Conférences du 06/07/2006 au 07/07/2006 Terminé
Théâtre d'Arles 13600 Arles France
Le colloque est placé sous la présidence de François Barré. Il est organisé par Françoise Docquiert, maître de conférence à l'université de Paris I Panthéon Sorbonne. «Rester en prise directe avec la réalité» rappelait, avant sa mort, Henri Cartier-Bresson pour qualifier le rôle de la photographie. Mais, aujourd'hui les photographes sont confrontés à des magistrats pour qui documenter le quotidien sans autorisation est un acte illicite. Une telle création jurisprudentielle française, fondée sur des arguments subjectifs, entraîne une multiplication des procès intentés par les personnes photographiées, opposant au droit d'informer les libertés individuelles attachées à l'image des personnes, des biens, des oeuvres… En moins de 40 ans, le droit à l'image est devenu une véritable valeur économique. Le droit à l'information prévaut-il encore en France ? La liberté d'expression établie par la loi du 29 juillet 1881 a-t-elle perdu son sens ? L'image, depuis que l'évolution des techniques a rendu possible sa reproduction quasi illimitée et sur des supports multiples, est devenue un objet dont la circulation permet à un plus grand nombre, au travers de ses représentations, d'appréhender la réalité sensible, d'une autre façon, selon un angle différent que par le contact direct. Mais la tendance actuelle à la régression de l'espace public au profit d'un processus d'appropriation de tout le réel pourrait contribuer à rendre plus difficile la pratique d'un métier qui prend les images pour les offrir au regard des autres. L'enjeu dépasse de beaucoup celui d'un conflit entre deux droits particuliers qui s'affrontent. Il s'agit, peut-être paradoxalement, de savoir si le commerce des images ne risque pas de porter gravement préjudice à leur circulation. Et si, en conséquence, la photographie peut continuer à jouer son rôle de défenseur de la démocratie, de la tolérance et de l'ouverture au monde. Pour ce faire, le photographe doit disposer de la liberté, de l'autonomie et du temps nécessaires à la réflexion et à la création. Et, le citoyen, pour exercer librement son sens critique, pour se déterminer face aux événements en jouissant de son libre-arbitre de la plus large façon, doit accéder aux informations que constituent les images de la réalité. Mais la question de la propriété de l'image est aussi une question d'éthique et de politique S'il est banal de dire qu'aujourd'hui l'image est une marchandise, on oublie que l'image ne se soutient dans sa dignité qu'en entrant dans la circulation symbolique des mots et des signes qui ne doivent leur valeur qu'à leur sens dans un échange ininterrompu. « Dès lors il est aussi illusoire de se croire propriétaire de son image qu'il le serait de se dire propriétaire du temps. L'image est une histoire qui se tisse entre les apparitions et les disparitions de chacun pour l'autre. »
Marie José Mondzain, Article paru dans Art Press en 2002 sous le titre Sommes nous propriétaires ou possédés ?Théâtre d'Arles 13600 Arles France