© Léo Delafontaine
Expositions du 12/9/2015 au 28/10/2015 Terminé
Galerie 247 Le 247, galerie de photographies 247 rue Marcadet , 75018 Paris France
Qui a déjà entendu parler de la République des Conques ? Du Royaume d'Elleore ? De l'Empire d'Atlantium ? Qui sait qu'en 2010 le Westarctica déclara la guerre au Grand-Duché du Flandrensis ? Que l'Empire aéricain fut fondé par un enfant de 5 ans ? Que Richard Booth, le Roi de Hayon Wye, est aussi libraire ? Pour ainsi dire personne.Galerie 247 Le 247, galerie de photographies 247 rue Marcadet , 75018 Paris France
Car ces évènements trouvent leur place dans ce que Roger Brunet a décrit comme "l'arrière-boutique du Monde", celui des micronations et autres cryptarchies, ces entités se proclamant Nation ou État indépendant sans être reconnues par d'autres États officiels ou grandes organisations internationales. Les micronations ne peuvent se résumer à des actions isolées et sans conséquences. Elles constituent un ensemble bigarré, insaisissable et toujours changeant, un ensemble qui singe notre monde plus qu'il n'y paraît
Le plus souvent les micronations sont le fait de fantaisistes ou d'originaux mais pas seulement. Et il est impossible face au nombre de micronations référencées d'établir un modèle type. La République de Kugelmugel naquit après un différend au sujet d'un permis de construire entre un architecte et les autorités municipales viennoises. Christiana, à Copenhague, fut créée afin de proposer un contremodèle anticapitaliste, le Consulat de la Boirie pour servir d'argument commercial à des chambres d'hôtes, ou encore la République de Molossia d’après une blague potache d'un adolescent américain. Politiques, touristiques, métaphysiques, humoristiques, artistiques ou folkloriques, quelles que soient leurs raisons d'existence, toutes les micronations répondent à une même définition : "Une micronation, se dit d'une entité créée par un petit nombre de personnes, qui prétend au statut de nation indépendante ou qui en présente des caractéristiques, mais n'est en aucune façon reconnue comme telle par les nations officielles ou par les organismes transnationaux." Pourtant, la question de l’apparence ou du devenir étatique de certaines micronations peut se poser. D'autant que la plupart des micronations disposent d'un territoire, qui peut aller d'une simple maison (l'Empire d'Atlantium) à plusieurs dizaines de km2 (la Principauté de Hutt River), d'institutions, d'un drapeau, d'une monnaie, de timbres ou d'un hymne national. Malgré tout, l'immense majorité des micronations ne compte qu'une poignée d'habitants répartis sur un territoire minime et très souvent controversé. En 2000, sur 600 micronations dénombrées, plus de la moitié existaient depuis moins de cinquante ans.
Se met alors officieusement en place une Organisation des Micronations Unies avec ses dirigeants, monarques et despotes. Ce développement fut évidemment lié à l’avènement du numérique, et ce qui faisait la spécificité des premières micronations –la monnaie, le passeport etc. - fut repris ad nauseam au point de n’être plus qu’un gadget ou pire, un moyen lucratif parmi d’autres minimisant leurs potentielles recherches identitaires ou libertaires ainsi que leurs revendications politiques ou territoriales. La création d’une micronation aujourd’hui provient d’une part d’orgueil, d’une volonté de puissance chez l’individu qui préfère régner, même symboliquement, que de faire parti d’un tout qu’il ne comprend et ne maîtrise pas. La part d’humour revendiquée par une bonne partie des dirigeants micronationaux ne doit pas masquer ce malaise, ce sentiment de ne pas trouver sa place dans une société, cette volonté de conjurer une hiérarchie subie, quitte à fonder son propre royaume. Au risque du ridicule. Plurielles, souvent éphémères et antinomiques, les micronations se donnent à voir le plus souvent comme l’expression d’individualités noyées par la globalisation. Elles sont autant de variations postmodernistes de nos différents modèles institutionnels. Ainsi, il faut les comprendre comme autant d’hommages dégénérés et égoïstes du politique.