Matt Wilson From the series No hablar con turistas, Untitled #1, 2013
Expositions du 25/2/2015 au 12/4/2015 Terminé
Galerie Confluence Nantes 45 rue de Richebourg 44000 Nantes France
Une découverte, Matt Wilson Galerie Les Filles du CalvaireGalerie Confluence Nantes 45 rue de Richebourg 44000 Nantes France
À différents moments de son histoire et surtout dans les périodes de mutation d’unart il se trouve toujours un créateur pour se ré-emparer des paramètresfondamentaux, ses procédures spécifiques, pour imposer son œuvre. Cette certitudese trouve de nouveau confirmée par les petits tirages couleurs de Matt Wilson.D’origine américaine on se serait tenté de l’envisager comme le successeur del’école New color new works tant la couleur apparaît essentielle dans la séductionimmédiate de ses images. Mais il est vrai aussi que la taille restreinte,traditionnellement photographique de ses tirages nous invite à une lecture intime deses petites formes parfaitement composées. D’autant que s’il emprunte ses sujets auquotidien ses images d’une Amérique apaisée sont à l’opposé de la nullissime écoleeuropéenne du banal.
©Matt Wilson
From the series Untitled,USA, Untitled Picacho #8, 2011
Chacune travaillant des paramètres techniques tels que profondeur de champ,contrejour, lumière d’ambiance sans flash les met au service d’une rencontre quipourrait le début d’une aventure, d’une amitié ou d’une autre péripétie humaine.Chaque rencontre potentielle, lieu ou personne, est renforcée par la légende quiaccompagne toujours l’image singulière ou la série pour susciter notre imaginaire. Photographié par lui chaque lieu - routes, espaces improbables ou demeures –semble chargé d’histoire personnelle.
Les ensembles d’images constitués marquent les temps privilégiés de cesrencontres, mais toutes les images sont produites pour être vues seules, sans lestics du sériel, et toutes cependant participent d’une même vision.On retrouve dans une palette colorée pleine de sensualité une proximité aux sujetsque Debbie Flemming Caffery a su saisir dans ses noirs charbonneux. On sent unefamiliarité avec la pratique d’un Alec Soth, sans l’efficacité programmatique du styleMagnum, c’est à dire avec une légèreté qui fait œuvre hors de toute tactique, avec lamodestie des grands.
©Matt Wilson
From the series Untitled,USA, Untitled Picacho #8, 2011
A l’instar des carnets de voyages de l’anglais Bruce Chatwin qui nous ont livré une visionincroyablement sensible et humaniste d’un monde aujourd’hui à jamais perdu, l’errancephotographique de Matt Wilson, lui aussi globe-trotter anglo-saxon, produit parfois quelques imagesdes différents pays qu’il parcourt sans à priori, et selon l’humeur et les rencontres.Peu nombreuses certes, mais si particulières, ces photographies modestes, voire anodines, dans leursujet sont, de plus, présentées - à l’encontre des tendances actuelles de la photographiecontemporaine -, dans de si petites dimensions que nous sommes obligés de nous arrêter pour lesscruter de plus près. L’image est la plupart du temps quelque peu endommagée à cause des filmsparfois hors d’usage que l’artiste utilise. Le résultat visuel est opalescent avec un grain très présent etune lumière décadente provoquant des zones d’ombres intimistes dans les scènes nocturnes ou unrendu charbonneux et embrumé dans les paysages diurnes. Cette technique de prise de vue« aléatoire », qui intègre l’accidentel à la vision photographique, fonde le langage de Matt Wilson.
Tout ceci finit par nous troubler la vue pour, petit à petit, nous aimanter et nous faire basculer dansun univers poétique et hors du temps. Au fur et à mesure, cette écriture structure l’ensemble parune trame visuelle, vaguement narrative, qui nous mène dans des contrées fictionnelles à la limited’un rêve éveillé.Le regard de Matt Wilson nous transporte ainsi hors de toute époque précise. Parfois on pourrait secroire devant un paysage breughélien ou encore face à une description romantique issue d’une pagede littérature anglaise du XIXème ; tandis qu’il sait aussi nous transplanter, presque brutalement,dans une rue coupe-gorge ou nous mêler à un combat de boxe d’enfants noirs, alors même quenotre œil tente d’attraper la vision fugace d’une vielle automobile américaine... Autant de situationsquasiment irréelles qui ne sont pas sans rappeler l’atmosphère des films américains des annéessoixante.
A l’évidence, Matt Wilson ne souhaite pas tant rendre compte de la réalité que d’un instant tel qu’ill’a rêvé ou ressenti, plutôt que vu ou vécu. Une sorte d’inframince photographique d’où surgit unespace-temps infime rempli d’un sentiment d’éternité associé à une sublime fugacité. Et pourtant, ils’agit bien d’un simple cliché né d’une rencontre presque banale avec l’humain et le paysage quil’entoure.Matt Wilson a photographié un peu partout en Europe, à commencer par son pays natal,l’Angleterre, mais aussi en France, pays avec lequel il a ses affinités, sans omettre les pays de l’Est oùil retourne encore fréquemment entre deux séjours à Cuba. Plus récemment, il a fini par désirerparcourir son nouveau territoire : les Etats-Unis où il habite depuis une dizaine d’années. Il aurait puavoir peur de toucher à cette histoire là, tant les photographes américains s’en sont déjàmagnifiquement chargés.
Mais là encore, il nous livre une vision étonnante qu’il dévoile par desinstantanés de paysages et d’hommes brulés par un soleil qui finit, quand même, par se coucher surce vaste paysage pour créer des moments ineffables qu’on pourrait se duper soit même et y voir del’aquarelle.Nous pourrions alors qualifier ce travail de « métaphore picturale » voire de dérive purementpictorialiste si les personnages de Matt Wilson n’étaient pas si ancrés dans leur époque et dans leurquotidien, certes parfois indigent,. Car quelque part, si Matt Wilson nous livre ce qu’il voit à traversun prisme poétique, il est aussi reporter et rend compte de notre société contemporaine par sessujets souvent crus qu’il traite toutefois sans tragique ni misérabilisme. Son regard attentif est plutôtbienveillant voir emprunt d’une légèreté tragi-comique qui sous-tend toute l’ampleur d’une penséeprofondément humaniste.