© Elisabeth Hayley
Expositions du 08/11/2014 au 10/1/2015 Terminé
Galerie Pascaline Mulliez 4 cité Griset 75011 Paris France
On aime à penser que la photographie arrête le temps et non qu’elle nous confronte à son passage. Elizabeth Hayley fait partie de cette famille d’artistes qui donnent un corps au temps, corps flottant, tantôt épais, tantôt aérien.Galerie Pascaline Mulliez 4 cité Griset 75011 Paris France
À l’époque où l’on déplore la facilité de la photographie, Hayley pose des obstacles à l’image, relève un défi, diffère le moment de sa révélation. Conçues plutôt comme des tableaux -- associant techniques de la gravure et diverses procédés photographiques -- ses œuvres ne se présentent pas comme des belles images à regarder, mais comme des objets longuement élaborés, des méditations sur des traversées au cœur des ténèbres, dans le ventre d’un vieux bateau dont la cale n’est pas sans rappeler la chambre noire, l’alchimie de lumière et obscurité qui s’y opère (« Six Feet Below », « One Man’s Treasure », « Outside Time »).
L’eau, aussi, c’est du temps qui passe. Elle soutient et transforme peu à peu le corps du bateau. De ce temps qui nous échappe on éprouve la densité comme, d’ailleurs, la transparence grâce à des substrats en cuivre, laiton, ou aluminium que l’artiste prépare selon des protocoles anciens (du daguerréotype, de la photogravure) pour ac- cueillir dans la chambre noire le négatif moyen format pris à l’aide d’un appareil reflex ou d’un sténopé.
Le recours aux pratiques anciennes n’est pas de l’ordre de l’expérimentation. Comme l’habitation mouvante qu’est le bateau, il est une nécessité intérieure, une expérience. La vie à la surface de l’eau exalte les qualités des ma- tières (bois, cuivre, toile, corde) et la perception de ce qui se passe à leur contact. Cette expérience, également celle de durées introspectifs, Hayley nous invite à la faire à travers la tactilité rehaussée de ces images : les moirages rendus par les supports réflexifs ou les accidents issus de l’intervention de la main sur la plaque. Autant d’effets picturaux qui donnent de la profondeur à l’image et une finesse aux teintes que Turner cherchait dans ses pay- sages et marines (« Rainbow », « Stuck Fast »). Étrangement, la picturalité de ces tableaux photographiques se double d’une qualité documentaire : celle de la vie sur un navire, des communautés de pécheurs, d’une manière de regarder et de faire (« Practicality », « Awaiting Tide »).
Ainsi touche-t-il, le travail d’Elizabeth Hayley, à ce qu’il y a de plus mystérieux dans la présence du passé.
Anca Cristofovici