
© Bauer et Knowles
Comme artistes individuels aux démarches distinctes mais complémentaires, Jon Knowles et Lorna Bauer ont réalisé, en collaboration, une exposition où sont examinées les pratiques recourant à un objectif — aujourd’hui devenues des institutions — ainsi que leurs qualités illustratives comme véhicules des données visuelles d’autres médias.
Le projet — un film très scénographié accompagné, en contrepartie, de photographies et de diapos — est une étude sur l’objet prenant la forme d’une mise en scène des gestes et des topologies de deux pratiques nettement délimitées : le cinéma et la poterie.
Cette enquête matérialiste s’opère par le déploiement de divers langages visuels et conventions filmiques : la vidéo d’art haute résolution (précisément comprise ici comme une méditation sur la « persistance de la vision »), le cinéma structuraliste des années 1970 et le cinéma-vérité apparu vers le milieu du siècle dernier. Finalement, l’intention derrière cette collusion réfractaire de stratégies et de méthodes est de secouer et d’embrouiller la distinction entre sujet et objet.
En substance, l’exposition est constituée d’un film 16 mm créé dans l’esprit de l’école structuraliste du cinéma expérimental. Les praticiens de ce genre ont retiré le contenu expressif de l’œuvre et ont employé des mécanismes et techniques prédéterminés pour démystifier le processus cinématographique. Le présent film est un enregistrement en temps réel du mouvement d’un tour de potier et du tournage rythmique d’un récipient sur l’appareil. La caméra fait un lent zoom arrière pour révéler le façonnage d’un gros bol. Cette action souligne la relation entre deux mouvements circulaires simultanés lors de la présentation-exposition actuelle du film : l’un est issu du tour de potier (sur un axe horizontal mais saisi en contre-plongée par la caméra) et l’autre provient du passage du film dans la caméra comme telle puis dans le projecteur (tous deux sur un axe vertical). Incidemment, le temps requis par un céramiste d’expérience pour tourner un simple récipient équivaut à la durée d’une bobine de film de 100 pieds.
Bien que l’argile et ses variations artisanales semblent faire partie aujourd’hui d’un renouveau en art contemporain — et d’une dichotomie souvent reprise entre qualification (skilling) et déqualification (deskilling) —, les artistes situent fermement leur exposition comme un refus de faire un choix, qui n’en serait pas un, entre qualification et déqualification. Bauer et Knowles affirment plutôt ici la nécessité d’avoir un point de vue sur le monde qui soit à la fois oblique et rapproché.