Le photographe pierre leblanc, magistral compositeur de tableaux photographiques, humaniste corrosif et intransigeant, véritable pamphlétaire de l’image, débarque avec une nouvelle suite de vingt oeuvres.
(...) pierre leblanc propose, affûtée, aiguisée et tranchante, une nouvelle série de sa vision photographique de la comédie humaine. assisté de son chef opérateur david le mevel, il perpétue sa vigoureuse, satyrique et poétique geste d’empêcheur de détourner en rond.
ici, dans l’espace étroit, délétère et suffocant d’une geôle qui métaphorise les cachots existentiels (physiques, psychologiques ou mentaux), il revient en force avec une mise en scène féroce, tendre, virulente et désespérante sur toutes ces sortes de trappes qui prennent l’homme au piège et l’incarcèrent. il poursuit inlassablement cette sorte de radiographie de l’espèce. on sent chez leblanc l’homme de cinéma. le regard qu’il propose est, pour en augmenter la violente acuité, érigé en œuvre d’art, en instant arrêté et traité avec une virtuosité confondante : éclairages époustouflants, compositions et mises en espace léchées, expressivité du jeu des acteurs, magnifique palette de couleurs, sens aigu de l’atmosphère.
(...) la caricature, l’incrimination, la tendresse, la provocation, l’esthétisme raffiné, l’émotion, l’attentat, l’humanité, le camouflet, la condamnation, la pensée et la subtilité sont enroulés dans une faramineuse pelote intime. ces cocktails de contraires entremêlés font des compositions détonantes, littéralement dérangeantes, qui nous sortent d’un confort de la pensée mais plus encore de l’aveuglement bienséant, de l’ignorance apaisante.
(...) ces images-là, au propre, sont saisissantes, elles agrippent, elles accrochent, elles emboutissent même quelquefois. (...) leblanc est un montreur d’êtres. et voilà montré, exhibé avec un talent insidieux, l’être incarcéré dans son propre zoo humain, dans les trappes de ses phantasmes, de ses obsessions, de ses vices, de ses rejets, de ses cécités volontaires et meurtrières, de ses propres gouffres. dans cet univers, il y a le bourreau de soi-même, heureux, inconséquent, il y a la victime de soi-même, consentante, abandonnée, il y a celui qu’on pousse dans la marge, qu’on méprise, qu’on isole, qu’on frappe à mort, qu’on humilie, qu’on écarte, qu’on instrumentalise. l’homme est aussi vu, dénoncé dans ses insolences répugnantes, ses appétits démesurés, ses haines, ses aversions obscènes.
dans l’édification de sa comédie humaine, leblanc culmine dans la conciliation cohérente des dimensions sociale et artistique. cet équilibre est assez rare pour être désigné. plus qu’un moraliste, leblanc est un esthète inspiré qui invente le pamphlet visuel. il éreinte et adresse des signes de solidarité, des messages de tendresse, il porte par l’image, d'une façon brutale et incisive, des idées nobles, il n’hésite pas à parsemer ses déclarations visuelles de bombes insolites et drôles et sur la scène de son objectif, tout le théâtre humain se joue, du sordide au drôle, en passant par l’ignoble ou le poignant(...)
denys-louis colaux