Tant de rêves que ce livre tente de rendre par petites touches d’écriture, collages, dessins et photographies.
Un tour du monde sensible au pays des femmes
« Cela fait presque 25 ans, un quart de siècle, que j'arpente les routes du monde. Parfois accompagnée de ma petite fille du vent, j'ai rencontré des femmes. Rencontres de la beauté du hasard ou rencontres programmées, un seul regard ou semaines de vie ensemble, qu'aujourd'hui je partage avec vous (celle de cette princesse cloîtrée du royaume de Chitral), ou pas (celle de cette femme battue de la république française).
Dans la yourte d'une femme mongole, j'ai dégusté au petit déj du gras de mâchoire de mouton, servi accroché aux dents; avec les femmes du Mustang, j'ai baratté le beurre de yack (pas trop, car j'avais peur de le faire tourner, et que je suis bien moins musclée qu'elles); au Koweït, à Hong Kong, en Suède, au Mexique, en Floride, j'ai rencontré des femmes-chercheurs, celles qui réinventent le monde de demain.
J'ai vécu dans un bordel, partagé l'immense joie contre tout des petites putes enfants du Bangladesh; une femme pygmée nomade du cœur de la grande forêt centrafricaine m'a construit, en 20 minutes chrono, une hutte en feuillages, rendant subitement grotesque et ridicule la tente Décathlon qui m'avait encombrée jusqu'au campement. Au Vanuatu, j'ai passé des nuits de pleine lune au pied du volcan Yasur qui crachait sa lave fluo, à écouter les mélopées des femmes qui rêvent de leur cow boy jonfrum. Dans le désert nigérien, je suis restée des journées entières, accroupie sous un épineux aux côtés des femmes bororo, à attendre que le temps passe. Dans l'archipel des San Blas, j'ai regardé des femmes broder des animaux imaginaires. J'ai croisé des conteuses, des mères, des casseuses de cailloux, des bergères au port de reine, une reine d'un royaume déchu, des prêtresses inuit, des nonnes rasées pieds nus en robe rose. J’ai essayé de ne pas figer dans mes photos la grâce mouvante des danseuses cubaines, indiennes, balinaises, colombiennes, sénégalaises. J'ai tenté, et ce fut un désastre total, de porter décemment le grand boubou ou le sari, si élégant sur elles; j'ai goûté leur curry, leurs momos, leur couscous. Une femme du Pakistan m'a offert son unique œuf de poule, une autre m'a ouvert les portes de l'une de ses demeures, un palais oriental des mille et une nuit, rendant d'un coup d'un seul minable et terne, les plus extravagants châteaux des superproductions hollywoodiennes.
Je les ai regardées, écoutées, admirées. J'ai souffert avec elles - rarement-, ri avec elles -souvent-, je les ai fuies parfois. Je les ai photographiées, dessinées, gribouillées sur mes carnets, j'ai noté leurs histoires, collé les petits bouts de vie que j'ai pu glaner ça et la (tissus, cheveux, fleurs, papiers...). Chacune de ces femmes recèle plus de rêves que je ne pourrai en révéler durant ma vie entière. De temps en temps, j'ai tenté de faire de l'une d'elle une icône, plus rayonnante que les plus grands dieux.
Je crois bien que mon tour du monde à travers elles est mon plus beau voyage. »
Véronique Durruty est une artiste française, elle explore les sens et les sensations, et s’interroge sur la beauté, la réalité. Dans une approche synesthète, elle confronte œil et nez, œil et oreille, œil et mots, et développe son approche tactile et instinctive sur différents supports, principalement photographie, mais aussi film, écriture, dessin.
Son travail a fait l’objet de plus de 20 ouvrages*, et est exposé dans le monde entier**, Emirats Arabes, New York, Londres, Tokyo… En 2014, elle a été l’artiste invitée de la Pullman Brussels Art Night, et en France, citons par exemple son travail EXTERIEUR NUIT, exposé entre autres aux Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles, et sur les Grilles du Jardin du Luxembourg.
Ses oeuvres font partie de fonds d’art contemporain publics et de collections privées (France, Belgique, Espagne, Maroc, Sénégal, Japon, USA…)
Elle vit et travaille à Paris.
Women’s Book, La Martinière, 2014 (Photographies, textes et dessins)
Sortie nationale le 16 octobre 2014
220×285 cm – 288 pages, 35 euros