Géraldine Chuniaud
Expositions du 19/2/2015 au 20/3/2015 Terminé
NEGPOS 1, cours Némausus B 103 Avenue Général Leclerc 300000 Nîmes France
Encadré par, Lula, la petite louve, je pénètre dans le duplex mansardé, sans autre vis-à-vis que le ciel et la cime des arbres du grand parc. Deux chats, à l’extérieur et de part et d’autre des fenêtres, ne me quittent pas des yeux. Dans le lumineux séjour, où trône un rare piano droit Estey, je parcours, d’un regard circulaire la pièce parsemée ci et là d'objets heteroclites : un vieil appareil reflex Mamiya C3, de petits mécanismes de boîtes à musique, des recueils de partitions de Chopin et Bach, quelques dessins assez aboutis et abstraits de son jeune garçon, un petit assemblage cubique de bois et acier du plasticien Vadim Sérandon et, épars, quelques crânes, d’animaux divers et variés… Et puis posé sur un long meuble contemporain, l’écran taille XL de son Macintosh. Bienvenue dans l’univers de la plasticienne Géraldine Chuniaud. MEMENTO MORI, « Souviens-toi que tu vas mourir… » C’est par une photo de Filip Da Rocha (Une silhouette féminine, elle, allongée lascivement sur la selle d’une rutilante moto) qu’elle a utilisée et détournée de sa fonction première, la mode, lors d’une exposition collective en octobre 2011, à Douai, et retitrée « MEME EN MOTO RIT », que nous engageons la conversation. Cette phrase, que les esclaves devaient scander au passage des généraux romains revenant triomphalement de bataille, et base du mouvement artistique des Vanités, peut à elle seule résumer la philosophie de l’artiste. Aussi, son travail de « prise de notes », avec différents médias (photo, dessins, film, vidéo, écriture), interroge sur la vacuité des choses, la vanité des hommes, de l’intemporalité, mais aussi sur le temps arrêté et le temps qui passe, celui qu’elle a du mal à appréhender, à quantifier. Et pendant que nous écoutions « Avec Le Temps », version Bashung, clipé par Ange Leccia, elle me dévoilait ces accumulations de carnets de croquis, et de cartons remplis de bandes vidéos… des propositions, des traces de vie, de quotidien.NEGPOS 1, cours Némausus B 103 Avenue Général Leclerc 300000 Nîmes France
Géraldine Chuniaud
Ce travail, elle l’accumule et l’empile, depuis une vingtaine d’années, sur près de 300 carnets de croquis, fruit de l’observation sur le vif d’individus, toujours seuls, dans des cafés, trains, métros, des panoramas, de petites histoires, des blagues aussi, sur divers supports photographiques, ou, en transit dans des trains, elle capture, les paysages qui défilent, une nature figée dépourvue d’êtres humains mais habités de leur existence. L’humain et son comportement est un autre de ses sujets d’intérêt. Elle est intervenue dans les prisons en temps que plasticienne, en 2003, lors de la canicule. « Ils m'ont gardée ! M'ont proposé une formation interne et un poste pour l'insertion des détenus sortants, j'ai accepté, c'était une expérience aussi forte qu'étrange, belle et violente. Des années durant toutes ces vies à (re)construire, toutes ces personnes qui vivent un vrai cataclysme social, c'est un monde à part, chaque matin pousser la grande et lourde porte criblée d'impacts de balles de la prison des Baumettes et en sortir en fin de journée, la tête pleine d'images et de sons d'enfermements physique et moral, prendre le train pour rentrer chez soi, le sas du train, le paysage qui défile, la liberté qu'ils n'ont pas, qu'ils n'ont plus… J'ai commencé les paysages photographiés par la fenêtre du train à ce moment-là." Elle a ensuite été coordinatrice d'actions collectives d’insertion, puis retour à la prison en temps que coordinatrice d'actions sociales, sportives et culturelles. Aujourd'hui, après une formation en médico- psychologie, elle encadre des personnes autistes lors de séjours de rupture, un peu partout en France et mène des actions culturelles dans les quartiers dits « en difficulté » à Nîmes. Elle n’a jamais voulu se couper de ces expériences, de ce besoin de rencontres humaines. « Au départ, j’ai voulu comprendre “l’humain” et le monde dont je fais partie. Les images que je propose sont instantanées, juste une lumière, un paysage, un souvenir d'une peinture déjà vue, un regard commun à chacun, qui évoque une histoire, un souvenir différent à chaque “regardeur”. Comme une proposition