Richard Pak
S’il est établi qu’une fonction de l’art est de procurer un plaisir esthétique, il est plus rare que cette même émotion soit la matière de l’artiste. Mise en abime de l’œuvre dans l’œuvre, c’est la perspective que j’ai adoptée avec Je ne croirai qu’en un Dieu qui danse. Résolument ancrée dans le champ d’une photographie du sensible, cette série est une recherche sur la représentation de l’émotion esthétique.
Il s’agit ici de celle que procure la musique, saisie sur les visages de spectateurs de concerts. En me plongeant dans des photographies faites des années plus tôt je fus surpris par la force des émotions qui s’y libéraient. Réalisant la variété des expressions, je les agrandissais pour mieux les révéler et décidais alors de réaliser une série à part entière. Vénération, joie, ou tristesse, rage, mélancolie ou rêverie, autant de variations autour de la figure humaine dans ce qu’elle a d’unique sur le reste du vivant.
Pendant deux ans je multipliais festivals et concerts de tous genres musicaux, tournant obstinément le dos à la scène. Recadrant allègrement les négatifs pour accentuer un grain déjà présent, j’ai opté pour un procédé minimaliste et expressionniste afin d’appréhender l’incarnation la plus exhaustive, épurée et atemporelle de l’émotion esthétique. Ce travail est un projet d’exposition qui utilisera la multiplicité et la répétition du motif. Le dispositif d’installation reconstituera une foule synthétique, fusion de toutes celles dont ces visages sont issus.
N’envisageant pas moi-même une vie sans musique, le titre de cette série est emprunté à Friedrich Nietzsche qui affirme dans Ainsi parlait Zarathoustra « je ne pourrais croire qu’en un Dieu qui sache danser ».
Richard Pak