© Jacinthe Lessard-L
Très souvent le travail de Jacinthe Lessard-L prend la forme d’un jeu, d’une opération subtilement ludique, régie par des règles rigoureuses encadrant conceptuellement une série d’œuvres. Il y aurait dans l’œuvre de Jacinthe Lessard une forme de Discours de la méthode, puisque pour bien conduire sa raison, il faut chercher la vérité dans du vérifiable… Ainsi, l’ambiguïté entre l’objet et sa reproduction, les renversements d’échelle, le volume qui s’inscrit en vide et vice versa, servirait à révéler tout autant les mécanismes de la mise en images qu’à rendre visible ce qui ne l’est pas.
À l’origine de La chambre inversée, il y a l’étude par la sculpture de l’une des composantes de la mécanique optique de la photographie analogique, technologie maintenant désuète. L’artiste a moulé en silicone une série de chambres noires d’appareils photo, donnant forme à des vides, rendant visibles et palpables des cavités conçues pour ne fonctionner que par l’obscurité, donc dans l’invisible. Ainsi, dans La chambre inversée ce qui paradoxalement servirait à voir demande à être vu.
Avec l’installation, le spectateur pénètre dans un lieu clos et sombre. Un point lumineux se déplace le long des parois, laissant espérer des bribes de détails. Rien de ce qui se trouve hors du cercle de la lumière n’est donné à voir. La lumière s’allume, s’éteint, effectue de lents travellings. Dans cette animation image par image tout ce qui est sur le point d’être révélé retourne rapidement au noir. Le spectateur doit se plier au tracé de la lumière, celle-ci déterminant le parcours du regard, ainsi que le rythme et l’axe temporel de l’œuvre. De même, la bande sonore, soigneusement travaillée par le compositeur Julien Bilodeau, oriente le regard du spectateur vers la lumière. Jacinthe Lessard-L. nous invite à l’intérieur d’une chambre noire à échelle humaine.