© Joséphine Douet / Galerie Anne Clergue
GALERIE ANNE CLERGUE | ARLES 12 Plan de la cour 13200 Arles France
Joséphine Douet est basée à Madrid. Cette jeune photographe revient sans cesse le crépuscule, un champ de poussière et pas de bruit, mais un grand silence à peine touché par
vers le monde de la tauromachie qu’elle connaît dans son intimité, tout en côtoyant l’univers de la mode. Elle a suivi le torero José Mari Manzanares sur les routes qui mènent toujours au taureau. Elle a montré les blessures de ces hommes dans sa série « Alma Herida».
© Joséphine Douet / Galerie Anne Clergue
Silencios est un projet de 3 ans, dédié à tout ce que cache le monde de la tauromachie. A la sueur, à la solitude, à la peur et à la force. A la brutalité et à la grâce. A ce que les bouches taisent et les mains disent. A une certaine idée d’un romantisme agonisant. Un essai photographique sur l’essence de la corrida : le silence. http://silencios.net/">http://silencios.net/
« Silencios », introduction d'Antoine Beauchamp
Comment voir le silence, les silences ?
Tournez les pages, vous trouverez la réponse à la question.
L’exercice est compliqué, aussi dur que de donner à une cape de six kilos la légèreté d’une fleur d’eau.
Pour voir le silence, il faut suivre les images.
Le poète argentin Roberto Juarroz parlait pour son art d’une « fidélité à l’éclair ». Joséphine Douet est fidèle à l’éclair, à cet instant où la lumière et les lignes s’emmêlent en silence, précédant le bruit balourd du tonnerre, qui vient confirmer en retard ce qu’on a vu, ou cru voir. Discrète, la photographe s’installe dans l’espace tu de cet instant. Ce « chut » que l’on dit en pensée, avant que tout le monde ne se taise.
Et les instants saisis dans ces images ne sont pas figés, on dirait une étreinte, cet abrazo cher aux taurins qui se saluent, se croisent, se recroisent, se saluent de nouveau, se serrent dans les bras, se tapent dans le dos, pour la forme, le rituel.
L’image qui apparaît page 51 aide à se faire une idée du silence qui habitera le livre. Un silence en dégradé, un jeu entre les lignes, tour à tour planes et oscillantes. L’électro- cardiogramme plat et la ligne électrique du spectre sonore qui bondit. Au milieu de ces lignes, des animaux, des hommes, au corps à corps flou. Un torero, une becerra, l’aube ou
quelques sons, une voiture perdue très loin, vitesse modérée, comme toutes les voitures très loin, les sabots de la becerra sur la terre, la toile épaisse qui traine au sol et les souffles emmêlés.
Vent fort, feuillets, Andalousie, vieux livres, appel, pages sèches, picador, écho.
Silencios se vit comme un trajet en plusieurs étapes, en direction d’un centre. On fait escale au campo où l’amandier ne chuinte plus ; dans les chiqueros en béton, griffés par les cornes ; on passe par les chambres d’hôtel où le silence plane comme un pélican dans un cadre ; on arrive au centre du monde : la piste de l’arène où les gestes et les mots sont fragiles.
Dans Silencios, tout tend vers la dernière photographie. Une corne posée au sol, comme une virgule finale, virgule qui est la respiration, virgule qui n’est pas le point brutal, virgule qui donne l’air du silence.
Cliquetis, briquet, mors mâchés, boutons nacre, pelage humide, cravate nouée, crin tressé, souffle fort, peau d’ours, descendre du camion, cogner les portes, vacarme, couloir, séparation, balance, du monde autour, silence autour, du monde se tait.
Suivre l’ordre donné aux images, faire escales et prendre les correspondances. Les pages du livre tournent et les silences deviennent bruyants. Non pas bruyants. Sonores. Les images de Joséphine Douet font se côtoyer les inverses en termes de décibels : José Tomás « homme si- lence » et la foule « amas de bruit ». Le tablier d’un boucher ouvert comme une aile de papillon et le bourdonnement d’une chambre froide. Un cercueil de torero et les applaudissements de ses amis. Belle habitude espagnole où manifester le deuil public se fait en applaudissant, pour se donner du cœ“ur au ventre, pour dire ça ira, sans le dire.
