Robert Capa © International Center of Photography / Magnum Photos.
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Robert Capa, né Endre Friedmann, est l’un des plus célèbres photojournalistes du XXe siècle. Il quitte la Hongrie et sa famille, des tailleurs juifs de Budapest, à l’âge de dix-sept ans pour cause d’activités gauchistes, et se réfugie à Berlin, où il s’inscrit à la Hochschule fur Politik et étudie le journalisme. Sans ressources ni profession, et avec peu de connaissances en allemand, il se tourne vers l’appareil photo pour gagner sa vie.
David Scherman, [Robert Capa le lendemain du débarquement, Weymouth, Angleterre], 7 juin 1944, © David Scherman
En 1933, il s’installe à Paris, où il rencontre Chim, Stein et Taro. Il se fait rapidement connaître par ses photographies de la guerre d’Espagne, caractérisées par leur proximité viscérale avec l’action, rarement vue auparavant.
Photographe officiel des troupes Alliées durant la Seconde Guerre mondiale, il réalise des images désormais célèbres du débarquement en Normandie le 6 juin 1944. En 1947 Robert Capa fonde l’agence Magnum Photos avec Henri Cartier-Bresson, Georges Rodger et Chim (David Seymour). Après la Seconde guerre mondiale, il réalise un très grand nombre de photographies sur des thèmes plus légers, en couleur et en noir et blanc : voyages, stations de ski et stations balnéaires, courses de chevaux, portraits d’amis artistes (John Steinbeck, Ingrid Bergman, Pablo Picasso, Ernest Hemingway, John Huston…).
En 1954, alors qu’il couvre la guerre d’Indochine pour Life, il marche sur une mine antipersonnel et trouve la mort.
LA GUERRE, LA RETIRADA, LES CAMPS :
Janvier 1939 - après trois années de guerre civile, Barcelone cède sous les bombes de Franco et de ses alliés allemands et italiens. C’est la chute de la République, d’un gouvernement légitimé par les urnes, composé pour la première fois de communistes et d’anarchistes, représentant pour certains le mal absolu dans cette période où s’enflamme l’idéologie fasciste et nazie. Une chute qui annonce d’autres défaites à venir pour les démocraties européennes.
Janvier 1939 scelle donc la fin de la République espagnole pour une parenthèse qui durera plus de 35 ans, et entraîne près d’un demi-million d’enfants, de femmes et d’hommes sur les routes de l’exil. Franchissant les Pyrénées dans le froid et la neige, ils sont la « Retirada », cette fuite vers la France dans la précipitation et l’épuisement, l’accablement moral de la défaite, de la séparation.
Une France qui a mal anticipé cet afflux de réfugiés et ajoutera aux blessures la honte de l’internement. Parmi les camps de destination il y a bien sûr Argelès, Saint-Cyprien, Le Barcarès … et il y a Bram - où seront internés au total près de 17.000 réfugiés.
ROBERT CAPA, PHOTOJOURNALISTE
Dès 1936, Robert Capa est parmi les premiers photographes à suivre le conflit, se jetant au milieu des combats, prenant tous les risques, réalisant des images à la fois tragiques et sublimes qui contribueront à créer le mythe « Capa » et à jeter les bases de ce qui deviendra le « photojournalisme ». En novembre 1936, le journal illustré français Regards publie les premières images que Capa rapporte du siège de Madrid.
Robert Capa est aux côtés des républicains auprès desquels il s’engage corps et âme, revenant en Espagne chaque fois qu’il le peut pour informer le monde du drame espagnol tout au long du conflit. A son retour de New York en octobre 1938 il se fixe à Barcelone, menacée alors par les bombardements et l’avancée des troupes fascistes. Quand arrive la défaite et le temps de la Retirada, Capa est sur les routes avec les réfugiés. Il suivra les réfugiés jusque dans les camps, et donc aussi jusqu’à Bram.
LA VALISE MEXICAINE
La chute de la République et l’arrivée au pouvoir de Franco ont longtemps mis un voile sur un grand nombre de photos documentant la guerre d’Espagne : résultat de la censure et de la volonté de récupérer tous les témoignages en images pour les supprimer, de nombreux clichés ont connu un parcours chaotique. Des négatifs devenus clandestins, comme ceux d’Agusti Centelles restés conservés secrètement à Carcassonne jusqu’à la mort de Franco.
Et la désormais célèbre « Valise Mexicaine ». Redécouverte en 2007 et constituée en réalité de trois petites boîtes, la Valise Mexicaine est un véritable trésor resurgi des abîmes : 4.500 négatifs d’images de la guerre civile, de la Retirada et des camps, prises entre 1936 et 1939 essentiellement par Gerda Taro, Chim (David Seymour) et Robert Capa. Si certaines des œuvres ainsi conservées étaient déjà connues grâce à des tirages et publications d’époque, la Valise Mexicaine, présentée à New York en 2010 puis à Arles, Barcelone, Bilbao, Madrid, Paris et Mexico, a mis au jour un grand nombre de photographies totalement inédites, dont celles du camp de Bram.
L’EXPOSITION « CAPA, EXIL 1939 : PHOTOGRAPHIES DE LA RETIRADA »
À partir de la riche collection d’œuvres issues des archives Capa de l’International Center of Photography (ICP, New York) dont celles issues de la Valise Mexicaine, la ville de Bram a souhaité présenter cette exposition qui prend un sens particulier dans une ville qui a vécu la Retirada à travers le camp installé à ses portes et qui a vu passer près de 17.000 républicains internés derrière ses barbelés.
