© Manna Kikuta
Le Magasin de Jouets 19 rue Jouvène 13200 Arles France
Manna Kikuta : « Comme la lune »
« En arrivant en France, on m’a raconté l’histoire de “la fille de Dibutade”, le mythe grec. Cette histoire m’a particulièrement touché car comme Dibutade j’ai laissé l’être aimé au Japon. Comment vivre avec l’absence?
J’imagine que la fille de Dibutade qui a dessiné l’ombre de son âme soeur pour pallier à l’absence de ce dernier, a continué sa vie en regardant son dessin tous les jours. Elle ne regardait pas ce dessin pour la finesse du trait mais pour celui qui était représenté. À travers ce dessin elle le voyait lui vivant dans son imagination. Même si son amant dessiné sur un pan de mur n’avait pas de corporalité, elle a continué et créé la relation avec l’absence. Pour bien comprendre le mythe moi- même, j’ai dialogué avec des femmes qui vivent avec une absence. J’ai trouvé douze femmes de différentes nationalités qui vivent séparées de leur amour pour des raisons variés. La plupart de mes Dibutades moderne m’ont parlé d’amour et d’indépendance. » Manna Kikuta
Résumé de « la fille de Dibutade » :
Selon le mythe fondateur de la peinture, et plus généralement de la représentation figurée, l’auteure de la première image figurative serait une jeune femme, ‘la fille de Dibutade’. Elle aurait ainsi tracé sur un mur l’ombre de son amant afin d’en conserver l’image. Le père de la jeune fille, potier dans une ville grecque, aurait transformé ce premier tracé en bas relief en le fixant avec de l’argile. Cependant, de l’Antiquité à aujourd’hui, ce récit ne cesse d’être remodelé. À partir de ses différentes versions, il s’agit non seulement d’analyser la production des représentations sociales relatives à la part respective des femmes et des hommes dans une invention majeure pour les sociétés, mais également leur valeur symbolique. Référence Cahiers du Genre /Françoise Frontisi-Ducroux
Manna Kikuta a photographié des visages de femmes vivant une relation à distance et leur a demandé de penser à leurs amis . Les photographies ont été transposées sur des plaques de verre grâce au procédé du collodion humide.
L’utilisation du collodion fait échos, en tant que procédé ancien à l’histoire de la fille de Dibutade. L’utilisation de plaque en verre permet également la superposition de différents portrait de la même personne et permet par transparence des jeux de lumière qui donnent la forme du travail de cette artiste japonaise. Cela permet de jouer sur le négatif et le positif d’une même image mettant en relief l’aspect à la fois positif et négatif de vivre avec l’absence de l’être aimé.
Vivant cette absence elle-même ce travail lui permet de mieux penser à la vie-même, la re-présentation.
L’exposition sera une installation des négatifs sur plaque de verre réalisé avec la procédé du collodion humide. Ces plaques de verre seront en fait mis en lumière avec de jeux d’ombres porté, de superposition et d’empillement.
© Manna Kikuta
Mickaël Soyez : « Noli me tangere »
«Noli me tangere » ne dit pas simplement « ne me touche pas», mais plus littéralement « ne veuille pas me toucher. Le verbe nolo est le négatif de volo : il signifie « ne pas vouloir ». En cela aussi la traduction latine déplace le grec mè mou haptou (dont la transition littérale eut été non me tange). Noli : ne le veuille pas, n’y pense pas. Non seulement ne le fais pas, mais même si tu le fais (et peut-être Marie-Madeleine le fait-elle, peut-être sa main s’est elle déjà posée sur la main de celui qu’elle aime, ou sur son vêtement ou sur la peau de son corps nu), oublie-le aussitôt. Tu ne tiens rien, tu ne peux rien tenir ni retenir, et voilà ce qu’il te faut aimer et savoir. Voilà ce qu’il en est d’un savoir d’amour. Aime ce qui t’échappe, aime celui qui s’en va. Aime qu’il s’en aille. »
Jean-Luc Nancy, Noli me tangere
© Mickaël Soyez
Noli me tangere use de la vue et du geste photographique comme d’un toucher différé, tente de s’emparer de l’irréversible mouvement des corps en partance et de l’urgence des rencontres, du difficile abandon de soi au regard, à la caresse du monde.
© Mickaël Soyez