© Sandra Calligaro
Galerie Photo des Schistes Caveau des Vignerons de Cabrières 34800 France
La série Afghan Dream de Sandra Calligaro, déjà présentée aux Rencontres d'Arles, au festival Photoreporter à Saint-Brieuc, à la BNF, à Montepellier ou encore au 104 à Paris, est accueillie par les « Balade(s), parcours photographique en pays coeur d'Hérault » du 20 Mai au 29 juin à Cabrières.
Ici la photographe a voulu « rendre compte de l'expérience de la ville au quotidien » via son regard d'auteur. Le travail proposé « se veut de témoigner de l’Afghanistan autrement que par son actualité ». Sa démarche est de présenter les Afghans, « les «Kaboulis» plus précisément, de la manière la plus ordinaire possible et d’aller ainsi à contre-courant des images véhiculées par la presse, focalisées principalement sur le sensationnel du conflit. Une mère de famille qui fait les devoir à sa fille adolescente, des jeunes qui «tchatent» sur leur Smartphone, une famille qui regarde la télévision…: autant de situations qui les rendent plus proches du spectateur ».
Afghan Dream est couplé d’une introduction de Gilles Dorronsoro, docteur en sociologie politique et spécialiste de l’Afghanistan contemporain, présentée ci dessous :
« Si la guerre – les opérations de la coalition, les attentats, le retour des Taliban – a focalisé le regard depuis dix ans, ce qui me frappe en revoyant Kaboul régulièrement depuis vingt ans, c’est l’émergence d’une nouvelle classe urbaine occidentalisée, vivant de l’afflux d’argent qui a suivi la coalition depuis 2001. Loin des clichés de l’Afghanistan enturbanné, les nouveaux urbains se croisent dans les supermarchés de Kaboul, le portable à l’oreille. Les vêtements, surtout masculins, sont plus ajustés, mettant en valeur la fréquentation des salles de musculation et transformant les pratiques corporelles (comment uriner accroupi dans un jean moulant?). Dans l’espace privé, les logements plus petits accélèrent le passage à des unités familiales réduites où les enfants disposent de leur chambre et la hiérarchie des âges se modifie au détriment des anciens dont l’autorité est sapée par les évolutions sociales et technologiques.
L’émergence de cette classe moyenne urbaine ne va pas sans tensions internes; les codes contradictoires coexistent dans un bricolage improvisé. L’invité se rend compte que le premier salon à l’occidental, sert surtout comme signe d’ascension sociale; la vie familiale quotidienne se passe dans une autre pièce, où l’on s’assoie par terre, de façon traditionnelle. L’espace public est également fragmenté, les lieux de sociabilité (cafés, restaurants, salles de gym) des classes moyennes sont largement fermés aux classes populaires dont les valeurs et les références sont largement en contradiction avec les leurs. Le retrait de la coalition pourrait bien amener la disparition de ce groupe urbain porteur d’un projet de modernisation opposé à celui des Taliban – et même d’une partie des élites politiques d’aujourd’hui. Témoigner de son existence est donc important aujourd’hui, avant que les évènements emportent ce témoignage fragile de ce qu’aurait pu devenir l’Afghanistan. »
© Sandra Calligaro
Le projet s’accompagne également d’une création sonore réalisée par l’artiste Julie Rousse à partir de témoignages, d’entretiens et de sons enregistrés à Kaboul au printemps 2013.