Le commissaire de l’exposition est Cynthia Young, directrice des archives Capa à l’ICP, qui a dirigé l’édition en deux volumes de la Valise Mexicaine, publiée en France chez Actes Sud. L’exposition - composée de 60 tirages modernes noir et blanc réalisés par l’ICP propose un parcours à travers l’histoire découpé en trois séquences :
- Séquence 1 : « combats » (16 photos) : Pour commencer la visite de l’expo, le visiteur doit monter au 1er étage, comme s’il se dirigeait symboliquement vers les Pyrénées, pour commencer son parcours. Cette première séquence resitue le visiteur dans l’ambiance de la guerre d’Espagne. Des photographies de Capa réalisées entre 1936 et 1938 montrent les combattants républicains – dont les Brigades Internationales – au combat ou à l’arrière, mais surtout évoquent la vie difficile de la population civile touchée pour la première fois dans l’histoire par la guerre et les bombardements.
Robert Capa, [Mort d’un milicien loyaliste, front de Cordoue, Espagne], début septembre 1936. © International Center of Photography / Magnum Photos.
- Séquence 2 : « exil » (11 photos) : Le visiteur poursuit son chemin par les préparatifs de départ de Barcelone puis accompagne les réfugiés sur les routes au long de la passerelle, comme un cheminement sur les routes et la frontière entre Espagne et France. Les photos de Capa prises entre le 15 et le 27 janvier 1939 saisissent toute la tension et le désarroi des populations se préparant à l’exil.
Robert Capa, [Refugiés marchant sur la route entre Barcelone et la frontière franco-espagnole], 25-27 janvier 1939 © International Center of Photography / Magnum Photos.
- Séquence 3 : « camps » (33 photos) : Le visiteur redescend vers le rez-de-chaussée – symbolique descente des Pyrénées vers la plaine catalane et le Lauragais – pour se retrouver dans deux salles évoquant l’internement dans les camps des Pyrénées Orientales et de l’Aude, dont bien sûr le camp de Bram. Scènes de détention, d’installation précaire, de vie quotidienne, croix et tombes alignées mais aussi visages exprimant des joies éphémères pour un concert donné au camp de Bram.
Des salles supplémentaires proposent une séquence « comprendre » à partir de documents d’archives du camp de Bram et des films documentaires permettant de vivre la Retirada en « images mouvantes ». Pas de photos de Capa dans cette étape mais un ensemble didactique permettant de mieux situer et comprendre le contexte et l’histoire qui entoure les œuvres de Capa que le public aura découvertes au préalable. Cette étape facultative se situe entre les séquences 2 et 3 et propose :
- la diffusion en continu du film documentaire « l’exode d’un peuple » de Louis Llech et Louis Isambert (1939 – Institut Jean Vigo). Images mouvantes cette fois-ci de l’exode des républicains au cœur de l’hiver 1939. Véritable film de 35 minutes, monté et structuré, il n’est pourtant pas le travail d’un opérateur-journaliste mais d’un cinéaste amateur, Louis Llech, commerçant de Perpignan, assisté d’un électricien qui lui sert de technicien, Louis Isambert. Il en a pourtant toutes les qualités par la pertinence du regard, des angles de vue, la distance pudique et l’émotion qui découle de ce flot ininterrompu évoquant une Espagne qui se vide de sa substance.
- la diffusion en continu du film documentaire « Mémoires de la Retirada » écrit par Véronique Moulinié et Sylvie Sagnes, réalisé par Marie Chevais (2013 – CNRS images). Véronique Moulinié et Sylvie Sagnes, ethnologues au CNRS, mènent des recherches sur les notions de mémoire et d'identité. Dans ce film, elles proposent une analyse ethnologique de la mémoire de cet exode et en étudient les variations et leurs articulations. En filmant les lieux, les moments, dans l'intimité des familles ou dans l'espace public, elles expliquent comment cette mémoire se construit actuellement. 70 ans après, ce ne sont plus les acteurs de cette histoire qui en portent la mémoire, mais leurs descendants. Ces derniers entretiennent le souvenir de cet épisode douloureux, non sans modifier les contours de la mémoire héritée de leurs parents. Pour la première génération, il s'agissait d'une mémoire de la lutte armée avec pour emblème le soldat ; pour la deuxième génération, c'est la mémoire de l'exode, de l'internement et de la victime. De même, chez les enfants et les petits-enfants, la mémoire des engagements politiques évolue. Hier conflictuelle, elle fait place aujourd'hui à une mémoire unanime fondée sur des valeurs humanistes.
- la présentation d’archives originales issues du camp de Bram : plan du camp, fiches individuelles des réfugiés, notes de service, carnet téléphonique permettant de dater la visite de Robert Capa au camp, etc. Ces documents conservés par les Archives départementales de l’Aude sont complétées de panneaux didactiques sur la guerre d’Espagne, la Retirada et le camp de Bram : implantation, construction, vie quotidienne.
- Conférence exceptionnelle de Cynthia Young sur la Valise mexicaine (sous réserve, date à confirmer). Le visiteur pourra par ailleurs découvrir le mémorial de la Retirada érigé sur le site du camp à la sortie de la ville et admirer en chemin la sculpture « Retirada » de Andres Blume. Il pourra assister à une conférence exceptionnelle de Cynthia Young sur la Valise Mexicaine.