Expositions du 25/10/2014 au 07/02/2015 Terminé
CAMPREDON – Centre d'art 20 Rue du Docteur Taillet 84800 L'Isle-sur-la-Sorgue France
Si l’on reconnaît généralement la patte d’un photographe au premier coup d’œil, Cédric Delsaux se plait à brouiller les pistes, à changer de style ou de genre à chaque nou - velle série.CAMPREDON – Centre d'art 20 Rue du Docteur Taillet 84800 L'Isle-sur-la-Sorgue France
Il semble même prendre un certain plaisir à nous décontenancer de la sorte. Il faut pourtant chercher dans ses variations la clé de toute sa démarche. Si ses images semblent en effet provenir d’univers dis - tincts voire contradictoires, elles naissent toutes d’une même intuition ; pour lui, le monde n’est pas cette chose évidente, posée devant nous, il nous arrive, déjà raffi - né, à l’état de fiction.
Il est filtré à notre insu, et comme altéré, comme manipulé par nos perceptions ou notre mémoire, au point de se réduire à un assemblage confus et déconcertant. Mais ce faux conserve pourtant l’appa - rence du vrai en faisant de sa transformation, c’est à dire de sa fiction, la seule réalité envisageable. Nous vivons donc dans l’illusion du réel et dans la réalité de notre fiction...
La photo perd alors la qualité ontologique qu’on lui attri - buait autrefois : sa capacité à restituer de façon, à la fois magique et mécanique, le monde tel qu’il est. Nous naviguons désormais sans visibilité, au gré des idéologies et autres lubies du moment, sans retour pos - sible avec un réel plus inatteignable que jamais.
L’enjeu pour Cédric Delsaux consiste dès lors à se faire l’archéologue de ses propres humeurs en captant toutes ces déformations pour les restituer dans ses récits pho - tographiques Et force est de constater que ces distorsions sont innom - brables autant qu’improbables ; comment voir, sinon, dans un parking ordinaire, une aire de stationnement pour vaisseaux de la Guerre des Etoiles (Dark lens) ?
Comment transformer le coquet Pays de Gex en un lieu de cauchemar sans retour (Zone de repli) ?
Pourquoi faire déambuler des courtisanes dans un château énigma - tique (1784) ?
Pourquoi imaginer une société éternelle - ment aux prises avec la Catastrophe (Underground So - ciety) ?
Pourquoi faire de simples passants des figurines à l’ Echelle1 ?
Il y a, sans doute, derrière ces jeux de dispositifs la volonté de faire dérailler la petite mécanique habi - tuelle de notre re - gard, de brusquer, un peu, nos atten - dus, nos préjugés.
La mise en scène côtoie ainsi le style documentaire, l’ironie du détournement, la froideur du constat. On sent ressurgir son passé de publicitaire qui lui permet d’employer, de dévoyer ses techniques pour mieux nous frapper, mieux nous prendre à la gorge. Car si le travail sur le cadre et la lumière sont d’une maîtrise irréprochables, il l’utilise à rebours des commandes habi - tuelles et de leurs propagandes euphoriques, au service, au contraire, de la description clinique d’une société à la dérive, noyée dans ses rêves, perdue sous le fatras de ses apparences où le chaos n’est jamais loin et la chute toujours brutale.
Aux photographes qui, d’habitude, empoignent le monde en se confrontant directement à lui, Delsaux répond par une photographie plus lointaine, qui ne décrit plus le monde en tant que tel, mais s’attarde longuement sur la perception qu’il nous en reste, quand on l’imagine, les yeux fermés.