TractorBoys #80 © Martin Bogren/VU'
Chez Nolwenn Brod, les jeunes lutteurs se mettent à l’épreuve par la confrontation physique en une lente chorégraphie, corps lourds de chair, de puissance, puis de fatigue, dans un rituel immémorial d’embrassement/
embrasement de soi, de l’autre et du monde. Comme autant d’invocations païennes ou sacrées des forces telluriques, elle saisit l’affrontement des corps dans les paysages crépusculaires et hors du temps de la Bretagne.
Chez Martin Bogren, la candeur et l’insoumission des adolescents, qui jouent à ce qu’ils croient être des activités d’adultes, qu’ils ne sont pas encore, s’enivrent de vitesse au volant de voitures bricolées sur des parkings au milieu de la campagne suédoise. C’est ce passage complexe à l’âge d’homme, mélange d’enfance et de morgue virile, ces amitiés et ces mises à l’épreuve où chacun se mesure et se jauge, où chacun vient en découdre, à renfort de vitesse, de filles ou de défis.
Martin Bogren, Tractor Boys
Dans les années 1990, lui-même un temps musicien, Martin Bogren photographie des artistes, dont le groupe suédois les Cardigans au sommet de sa notoriété alors ; son premier livre The Cardigans – Been It, fruit d’un an et demi de shooting intensif (scène, backstage, studio, hôtels) est publié en 1996. Ainsi lancé, Martin Bogren vit confortablement, sans se sentir tout à fait épanoui pour autant. « Je répondais à des commandes pour des magazines, tournais des clips, mais cette période professionnelle restait pour moi assez confuse, je me dispersais beaucoup tout en sentant qu’il me manquait quelque chose. » De ce questionnement, consolidé par les conseils d’Anders Petersen, résulte l’ambition de se recentrer sur une approche très personnelle.
TractorBoys #77/Martin Bogren/VU'
TractorBoys #30/Martin Bogren/VU'
Nolwenn Brod, Ar Gouren et autres visions
Diplômée de l’école des Gobelins en 2009, elle poursuit depuis un travail photographique sur le corps et l’espace, qui interroge la place de l’homme dans le paysage en tant que représentation physique de son univers mental. La série Ar Gouren et autres visions rassemble un travail photographique et vidéo consacré à la lutte bretonne, dans sa tradition comme dans sa modernité. Le Gouren a traversé les siècles. Désormais, les limites physiques et mentales de la lutte (sportive et individuelle) sont dépassées, les systèmes de valeurs sont bouleversés, confrontés aux exigences de la modernité. Aujourd’hui, le Gouren attire de nouvelles générations et s’impose comme une forme réglementée de contrôle social de la violence physique. La lutte bretonne devient langage, une communication physique, une forme de relation humaine.
Lutte libre © Nolwenn Brod/VU'
Maiwenn © Nolwenn Brod/VU'
noueux, la grâce des silhouettes et des gestes, le ravissement. L’esthétisme statuaire d’un face à face en étreintes détournées, le lutteur se donne «corps et âme» et la violence dans cette nouvelle forme de lutte tend à être plus intériorisée, incorporée, symbolique.
Elle met en scène les lutteurs dans des paysages de la Bretagne, la notion de témoignage s’inscrit géographiquement dans les lieux où les combats se sont déroulés dans le passé, jusqu’à aujourd’hui. Les tournois estivaux se pratiquent sur sciure, elle s’attache alors au «vide» de l’après-combat, le portrait est frontal, tout est codifié.