les, en grande majorité financées par des investisseurs étrangers pour un public étranger, se servent en fin de compte des environs comme d’un arrière plan qu’ils modèlent à leur goût ; le taux de change avantageux, les incitations économiques déployées par la région, le climat ensoleillé et la diversité des paysages valant le déplacement d’un territoire à l’autre.
Fascinée par les transformations de ces espaces le temps d’un tournage, la photographe propose des images où demeure le doute : est-ce un décor ou la ville elle-même ? Sommes-
nous en Afrique du Sud, en Argentine, dans un Paris carton-pâte ou ailleurs dans un monde onirique ? Est-ce une mise en scène ou un instant de la vie quotidienne ?
La première série est constituée d’images décalées de paysages détournés. Les clichés (des plateaux eux-mêmes, mais aussi des coulisses) reflètent l’artifice attrayant de l’univers de la production audio-visuelle, la création soignée d’un autre lieu donné. L’ensemble, outran-
cièrement coloré, se donne à voir comme un décor « bigger than life ». Mais l’oeil du lecteur attentif reconnaîtra des détails significatifs, un immeuble ou une montagne distinctifs, l’ incursion du monde des coulisses dans le cadre prédéfini du plateau que devient la rue.
Par là, en ricochet, il s’agit de mettre à jour comment l’industrie du divertissement semi-colonise des tranches de villes. Et d’amorcer une réflexion sur la nature et la fonction de ces images culturelles constituées : quel type de récit pour séduire qui ? La deuxième série dégage une perspective oblique sur le même sujet en présentant les figu- rants croisés sur ces plateaux.
Ils sont mannequins, comédiens, étudiants, retraités, avocats ou mécaniciens et deviennent d’un jour à l’autre sirènes, pères Noël, hippies, paparazzis, flics ou prisonniers; pour l’expérience ou le cachet. Dans la vraie vie, ils sont parfois reconnus dans la rue par des touristes qui se souviennent de leur visage sur des panneaux publicitaires de taille démesurée, les intégrant ainsi à culture populaire d’un pays qu’ils ne visiteront sûre- ment jamais. Le travail joue de la friction entre la réalité et la fiction au sein d’un lieu donné. Cécile Mella sert une autre intention que la caméra commanditant le tournage et subvertit le récit pour voir combien «l’homme aime les signes, et il les aime clairs » (L’obvie et l’obtus, Roland Barthes).