Mali © Christophe Bourgeois
L’œuvre de Christophe Bourgeois est une sorte de fleuve ; un fleuve dont nous survolerions les méandres à hauteur d’oiseau, les ailes rasant l’eau. Un fleuve blanc et noir, peuplé d’animaux solitaires et d’hommes affairés. Des animaux de pierre – tigres, poissons, alligators – et des hommes qui vont, qui viennent, chargent, déchargent, qui glissent dans les photographies. Au pied des camions, des engins, des marches, Christophe Bourgeois est, lui, un homme fourmi au flair de chien errant. il sublime ses proies, fasciné : un mollet sali et la perle d’une tongue, les pans d’une veste qui se déploient ou les ailes d’un balai de paille, les bottes glissantes et les camions.
Les Titans © Christophe Bourgeois
En quête d’altérité est le titre de cette exposition fleuve, entre les bords du Niger et ceux du Chang Jiang. « Christophe Bourgeois est un insatiable voyageur-observateur dont la quête ne saurait s’arrêter, tant sa volonté de poursuivre sa route « sans risquer de mordre la poussière », vers les territoires des hommes, est impérative. » écrit Jean-Yves Bainier qui cite le reporter albert Londres dans la préface du livre Fishtank.
Fabrice Wagner, l’éditeur bruxellois du caillou bleu a très tôt été envoûté par ce voyageur un peu en retrait et sa chine aux allures de chorégraphie. deux livres sont parus, le premier Shanghai, en 2005, le second Fishtank en 2010, une série sur les marchés aux poissons présentée dans En quête d’altérité.
« La nature morte, traitée elle aussi en image isolée vient ponctuer une série de tableaux où se décline l’agitation humaine. La vie jusque là intense, frénétique, s’immobilise inéluctablement, sur un comptoir, un plateau, dans un panier où les poissons demeurent définitivement figés dans leur mort programmée » souligne Jean-Yves Bainier. Christophe Bourgeois, maestro des poissons et des pêcheurs, déclenche lorsque tous les éléments du tableau sont en place.
Dans En quête d’altérité, le visiteur se promène ensuite sous les « titans », ces porteurs qui vacillent dans le flou, écrasés par leurs ballots de près de cent kilos. « À l’heure où la Chine s’apprête à renverser l’ordre du monde, c’est à dos d’hommes, les titans, que se construit le nouvel Empire. » confie Christophe Bourgeois de sa voix douce.
Le puissant polyptyque « fanminbei, les tigres de pierre » a été, quant à lui, construit sur les écrits de Victor Segalen. « Imaginer, sur la foi des textes, que l’on va, dans ce lieu précis, découvrir une belle et archaïque statue de pierre de cette époque puissante et humaine des han, – si avare des pierres taillées qu’elle nous lègue... – et de se trouver nez à nez avec un moignon informe de grès, est encore une déconvenue. » ... Si tant est que christophe bourgeois puisse être dérouté par un caillou ; il compose, ajuste et livre un tableau immémorial.
Le regardeur restera médusé devant Les petites manufactures, ces usines de briques de la province du gansu. La poussière y est aussi présente que dans la photographie des paysannes russes d’Eisenstein.
Les petites manufactures © Christophe Bourgeois
Christophe Bourgeois n’est pas pour autant le photographe de la Chine. En 1998, au Mali, il capture la poussière des routes et le souffle des voiles, il éblouit par ses formats carrés très graphiques. depuis toujours, c’est lui qui tire ses photos. au sous-sol de son immeuble, il ajuste ses barytés. Pudiquement. Tranquillement.
Les choses sont ainsi.