©Terry Richardson
La Galerie Perrotin, Paris a le plaisir de présenter la première exposition personnelle de Terry Richardson à la galerie depuis 1999. « The Sacred and The Profane » dévoile une série de nouvelles photographies réalisées ces deux dernières années dans les États du Grand Ouest américain. A l’origine, le projet est né de la volonté de documenter les coutumes estivales américaines, telles que les foires, les festivals ou les parades. Au cours de ses voyages, Richardson s'est rapidement aperçu de la tension que révèlent les images entre l'omniprésence du mystique et du religieux et l'industrie du sexe, devenant le motif essentiel de la série.
« D’une part, on a l’impression d’être cernés par la violence, la solitude et surtout le sexe, alors que de l’autre, la promesse du Salut, de l’amour de Jésus et de la crainte de Dieu ne sont jamais bien loin. Rapidement, je me suis beaucoup plus intéressé à la relation complexe entre les désirs et les peurs, la beauté et la vulgarité, la splendeur et l’horreur de la nature, l’espoir que la religion peut engendrer, et la honte aussi.
Depuis que John Winthrop a quitté l’Église d’Angleterre pour le Nouveau Monde en emmenant un groupe de séparatistes puritains avec lui, l’Amérique entretient une relation hautement anxiogène avec les notions de pureté et de transgression. Les Puritains croyaient que le péché d’une personne était symptomatique d’un fléau touchant toute la société – ils prêchaient en faveur d’une vie dans une « cité sur la colline », dans laquelle l’Homme serait un modèle de charité chrétienne et de vertu, mais dont les péchés seraient visibles par le monde entier et par Dieu. Winthrop avait repris l’expression de Jésus dans le Sermon sur la montagne qui prévenait ses disciples qu’une "ville située sur une montagne ne peut pas être cachée". Dans les premières colonies, les transgressions étaient considérées comme des affaires publiques, et les coupables étaient contraints de défiler au vu et au su de tous les habitants de la ville. La honte devait être vécue en public, comme le célèbre personnage d’Hester Prynne, la femme adultère condamnée à porter à vie la lettre "A" brodée sur la poitrine. Ses péchés et ceux de tant d’autres étaient exhibés aux yeux de la société en guise d’avertissement et de mesure éducative. Les sermons prononcés à l’église et les rubriques judiciaires des journaux rapportaient ces transgressions de manière spectaculaire et excitaient leurs publics en leur présentant ces aperçus du péché comme autant d’outils de maintien de l’ordre social et religieux.
Des siècles plus tard, la société américaine conserve encore en grande partie ces vestiges profondément enracinés par nos ancêtres puritains. De la peur hystérique de la sexualité qui a conduit aux procès des sorcières de Salem, à la Prohibition, aux Blue Laws intimant le respect du repos dominical ou à la création de la Westboro Baptist Church, l’Amérique semble à bien des égards obsédée par le péché, plus que tout autre pays au monde. Même aujourd’hui, les groupes religieux extrémistes utilisent une stratégie semblable à celle de leurs prédécesseurs puritains qui consiste à exploiter l’inconvenance pour affirmer et imposer leurs propres doctrines, par exemple en installant des panneaux d’affichage près des sites de transgression : vous pouvez acheter votre vidéo porno ou vous payer un lap dance, mais pas sans subir la désapprobation silencieuse d’un gigantesque Jésus gardant l’œil sur vous.
Depuis toujours, péché et sainteté dépendent l’un de l’autre pour survivre. On préfère pourtant penser qu’il s’agit de deux opposés – que l’on fasse soit le bien ou mal, que les gens soient des saints ou des pécheurs. On dit souvent qu’on peut voir Dieu en admirant la beauté de la nature. Quand l’abîme du Grand Canyon ou le spectacle d’un coucher de soleil rose et indigo nous donnent une leçon d’humilité, il est facile d’attribuer ces créations à la main de Dieu, de Lui rendre hommage pour le lion majestueux et le noble cheval, mais voyons-nous encore Dieu quand le lion, la gueule ensanglantée, fouille la carcasse d’une proie plus faible que lui ? Le zèbre pourrait refuser de croire que les doux hériteront de la terre.
Même si l’exploration de telles questions ne constitue pas le point de départ de cet ensemble photographique, je ne pouvais pas ignorer la répétition de ces thèmes. Partout où j’allais, des fanatiques me rappelaient que Jésus m’observait, que ceux qui ne vont pas à l’église sont condamnés à brûler en enfer, que les Dix Commandements sont bien réels et à prendre très au sérieux. Parallèlement, nous sommes cernés de sex-shops, de clubs de striptease et de pornographie. On peut facilement s’acheter une arme à feu presque partout dans le pays. La pauvreté, la bigoterie, l’ignorance et la haine se sont généralisées à travers la société, en particulier dans les lieux dominés par le fanatisme. Non seulement péché et sainteté ne peuvent pas exister l’un sans l’autre, mais la plupart du temps, il y a un peu de l’un dans l’autre. Très souvent, nous croyons que le spectre qui sépare deux opposés est linéaire, l’extrême gauche étant aussi éloignée que possible de l’extrême droite, alors que pour vraiment comprendre ces différences, nous devons repenser ce spectre en forme de U, où chaque extrême partage plus de points communs avec l’autre qu’avec le centre. » - Terry Richardson
Terry Richardson est né à New York en 1965. Il s’est imposé comme l’un des photographes les plus éminents de la scène underground New Yorkaise des années 1990. Précurseur de la vague porno chic qui a submergé l’industrie de la mode dans les années 2000, il s’est forgé un style sulfureux à base de nus cocasses et de gros plans explicites. Il a travaillé avec de grandes marques internationales comme Levi's, Sisley, Diesel, Gucci, Marc Jacobs, Tom Ford et Yves Saint Laurent et a contribué à de nombreux magazines comme GQ, Vogue, Harper's Bazaar, Vanity Fair et i-D avec Leonardo DiCaprio, Barack Obama et Beyoncé comme modèles.