© Mathias de Lattre
S’abandonner à l’immensité, aux nues, écouter les nuages défiler, en regardant le temps se mouvoir, et respirer.
Ces moments rares, Mathias de Lattre nous les offre à travers sa série intitulée « Fugitif ».
Dans les paysages carrés où notre regard se perd sur une ligne d’horizon, sur les crêtes des sommets enneigés, à la frontière délicate entre deux nuances de gris, perdus et fascinés, nous parcourons lentement des immensités. Nous sommes tels des fugitifs, tentant de rejoindre une autre contrée, un ailleurs à l’abri de l’activité humaine. En retrait de celle-ci, nous la percevons à travers les lueurs d’une ville cachée dans une vallée, dans le graphisme que dessinent quelques silhouettes sur une pente immaculée. Nous fuyons le quotidien urbain pour nous retrouver, en pleine lucidité et en pleine conscience.
Avec ses images rectangulaires, Mathias de Lattre nous fait prendre de la hauteur. Vers les nuages, vers le ciel, vers le temps qui file et modèle les formes et les existences.
Nous somme hypnotisés, aspirés, par les tourbillons des masses nuageuses que vents et courants sculptent. En se concentrant sur ces incessants mouvements célestes, entre déchirements et recompositions, Mathias de Lattre nous en restitue la beauté fugace. Ses nuages se gonflent alors de particules aquatiques, sa photographie dessine de délicates aquarelles et camaïeux de gris. Puis une trouée, elle aussi fugitive, laisse apercevoir la possibilité d’un ciel bleu avant que de lourdes et sombres teintes ne nous ramènent à l’humilité de notre condition.
«Fugitif» rend un hommage particulier aux paysages de la peinture flamande du XVIIème siècle. En s’attardant sur la percée d’un ciel bleu, sur l’expansion d’un nuage, ou sur un rayon de soleil sous-jacent, Mathias de Lattre se rapproche de cette lumière si particulière qui irrigue les toiles de grands maîtres nordiques.
© Mathias de Lattre
Mathias de Lattre fait sienne, dans ce travail photographique, cette réflexion d’Albert Einstein dans Comment je vois le monde :
« ...Avec Schopenhauer, je m’imagine qu’une des motivations les plus puissantes qui incitent à une œuvre artistique ou scientifique, consiste en une volonté d’évasion du quotidien dans sa rigueur cruelle et sa monotonie désespérante, en un besoin d’échapper aux chaînes des désirs propres éternellement instables. Cela pousse les êtres sensibles à se dégager de leur existence personnelle pour chercher l’univers de la contemplation et de la compréhension objectives. Cette motivation ressemble à la nostalgie qui attire le citadin loin de son environnement bruyant et compliqué vers les paisibles paysages de la haute montagne, où le regard vagabonde à travers une atmosphère calme et pure, et se perd dans les perspectives reposantes semblant avoir été crées pour l’éternité... »