre d'images, continuant de capter les aspects du quotidien américain tout en traitant d'autres thèmes comme les nus ou les cerisiers du Japon, séries qui se construisent chacune à son rythme.
Les années 1980 s'achèvent avec la série Nudes, qu'il complètera en 1991.
Les années 1990
Au début des années 90, le désir croissant de Friedlander de photographier les paysages de l'Ouest américain où il est né, l'incite à utiliser un appareil Hasselblad (grand angle, format carré, grande précision de l'image du fait de la taille du négatif ). Jusque là il travaillait avec un Leica ; dès lors il adopte le Hasselblad pour l'ensemble de son travail.
Ce nouvel outil lui permet une exploration de tous les champs de l'image, des premiers plans plus recherchés, des arrière-plans où il peut traquer le moindre détail. Il réalise divers projets parmi lesquels Sticks & Stones : Architectural America, publié en 2004 ; il s'agit là du dernier chapitre de l'exploration, exceptionnellement vaste et éclatante, d'une Amérique contemporaine. Largement représentés dans cette exposition, les grands paysages de l'Ouest américain illustrent son goût inné pour ces décors naturels, majestueux, grandioses ou étranges ; ils témoignent de l'intensité du regard de Friedlander et de sa faculté à transmettre les sentiments qu'ils lui inspirent.
Les portraits
Friedlander a toujours aimé photographier les gens qui l'intéressaient ou qu'il aimait. Cela fait de lui un portraitiste un peu particulier. En effet, mis à part les séries de portraits réalisés dans le cadre de commandes, il a surtout utilisé pour modèles ses amis et sa famille.
Ses portraits s'en tiennent à quelques principes essentiels : figurer une personne (celle-ci et pas une autre) dans un lieu précis, à un moment donné.
Exposition organisée par le MoMA, New York
Commissaire de l'exposition : Peter Galassi
Exposition présentée au Jeu de paume
sous les auspices de The International Council,
avec le soutien de Neuflize Vie
et de la Manufacture Jaeger-LeCoultre
et en partenariat avec Télérama et France Info
1, place de la concorde 75008 Paris
renseignements : 01 47 03 12 50
Métro ConcordeJeu de Paume 1 Place de la Concorde 75008 Paris France