Vendredi 03 Août 2012 15:13:22 par actuphoto dans Expositions
Expositions du 11/06/2006 au 29/10/2006 Terminé
LAAC 59140 Dunkerque France
William Eggleston, Spirit of Dunkerque
Du 11 juin au 29 octobre 2006, le LAAC, lieu d'Art et Action contemporaine de
Dunkerque, présente l'exposition exceptionnelle William Eggleston, Spirit of Dunkerque.
Elle regroupe une série unique et inédite de 40 photographies réalisées à Dunkerque à l'automne 2005 par l'un
des plus grands photographes américains contemporains!: William Eggleston. L'exposition est complétée par
une carte blanche donnée à l'artiste, choix d'oeuvres dans les collections du LAAC et enrichie par des oeuvres du
Frac Nord-Pas de Calais.
«!Je mène la guerre à l'évidence!»
William Eggleston est considéré comme «!le père de la photographie couleur!». Dans les années 60,
alors qu'il se plaçait sous l'influence d'Henri Cartier-Bresson, il rompt avec la tradition!: l'artiste abandonne le noir
et blanc qui caractérise la photographie artistique de l'époque au profit de la couleur. Il ne créé aucune
hiérarchie entre les sujets et «!photographie démocratiquement!»1. Eggleston s'attache à observer les traces
laissées par ses contemporains et revisite ainsi notre perception du quotidien et de l'anodin. De ses cadrages et
de l'éclat de la couleur surgit une esthétique et parfois un trouble, voire un sentiment d'étrangeté. C'est grâce au
regard si singulier qu'il porte sur le monde qu'Eggleston a profondément marqué des photographes et des
cinéastes de la nouvelle génération, de David Lynch à Sofia Coppola.
L'artiste américain répond très rarement à des commandes. Cette exposition est donc un événement
exceptionnel, fruit d'une conjonction providentielle. Ouvert en juin 2005, le LAAC cherche à tisser un dialogue
entre sa très riche collection d'art des années 1950 - 1980 et l'art actuel et à interroger le territoire par des
invitations et des commandes à des artistes internationaux. Cette volonté a croisé le désir avoué de Vincent
Gérard, co-réalisateur du film By the Ways, a Journey with William Eggleston, d'inviter William Eggleston à
Dunkerque et la curiosité de celui-ci pour cette ville mythique, haut lieu d'histoire et de combats.
Le photographe a occupé la ville, sillonné les plages et le port, il s'est fondu dans les lieux de vie au milieu des
habitants et a découvert avec fascination l'univers dantesque de l'industrie lourde. Ce débarquement était
heureux!!
L'artiste a par ailleurs choisi des oeuvres majeures de la collection du LAAC qui résonnent avec sa
sensibilité. Les peintures de Karel Appel, de Sam Francis ou de Joan Mitchell vibrent par leur couleur.
L'Accumulation de robinets d'Arman ou la Valise expansion de César portent un regard décalé sur le monde,
tandis que l'oeuvre de Gérard Schlosser fait écho à ses cadrages surprenants.
Avoir choisi d'entraîner William Eggleston dans l'histoire du LAAC n'est pas anodin.
C'est un geste fort. C'est aussi une aventure croisée qui peut transfigurer l'image de ce territoire.
Commissaire de l'exposition!: Vincent Gérard
Aude Cordonnier, Conservateur en chef des musées de Dunkerque
Site Internet officiel de William Eggleston!: www.egglestontrust.com
L'exposition William Eggleston, Spirit of Dunkerque, n'est pas une exposition thématique, même
si le centre émergent en est le portrait de Dunkerque. Sans thème parce qu'il n'y a tout simplement pas
de thème dans l'oeuvre de cet artiste, qui a d'ailleurs lors d'une importante étape de son travail
dénommé sa démarche «!Démocratic Forest ».
Dunkerque, ville historique, industrielle et portuaire, reconstruite dans les années cinquante (avec un
rare souci des architectes à éviter l'érection de tours ou de buildings), donne à l'imaginaire des artistes
de passage, résidents ou pour le cas «!invités!», une porte ouverte à maintes pistes de travail.
Koudelka en son temps s'acharna à tracer des lignes et des ombres noires et «!nordiques!» lors de son
travail sur l'industrie d'acier de ladite cité, même si son impression d'homme de l'Est guida sans aucun
doute la réminiscence de sa propre histoire d'artiste dans les clichés qu'il réalisa!; il resta cependant
stupéfait par cet!«!enfer noir magnifique!».
