photographie de Procris (figure 3) joue ainsi sur la poétique toute contemporaine de l’effondrement et du corps désarticulé. « L’homme est malade parce qu’il est mal construit. [...] Lorsque vous lui aurez fait un corps sans organes, alors vous l’aurez délivré de tous ses automatismes et rendu à sa véritable liberté. Alors vous lui réapprendrez à danser à l’envers comme dans le délire des bals musettes et cet envers sera son véritable endroit. » Cette sentence proclamée par Antonin Artaud en 1947, et dont le concept de corps sans organes (CsO) a été développée par Gilles Deleuze, a ouvert la voie à une réinvention du corps dans toutes les pratiques artistiques et notamment la danse. Elle trouve une résonance toute particulière dans la photographie de Procris qui inscrit cette figure peinte au XVIe siècle dans une posture résolument contemporaine
tant sur le plan plastique que sociologique car ce renversement du corps, qui se traduit par un réinvestissement de la terre, illustre le changement du rapport de l’Homme au monde. A ce propos Georges Didi-Huberman a souligné la réussite des « commotions réciproques de l’espace et des corps dans l’art du XXe siècle, avec cette nouvelle valeur qu’y prend le sol en tant que champ opératoire. » Image d’une’ beauté convulsive’, le corps de Procris qui « danse à l’envers » peut également évoquer la danse butô ( par sa blancheur funèbre et sa position recro-
quevillée.
Marine Laplud (fragment) école du Louvre, EHSS