© Christophe Bourguedieu
Box Galerie 102 chaussée de Vleurgat 1050 Bruxelles Belgique
Cela se passe forcément quelque part. Sauf que, en l’occurrence, il ne se passe rien, ou si peu. Ce pourrait être n’importe où. Ou presque. Autant dire nulle part. Ou presque. Christophe Bourguedieu (°1961) opère par séries et, pour photographier, éprouve le besoin de se mettre littéralement en vacance, de se soustraire au quotidien et à un environnement trop familier.
Pour chacune de ses séries, il investit un territoire exempt de repères trop prégnants, sans qu’il s’agisse pour autant d’une immersion dans ce que l’on pourrait qualifier d’exotisme. Il a ainsi entre autres «exploré» la Finlande (Tavastia), le sud-ouest des États-Unis (Éden), une partie de l’Australie (Les passagers), Marseille ou encore Clermont-Ferrand (La montagne). Mais ce qu’il nous montre de ces contrées proches ou lointaines tourne singulièrement le dos aux clichés du pittoresque.
Quelques paysages, des immeubles aux architectures plutôt banales, des jeunes gens et des jeunes femmes pour la plupart à peine sortis de l’adolescence. Rien ici de spectaculaire, rien qui se distingue a priori de l’habituel. À l’évidence, nous sommes en terre connue; ces lieux, ces maisons, ces paysages, ces hommes et ces femmes nous ressemblent, nous paraissent proches. Et pourtant... Quelque chose d’indicible nous tient à distance, nous retient de nous identifier réellement à ce que montrent ces images. Il y a ici autant d’absence que de présence...
© Christophe Bourguedieu
D’où que proviennent ses images, Bourguedieu ne nous entretient pas de l’ailleurs. Ses lieux ne sont pas vraiment localisables, pas plus que ses modèles ne semblent identifiables comme appartenant à une autre fratrie que la nôtre. Plus que les différences, c’est ce qui rapproche, ce qui unit toutes ces choses et tous ces êtres qui compose le fil rouge de l’œuvre. Dès lors, plus que le portrait d’un lieu, d’un pays, d’une région, Bourguedieu nous propose le portrait d’une époque: la nôtre. Cela n’a d’ailleurs pas échappé à Michel Poivert qui utilisa une image de Tavastia en couverture de son désormais classique ouvrage La photographie contemporaine. Si les références de l’artiste sont photographiques (on pense tantôt à Eggleston, tantôt à Stephen Shore), elles sont tout autant picturales (Edward Hopper, à l’évidence!), littéraires (les nouvelles de Raymond Carver!), cinématographiques (quelque part entre David Lynch pour l’incongru et Jim Jarmusch pour le casting) ou encore musicales. Peut-être assistons-nous à un road movie sans véritable destination, avec pour bande-son du rock spectral et du folk aux harmonies quelque peu dissonantes.
Alain D’Hooghe
© Christophe Bourguedieu