La venue de William Eggleston à Dunkerque est une expérience en soi. L'homme, rétif à la relation
sociale, au paraître contemporain, libre dandy du sud américain (Memphis, Tennessee!: son lieu de
naissance et de résidence), archéologue en titre de l'histoire contemporaine américaine (s'il en est), a
inventé une seule et unique chose!: photographier ce qu'il y avait devant lui et pas forcément devant
nous. Il invente ainsi des angles obliques et des macros inattendues sur les objets, les êtres, les
plantes, avec le même non souci de classification pour chacune de ces scories de l'existence humaine!:
détachement, ironie, cruauté sans doute, mais composition artistique avant tout.
Aussi le parcours de cette exposition passe par la prime nécessité de parler un peu des photographies
de cette série unique (la dernière en date visible de l'artiste).
Il est tout d'abord important de noter que l'espace faisant front au Nord qui s'étale de l'Ouest (la
zone industrielle) au l'Est (la proche frontière de la Belgique), est circonscrit à des vagues différentes!:
mer, architecture, urbanisme, vestiges historiques, et même simplement matière (entendez par là
matériaux). Ce relief est ainsi la surface même de cette série. Naturellement, comme à son habitude,
William Eggleston s'est vite détourné de donner à voir une représentation uniquement sociale ou dans
ce cas uniquement côtière de la ville. A ce titre, la mer n'apparaît que rarement dans les percées
desdits clichés.
La chose qui émerge, pour préciser le tir c'est la matière de la ville et de ses reliefs sur laquelle s'est
posée la lumière ascendante de ces fins d'après-midi d'octobre 2005!: aplats, volumes, profondeurs,
lignes, couleur(s)!!
Les photographies, si l'on peut les nommer individuellement, sont certainement inégales dans leur force
esthétique. Mais c'est justement cette inégalité qui prévaut dans la force de cette série, comme chez
Piero Della Francesca où une fresque retentira par le visage effaré d'un homme sur un cheval accolé à
un large aplat «!abstrait!», mimant marbre ou ruisseau en perspective (début de la perspective en
l'occurrence). Et c'est justement en cela que les photographies de cette série, pour ne pas dire de
l'oeuvre entière d'Eggleston, composent et proposent une paradoxale harmonie, jusqu'à troubler
l'identification même de la ville – Dunkerque- commanditaire de son portrait.
Les arrière-cours, saisies dans leur simple dessin graphique,!contrebalancent le regard entre le dehors
et le derrière ; les containers sont déclinés en paysages ou en aplats abstraits ; les aciéries - en jardin
infernal - fer de lance industriel de France et de Dunkerque rugissent comme les séquences
mouvementées d'un même temps. Musique!? Une suite à la Jean-Sébastien Bach, peut-être,
contrepoint usité maintes fois par l'artiste, qui est d'ailleurs un grand et original interprète du
compositeur, ou évoquent peut-être l'histoire ( les allemands ont occupé Dunkerque ) mais sans aucun
pathos, des rails recouverts d'herbes, photographiés en perspective comme dans une toile
impressionniste. Ici le corps d'une femme assise, scindé par le haut et le bord droit du cadre, comme
dans un film américain, buvant son soda à une table, anonyme et universelle, ailleurs un marché, sur la
place du Théâtre, réduit à une botte rose devenant le simple objet du regard. La représentation renvoie
à la forme des choses, fussent-elles dérisoires et matérielles. Le port n'échappe pas non plus à ce
regard oblique composant une cartographie abstraite des lieux où maints tubes rouillés balisent, par les
différents points de vue du photographe, l'axe du regard. Voir et regarder!!
Nous pourrions dire!: mais voir et regarder quoi!? Tout et rien!! Le passage du photographe décale le
regard vers autre chose, évidemment invisible!: le monde, la forme du monde, la couleur du monde, ses
contradictions, spectaculaires ou anodines. Rien n'est à voir, tout est à voir!! Le langage de William
Eggleston donne des voies à ce regard, le sien et naturellement la direction de la voix de l'artiste!: les
photographies, comme représentations, uniquement ! Le monde est un moment provisoire dans notre
ironique présence au temps. La beauté est incapable de lutter contre notre fugace matérialité. C'est
peut-être cela, qui humblement peut nous faire passer d'un lieu à un autre, d'un angle de vision ou de
pensée à un autre, d'une émotion à son contraire.
William Eggleston, Spirit of Dunkerque a cette force de recomposition du monde chère au photographe
qui interpelle notre propre liberté, différente et spectrale, et sans aucun doute spirituelle.
Vincent Gérard,
Commissaire délégué de l'exposition
Agence Observatoire
Hélène Dalifard tél.01 43 54 87 71 helene@observatoire.fr www.observatoire.fr
Julia Dorner tél. 06 62 72 08 05 dorner@freesurf.fr
Direction des musées
Aurore Delebarre tél. 03 28 29 56 06 adelebarre@ville-dunkerque.fr