Chistie's
PAR LA JOURNALISTE JACQUELINE PAOUILLAC.
Paris – Au sein de la vente Photographies du 12 novembre prochain chez Christie’s, le département proposera un ensemble inédit de 17 tirages d’André Kertész et de Martin Munkácsi, ayant appartenu à Jacqueline Paouillac et estimé entre €700.000 et €1.000.000. Cet ensemble témoigne de l’engagement qu’avait Jacqueline Paouillac au regard de son métier de journaliste, et son amitié envers plusieurs photographes, dont André Kertész. C’est ainsi qu’elle conserva précieusement et dans le plus grand secret toute l’œuvre d’André Kertész pendant la Seconde Guerre mondiale. Quand Jacqueline Paouillac termine ses études en 1928, elle quitte la France pour passer une année en Angleterre, puis séjourne l’année suivante en Allemagne. C’est à cette époque qu’elle commence à travailler avec Henry Guttmann, alors correspondant en France pour de nombreux magazines allemands, et qu’elle devient elle aussi correspondante pour l’agence Mauritius Verlag. Elle collabore avec des magazines, tels que Vu et Le Miroir du
Monde, à la recherche de photographes et d’images pour ces supports, à un moment clé de l’histoire de la photographie.
Lorsque le photographe André Kertész quitte la France pour New York avec son épouse en 1936, il confie ses négatifs et ses tirages à son amie journaliste, Jacqueline Paouillac. Un contrat établi entre eux la même année certifie cet accord et atteste qu’André Kertész charge Jacqueline Paouillac de promouvoir et diffuser son œuvre dans la presse et dans l’édition pour une période de 12 mois, durée du voyage initialement prévu par Kertész. Lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, Jacqueline Paouillac cache les précieux documents sous l’escalier qui mène à la cave de son appartement parisien en les enfouissant sous un tas de vieux papiers, de bouteilles vides et de différents objets. Quand la France capitule et que le danger de l’invasion de l’armée allemande grandit, Jacqueline Paouillac transfère les archives en zone libre. À l’abri de l’humidité et des risques d’éboulement liés aux bombardements, elle les cache dans un passage souterrain entre deux bâtiments où habitait sa famille.
Ce n’est qu’en 1963 que Jacqueline Paouillac remarque un article du quotidien Le Monde annonçant la visite de Kertész à Paris à l’occasion d’une exposition. Elle lui adresse un courrier, un rendez-vous est organisé et le 3 décembre Kertész se rend dans le sud-ouest, dans le village de La Réunion. La redécouverte de ses archives est un événement que Kertész ne manque pas de photographier : il immortalise l’entrée dans la cachette et l’ouverture de la malle contenant les documents. Un quart de siècle plus tard, Kertész pouvait redécouvrir ses trésors. Afin de remercier Jacqueline Paouillac de son aide précieuse et de la résignation dont elle fit preuve pour sauvegarder les archives, André Kertész les lui offre, en 1963.
André Kertész, Martin Munkacsi, André Kertész
Martin Munkácsi, photographe hongrois, commence sa carrière comme journaliste sportif. Il publie ses premières photographies vers 1921, s’installe à
Berlin en 1927 et collabore avec plusieurs journaux dont le Berliner Illustrirte Zeitung. C’est probablement à cette époque qu’il rencontre Jacqueline Paouillac qui, dès son retour d’Allemagne, s’occupera de la diffusion de ses images auprès de la presse française. Très rapidement, la notoriété de Munkácsi s’étend. Ses images dynamiques de sportifs, de célébrités et de scènes de rues prises en Allemagne et en Hongrie témoignent d’une nouvelle vision, d’un style capable de capturer l’allure et le mouvement d’une ère moderne. Il se tourne vers la photographie de mode dès 1933 et lorsqu’il quitte l’Europe pour les États-Unis en 1934, il est rapidement engagé, obtenant un important contrat avec Carmel Snow, l’éditeur de Harper’s Bazaar.