© Nicolas Guilbert: Ghats sur le gange. Inde 2005 © Patrick Zachmann: Desert de l’Atacama. Chili,1999
Expositions du 27/09/2014 au 31/12/2014 Terminé
Musée de la photographie André Villers Porte Sarrazine F-06250 MOUGINS VILLAGE France
Patrick Zachmann et Nicolas Guilbert sont deux photographes qui se connaissent et s’apprécient depuis longtemps. Chacun observe depuis des années le travail de l’autre avec intérêt, complicité, mais aussi avec esprit critique et liberté - en toute “fraternité”.Musée de la photographie André Villers Porte Sarrazine F-06250 MOUGINS VILLAGE France
S’ils n’ont pas le même parcours ni la même approche de la photographie (l’un est grand reporter de l’agence Magnum l’autre, est peintre, dessinateur et photographe), leur commune sensibilité au photojournalisme révèle un même regard tendre et acéré porté sur l’humanité.
Construite sur le principe d’un dialogue par duo de photographies issues de leurs archives argentiques et numériques tant en noir et blanc qu’en couleur, l’exposition Connivences met en scène une conversation: celle de deux humanistes amoureux du 24 x 36 qui, n’ayant cessé de scruter la planète et d’y rouler leur bosse, en ont rapporté une moisson d’images à la fois singulières, instructives, classiques et décalées.
Les apparences sont parfois trompeuses. Prenons la référence au Christ, choisie par les deux photographes pour annoncer l’exposition. Guilbert a pris le parti de l’ombre portée, Zachmann de son côté a opté pour le leurre. Un cactus, photographié à bonne distance, au beau milieu d’un paysage désertique, et nous voilà tout de suite happé par le piège de notre propre perception des choses, guidés vers celui-ci par nos références sensorielles et cognitives. Qu’il s’agisse d’une réalisation humaine, ou d’une forme ayant émergé naturellement, force est de constater l’efficacité de ce signe. Deux mille années d’histoire se concentrent dans la simplicité de deux lignes géométriques.
Beaucoup plus près de nous, l’histoire de deux photographes se connaissant depuis longtemps, ayant choisi de croiser certains éléments de leurs archives. En quelques cinquante six images couleurs et noir et blanc, associées en diptyques, ils remontent le fil de leur carrière artistique et documentaire.
La complicité photographique se décline parfois stylistiquement, parfois thématiquement. On retrouve sur certaines de leurs images, ce qui a constitué leur marque de fabrique, leurs gènes photographiques pour ainsi dire.
Ainsi, les animaux de Nicolas Guilbert, reviennent-ils de manière récurrente dans le champ de l’exposition, Nicolas étant assez expert dans le domaine de l’analogie humains / animaux, alors que le phénomène migratoire, très présent dans l’œuvre de Patrick Zachmann, est décliné à plusieurs reprises. Par le biais de leurs images respectives, on devine également, en tout cas, on pense deviner, certains traits respectifs de leur personnalité.
L’œuvre de Zachmann est très marquée par la question de la filiation. A la photographie montrant une femme et son fils le jour de la naissance de ce dernier, Guilbert répond par une scène qu’il a pu observer au Musée d’Orsay: deux jeunes asiatiques, hilares face à l’Origine du Monde, si emblématique de l’œuvre de Gustave Courbet. La malice et la vivacité de l’un s’inscrivent ici en contrepoint de la profondeur et de la pondération de l’autre. Mais si l’on y réfléchit de plus près, avec son « air de pas y toucher », Nicolas interroge la culture des civilisations et l’importance que celle-ci peut revêtir lorsqu’il s’agit de la perception d’une œuvre d’art.
De la malice encore, avec une jeune femme, nue derrière un rideau de douche. Elle complète l’arrestation de membre de la Camorra en Sicile. Le point commun des deux images se situe dans les bras levés de tous les protagonistes. Ces analogies par la posture, ces rapprochements via l’esthétique, nous les retrouvons par exemple, dans le postérieur de zèbre de Guilbert, alter ego des fesses charnues des sculptures photographiées par Zachmann.
Toute l’exposition est ainsi basée autour de cette juxtaposition, elle fourmille de détails incongrus en même temps qu’elle nous fait voyager et réfléchir, mais elle est surtout le symbole d’une indéfectible amitié de deux hommes réunis par une passion, une pratique et une sensibilité partagées.