© Richard Caillot
Richard Caillot
« Fragments de Mémoire »
« Les tirages présentés par Richard Caillot sont en noir et blanc, et en nuances de gris. Sur plusieurs photographies, c’est le noir qui prévaut, ou plutôt des nuances de noir. L’expérience initiale illustre une modalité inattendue de la transparence photographique : les scènes paraissent elles-mêmes imprégnées d’un vernis charbonneux. À propos d’une ancienne photographie de classe, Ludwig Wittgenstein faisait observer que le blond des cheveux de l’écolier se laissait voir à travers le gris de son image. Ici, c’est plutôt comme si la réalité photographiée elle-même était achromatique. À première vue, aussi, les éléments représentés ont tous une apparence familière : ici un arbre déployant ses branches, là des fougères, du lichen ou un rocher. Nous sommes à la campagne ; la nature est omniprésente. Lorsque se devinent d’anciennes productions humaines (des roues en bois, une maison de pierre en ruine), la nature a déjà repris ses droits. Parfois, quelques âmes vives se confondent discrètement avec le monde végétal. Par un procédé paradoxal proche de l’hapax littéraire, la rareté de leurs apparitions dans la série des photographies fait ressortir leur proximité affective ; on comprend qu’il s’agit d’êtres chers, en fait des membres de la famille de Richard Caillot. Famille et familiarité colorent donc le paysage.
L’impression de familiarité se mêle toutefois rapidement, dans l’expérience du spectateur, à une étrange complexité. Les nœuds de l’arbre, l’enchevêtrement de ses branches, les stries et les strates irrégulières des feuilles, les accidents de la roche ou l’entrelacs des brindilles au sol, tout est énigme pour l’œil et pour l’esprit. Si la neurophysiologie nous enseigne que le cerveau est une machine prédictive, l’imprévisible ici suscite et retient l’attention, en introduisant dans l’image un élément étrange, déroutant, parfois légèrement angoissant. Le décalage est manifeste entre d’un côté l’atmosphère calme et paisible de la campagne et de l’autre l’insondabilité des formes et des distributions de la matière dans l’espace.
La mémoire est au cœur du travail de Richard Caillot, comme en témoigne le titre de son « exposition-trilogie » (« Fragments de Mémoire »), qui renvoie directement à la précédente. D’une part, le procédé photographique qu’il affectionne ressuscite des techniques anciennes, oubliées de la plupart d’entre nous, habitués à la photographie instantanée des appareils numériques, où coïncident production et consommation de l’image. D’autre part, les photographies elles-mêmes figurent des souvenirs, par une double unicité : celle du tirage, qui ne saurait se reproduire à l’identique, et celle de la scène, dans la complexité et l’individualité des détails.
La psychologie de la mémoire établit une distinction entre la mémoire des faits (ou mémoire sémantique) et la mémoire personnelle (ou mémoire épisodique).
La première renvoie au passé seulement de manière indifférenciée ou générique : je re-connais ici un arbre, là un rocher, mais je pourrais bien voir cet arbre-ci, ou ce rocher-là, pour la première fois. La seconde reflète l’individualité de notre expérience vécue : un épisode qui ne saurait se répéter, comme le voyage à Berlin du narrateur de La reprise de Soren Kirkegaard, ou une période révolue, comme nos promenades bucoliques lorsque nous étions enfants.
Dans le travail de Richard Caillot, les catégories du familier et de l’étrange s’articulent étroitement à la distinction entre ces deux formes de souvenir – reconnaissance et reviviscences. L’expérience qui en résulte interroge subtilement notre relation existentielle et cognitive au monde, entre reproduction au présent et voyage mental dans le passé, parfois au point même de basculement entre l’image photographique et l’artefact pictural.»
Jérôme Dokic
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Richard Caillot
Richard Caillot est né en Bourgogne dans une famille de paysans. Il découvre la photographie au Lycée, à Chalon-sur-Saône, la ville de Nicéphore Niépce. Après une maîtrise d’audiovisuel à l’Université Paris XIII, il séjourne trois ans à Alger où il contribue à la réalisation de spots éducatifs, diffusés à la télévision pour le Ministère de la Santé et L’UNICEF. Il s’installe à Paris comme photographe indépendant et réalise divers reportages. Il a été chargé de cours de photographie pendant plus de vingt ans à l’Université Paris XIII. Depuis 1992, il anime un atelier photographique pour les enfants, à Courbevoie.
A partir de 1993, il devient formateur au Centre Iris: studio, pratique de la chambre, puis stage de procédés anciens : cyanotype, Van Dyke, tirags au charbon, gomme bichromatée... Il rédige actuellement un ouvrage sur les procédés photographiques du XIXème siècle, réactualisés.
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Expositions
2010 « Variations & Fugues en sténopé », Galerie du Centre Iris, Paris, France.
2009 « Café - Expo », Université Paris XIII, Paris, France.
2006 « Café - Expo (Paysages) », Université Paris XIII, Paris, France.
2005 « Découvertes #3 », Galerie du Centre Iris, Paris, France.
2003 « Histoires d’Enfants », Galerie du Centre Iris, Paris, France.
2002 « Fragments de Mémoire 1. » et « Dame Nature», Galerie du Centre Iris, Paris, France.
1998 « Portraits d’écrivains du Maghreb », Bibliothèque Municipale de Niort, France. Espace Culturel du Scarabée, La Verrière, France.
1996 « Le Maghreb, l’Occident Arabe», Centre des Cultures Méditerranéennes, Nice, France.
1995 « Portraits d’écrivains du Maghreb », Forum du livre de Saint-Chamont, France.
1993 « Les Ateliers d’Artistes de Belleville », Paris, France.
« Visions d’Afrique du Nord », Centre Culturel de Courbevoie, France.
« Les Enfants de Belfast », MJC de Sannois, France.
1992 « Les Ateliers d’Artistes de Belleville », Paris, France.
« La Douleur », Cité des Sciences et de l’Industrie, Paris, France.
« Les Enfants de Belfast », Centre Culturel de Courbevoie, France.
1991 « Les Ateliers d’Artistes de Belleville », Paris, France.
« Artistes à la Bastille », Paris, France.
« Portraits d’écrivains du Maghreb », Bibliothèque Municipale de Saint-Denis, France.
1990 « Les Ateliers d’Artistes de Belleville », Paris, France.
1982 Atelier 74, Paris, France.
1980 Galerie d’Ouche, Dijon, France