Palabres, œil percé, fin d’un rire, bouche serrée, cour fermée, cicatrices, sabot, claque, flash, flash, flash, fouet des mules, claque, jet d’eau, la piste, atteindre sa place, dessiner les lignes, regarder l’horloge, être à l’heure.
© Joséphine Douet / Galerie Anne Clergue
En Espagne, les chroniqueurs taurins utilisent un mot clair, intraduisible en français, pour parler d’un toro qui charge avec cadence, douceur, rythme et dont la charge vibrante résonne en nous pour emplir notre silence ; ils disent que ce toro là a du « son ». Les prises de vue de Joséphine Douet ont leur « son ». L’image se distord, s’étire dans le temps. Basse continue dont le volume sourd augmenterait jusqu’à nous couper la respiration. Bruit du papier de cigarette qui se consume. L’image brûle, nous consume, elle a la souplesse, la cadence et la longueur éphémère de la fumée, ça a du « son ». Tito Sandoval, monté sur un cheval encagoulé comme un trotteur, égaré dans la brume matinale et la fumée. Son. Intérieur. Piste sombre éclaboussée de lumières, un cheval noir extrait d’une ombre caravagesque lève la patte. Il épargne un Saint Paul invisible, sans doute. On reste suspendu. Son. Un jour de tentadero, dans le fond net un torero, main gauche naturelle basse, au premier plan, flou, le dessin d’une oreille. Son.
Coups de cornes, coups de sang, clarines basques, feuille roulée, cape au sol, cape percée, la trotteuse tourne, on la regarde, être à l’heure, à l’heure, toro passe, toro freine, eau coule, eau glace, ovation, silence, silence, respirations, porte ouverte, fermée, secrets, conseils, encourage- ments, ciment, main au mur, la trotteuse tourne.
Joséphine Douet semble peut se soucier de la rhétorique, de cette bataille des mots en contre piste qui ne trouvent que des entrées dérobées. Joséphine Douet, silencieuse, sait lire entre les lignes sans chercher à les tracer, c’est ce qui rend ses images précieuses.
GALERIE ANNE CLERGUE | ARLES
La Galerie Anne Clergue ouvrira ses portes le 4 Avril 2014. Elle est située entre la Place du Forum et la Place de la Mai- rie au 12, Plan de la Cour à Arles. Anne Clergue retrouve sa terre et fixe son empreinte dans sa ville natale. Elle baigne dans la scène artistique internationale depuis son plus jeune âge. Facilitatrice de contacts par métier, passionnée par le monde de l’art, elle a acquis une expérience et un savoir faire unique en côtoyant les artistes au plus près de leur oeuvre. Elle crée aujourd’hui, à Arles, sa propre galerie consacrée à l’art contemporain émergent. La jeune pho- tographie occupera tout naturellement une grande place, sans oublier la sculpture, la peinture, la vidéo ou même le design. Un regard personnel sur les tendances actuelles.
Anne Clergue démarre son parcours professionnel à New York chez Leo Castelli en 1988 où elle approche les artistes de la scène internationale. Elle dirige la Fondation Van Gogh d’Arles jusqu’en 2007.
Elle organisera l’exposition Francis Bacon, Les Arlésiennes de Picasso ou Van Gogh, Les dessins. C’est en initiant le voyage de la collection des hommages à Van Gogh à l’étranger qu’elle constate une demande grandissante pour ce module et lance un tout nouveau média pour des ex- positions clés en mains, Exposare.com la première plate forme en ligne consacrée aux expositions itinérantes.
L’exposition inaugurale dela Galerie Anne Clergue ergue est consacrée à la photographe Jo- séphine Douet qui présentera « Silencios » à l’occasion de la sortie de son livre publié aux éditions Bellaterra. « J’ai découvert le travail de Joséphine Douet à Paris et j’ai été saisie par son regard porté sur un monde très fermé, « les toreros ». Je connais très bien cet univers et je sais à quel point il est difficile non seulement d’y entrer pour une femme, mais d’y apporter ce témoignage aussi sensible et intime. Joséphine nous offre une vision souvent inaccessible de ce monde si réservé, comme un pré- cieux cadeau. Il était évident pour moi d’inaugurer ma galerie avec un sujet tauromachique, en toute légitimité arlésienne ! »
Cette exposition reçoit le soutien de la société Ricard.