Tominaga, 2007 © «courtesy Galerie Made? © Val & Musso»
par Victoria Lescano
Les séries de natures mortes qui montrent aussi bien des banquets de fruits tropicaux enneigés que des compositions d’ananas aux teintes dorées et recouverts de voiles sont l’un des axes des photographies de Luciana Val et de Franco Musso, en parallèle à leur travail éditorial avec les plus prestigieux magazines de mode.
Selon les auteurs : « Ils illustrent la ‘face cachée’ de notre travail, ils reflètent ces instants où nous voyons quelque chose et nous le prenons en photo, mais ils exposent aussi quelques décors que nous utilisons pour les campagnes de mode ». Le corpus de leur exposition de photographies pro- pose la construction d’un atlas du corps humain aussi bien surréaliste que fétichiste. Ces pages nous montrent des corps fragmentés et constitués de mains et de torses de mannequins proches de l’imaginaire des vitrines d’antan, mais elles évoquent également le petit mannequin que Madeleine Vionnet utilisa pour modeler sa technique de coupe en biais. Les premiers plans se focalisent sur les ongles vernis d’un rouge sang qu’exhibent des mains en bois et en plâtre, mais ils photogra- phient aussi les extrémités de « flesh and blood » d’une mannequin vêtue de satin noir et aux lèvres violettes. Car pour Val et Musso, les mains déclenchent des récits et elles occupent une place majeure dans leurs plans, comme les photogrammes du « Sang d’un poète » de Jean Cocteau. De leur vaste imaginaire surréaliste –aux influences tropicalistes- émane un torse peint en vert arborant des lèvres couleur émeraude, les yeux cachés par un masque orné de cristaux. De la même façon, crânes et torses deviennent le support d’une exposition florale, de camélias, de chrysanthèmes et de roses multicolores.
Alison, 2007 © «courtesy Galerie Madé © Val & Musso»
D’autres dispositifs se réfèrent aux représentations oniriques des mannequins, en voici la ruse : la silhouette, la coiffure et le maquillage de celle qui est vêtue d’une robe bleu ciel se reflètent dans le miroir en forme de nuage, ou bien la protagoniste d’une photo en noir et blanc feint de tenir le cadre de son autoportrait. La séquence d’image est un écho de l’intérêt de ce duo pour l’architecture : la Tour Eiffel fait irruption, décorée de nœuds et submergée dans une Seine onirique, tout comme elle apparaît projetée tel un vieux papier peint abîmé par le temps qui passe. Cette série architecturale et ludique dévoile comment un immeuble classique parisien peut aussi bien être représenté dans une photographie en noir et blanc qu’être projeté sur une boule en papier, ou bien s’agirait-il d’un immeuble majestueux réduit en boule, dans un geste aussi ironique que punk ?
La touche picturale qui parcourt les photographies n’est pas arbitraire : Luciana Val et Franco Musso se sont rencontrés alors qu’ils faisaient leurs études aux Beaux Arts de Buenos Aires. Ils s’installent à Paris en 2002 et, après avoir gagné la dix-neuvième édition du Festival de Hyères (en 2004), ils commencent à travailler pour des revues de mode: “10 Magazine”, “Italian Vogue”, “Japanese Vogue”, “Numéro”, “Numéro Tokyo”, “Russian Vogue”, “Sunday Times”, “The New York Times”, “Vanity Fair UK”, “Vogue Turkey”, “V Magazine” et “Harper’s Bazaar Argentina”. Ils réalisent aussi des commandes de campagnes publicitaires et de catalogues pour Bergdorf Goodman, Cartier, Chanel, Dior, Givenchy, Gucci, Lanvin, L’Oréal, Le Printemps, Louis Vuitton, Roger Vivier et Yves Saint Laurent.
Parallèlement à leur goût pour les natures mortes, dans l’une des pièces de leur studio à Buenos Aires, ils cultivent un jardin botanique avec une variété de plantes exotiques aussi sublimes qu’anachroniques. Car pour Val et Musso, la contemplation de la nature, l’anatomie végétale ainsi que ses microclimats surréalistes sont une autre expression de l’art.
Paris IV, 2011 © «courtesy Galerie Madé © Val & Musso»
BIOGRAPHIE
Luciana Val et Franco Musso se sont rencontrés à l’École des Beaux arts de Buenos Aires. Très vite ils commencent à exposer. C’est à cette époque que Val & Musso se sont tournés vers la photographie, et plus particulièrement vers la photographie de mode. Leurs premiers travaux furent réalisés à Bueno Aires pour la presse et la publicité, les deux artistes se distinguent par leur style singulier.
En 2002 Val and Musso déménagent à Paris. Après avoir remporté le 19ème Festival de Hyères en 2004, le duo commence à travailler aussi bien pour la publicité que pour de nombreux magazines tels que 10 Magazine, Harper’s Bazaar Argentina, Italian Vogue, Japanese Vogue, Numéro, Numéro Tokyo, Russian Vogue, Sunday Times, The New York Times, Vanity Fair UK, Vogue Turkey and V Magazine.
Parmi leurs clients figurent Bergdorf Goodman, Cartier, Chanel, Dior Joaillerie, Dom Perignon, Givenchy, Gucci, Kate Spade, Lanvin, L’Oréal, Le Printemps, Louis Vuitton, Piper by Victor & Rolf, Repetto, Roger Vivier and Yves Saint Laurent.. En 2009 ils réalisent la couverture du si- xème album du groupe français Air. En 2012 Val & Musso photographient la collection Bergdorf Goodman pour son 111ème anniversaire.
En 2013, la ville de Bueno Aires les commissionne pour créer l’image emblématique de la première rétrospective sur la mode de la ville, qui accueilla plus de 50 000 visiteurs.
Leur travail est actuellement exposé au Musée d’Art Moderne de Bueno Aires, partie intégrante de l’exposition d’Eduardo Costa qui reprend Fashion Fiction I, série initialement réali- sée par Richard Avedon et publiée dans Vogue en 1968.