d’“arrêter” de penser et de se poser des questions, juste s'autoriser à la contemplation de notre espace. Un instant fragile entre un point A et un point B, une particule forte dans un moment de transition. Le temps et l'espace. Depuis toujours je me sens bien dans la nature, à écouter sa musicalité, ou dans une très grande ville, avec ses avenues vastes et sa perspective. Regarder tout près ou très loin l'horizon. Regarder le silence. Lorsque je vis avec des autistes, je trouve qu'ils sont dans le juste bien mieux que nous sur ce point… Leur émotivité, leur manière autre de communiquer peut être magnifique et s’ils ne nous ressemblent pas, s'ils vivent leur rapport au monde extérieur autrement, ne suivent pas notre rythme, notre obsession de la consommation, du pouvoir, nous qui courrons et parlons si souvent pour rien, nous qui sommes finalement si souvent enfermés dans nos frustrations, n’est-ce pas de leur part la plus belle des sagesses ? Quand un enfant se réveille dans un immense éclat de rire, dit bonjour au soleil, danse autour d'un arbre, saute dans une fontaine publique par 40° en s'émerveillant sur chaque gouttelette d'eau éclaboussée, en quoi est-il “inadapté” ou “handicapé” ? Biensûr, nous vivons dans un monde basé sur des codes, des horaires, des interdits, des possibles à respecter et à suivre, mais ne devrions-nous pas apprendre à nous arrêter , de temps en temps, regarder un insecte escalader une branche, contempler 478 brindilles d'herbe une par une, observer une feuille descendre un ruisseau ? » WORK IN PROGRESS Géraldine Chuniaud prépare une exposition-installation à la galerie Fotoloft de Nîmes pour février 2015. Qu’est-ce qui se préparait, elle- même le savait-elle déjà ? À l’évocation de son parcours de formation artistique, près de 8 ans (une année de BTS Pub à Paris, puis Beaux-Arts de Marseille, Avignon et Paris), qui se termine à l’ENSBA de Paris, on comprenait mieux son incertitude quant à la mise en forme de son action artistique. Avoir eu comme professeur, Arnaud Labelle-Rojoux, performeur et artiste « parodic », Pierre Tilman, écrivain, poète et plasticien, influencés par les mouvement des « incohérents et « Fluxus », avoir intégré les ateliers de Jean-Luc Vilmouth, Ange Leccia, Tony Brown, Dominique Belloir à Paris, conduit à se questionner sur le « désir d’art ». Montrer à qui, où, pourquoi et comment ?… Sans jamais avoir arrêté de produire, à la sortie des Beaux-Arts et pendant près de 10 ans, elle ne montre plus, sauf peut-être à Antoine Deschamps, écrivain, peintre, performeur, son compagnon durant seize années, et continue d’accumuler, photos, écrits, croquis, vidéos. « Le principe de l’art conceptuel, me dit-elle, est que l’œuvre peut être réalisée par l’artiste, par quelqu’un d’autre, ou ne pas être réalisée… ». Au fil de la discussion, apparaissait son appétence pour l’image fixe ou animée. Baignée très tôt dans les bains des révélateurs photo, enfant, on l’emmenait aussi deux fois par semaine au cinéma, et adolescente, elle se liera d’amitié avec la projectionniste des cinémas Action, à Paris. On évoqua « La Jetée » de Chris Marker, « Dans le Noir du Temps » de J.-L. Godard et Anne-Marie Miéville et, à la faveur du visionnage de la fin du film de Wim Wenders, « Les Ailes Du Désir », survient une confidence : « J’arrêterai peut-être mes accumulations le jour où je réaliserai un film. Faire un film sans narration prédéfinie, qui serait une succession de plans, pas forcement organisés ni chronologiques, un genre de chaos organisé qui nous échappe… Il y a aussi Antoine (Deschamps) qui a écrit un roman, « Lacryma », pas publié, qu'il m'a offert comme scénario, et que j’aimerais beaucoup réaliser. » In fine, l’exposition-installation que nous prépare Géraldine Chuniaud garde encore tous ses mystères, mais certains indices nous laisseront entrevoir quelques pistes. « Si je te parle du Temps, c’est qu’il n’est pas encore », « Si je te parle d’un lieu, c’est qu’il a disparu », « Si je te parle du temps, c’est qu’il n’est déjà plus ». Jean-Luc Godard (Le Noir du Temps).
Géraldine Chuniaud et Pierre Ndjami Makanda - novembre 2014 Exposition du jeudi 19 février au 20 mars 2015 à la Galerie NEGPOS- FOTOLOFT 1, cours Némausus B301 à Nîmes Vernissage le vendredi 20 février 2015 à partir de 18h30
Géraldine Chuniaud