Centre du Patrimoine Arménien 14, rue Louis Gallet 26000 Valence France
C'est dans l'indifférence générale qu'eut lieu le génocide du Rwanda. Entre avril et juillet 1994, militaires et miliciens, aidés par une partie de la populaƟon civile, tuèrent entre 800 000 et un million de personnes, opposants au régime et membres de la minorité tutsi. De 1996 à aujourd’hui, Alexis Cordesse a consacré plusieurs travaux à ces événements. Son approche associe photographies, documents d’archives et témoignages de rescapés et de bourreaux. L’exposition propose un parcours qui met en images et en mots les traces du génocide dans les mémoires et les lieux où il a pris place.Le photographe interroge ainsi le pouvoir des images à dire par elles‐ mêmes la nature de ce qui s’est passé. Loin d’un discours moralisateur sur le crime de masse, l’exposition fait émerger la singularité de cette histoire et ses répercussions sur la population rwandaise. Elle invite le visiteur à penser le crime, plutôt que le contempler.
Sont présentés trois ensembles photographiques : Itsembatsemba, L’Aveu et Absences
Lieux : L’exposiƟon est présentée dans les salles du Square Charles‐ Aznavour à Valence, en face du Centre du Patrimoine Arménien. La billetterie s’effectue à l’accueil du CPA. Tarifs : 3€/2€/Gratuit pour les demandeurs d’emploi et bénéficiaires minima sociaux
Associant images, témoignages et archives sonores, trois ensembles photographiques réexaminent le génocide du Rwanda, mettant ainsi en lumière trois « temps » dans l’élaboration de sa mémoire.
Itsembatsemba, 1996
Né de la collaboration entre Alexis Cordesse et le cinéaste Eyal Sivan, Itsembatsemba, Rwanda un génocide plus tard est un court métrage expérimental réalisé à partir de photographies en noir et blanc, d'enregistrements sonores et d'archives de la RTLM, la célèbre « radio de la haine ». Créé en 1993 par des extrémistes hutu, cet outil de propagande était le plus populaire des médias de la haine apparus avant le génocide. Deux ans après les faits, le photographe enregistre les séquelles du traumatisme, confronté à l’urgence de témoigner au présent du passé, et dit la spécificité d’un crime commis dans l’indifférence générale. À la suite de la projection, l’exposition propose une parole historique questionnant les enjeux de mémoire du génocide.
© Alexis Cordesse
L’Aveu, 2004
Cet ensemble réunit des diptyques composés chacun d’un portrait en couleur et d’un extrait d’aveux. Dix ans après le génocide, Alexis Cordesse s’est rendu dans la province de Kibuyé, à l’ouest du pays, où 59 050 tutsi furent exterminés entre avril et juin 1994. Il a interviewé et photographié des Rwandais qui ont avoué leur partcipation au génocide. Certains sont en liberté provisoire, d’autres sont encore en détention, la plupart en attente de procès. Encouragées par des remises de peine ou des libérations provisoires, ces procédures d’aveux se sont multipliées. Refusant tout effet dramatique dans la mise en scène et le traitement de la lumière, il s’attache à révéler l’ambiguïté et la complexité de ces personnages, sans les réduire au simple jugement moral. Par son caractère volontairement modeste, le dispositif contraste avec l’énormité du crime. La proximité qu'il impose avec les images et les témoignages conduit le visiteur à s'interroger sur la distance à laquelle regarder ces hommes et ces femmes.
© Alexis Cordesse
Absences, 2013
En mai 2013, Alexis Cordesse retourne au Rwanda pour réaliser des photographies de nature, des collines vallonnées de la région de Kibuye à la forêt primaire de Nyungwe, où toute présence humaine est absente. Les images jouent, de façon assumée, avec les clichés colonialistes faisant du Rwanda un “Éden aux mille collines”. Suprême contrepoint aux horreurs du génocide, les paysages semblent avoir recouvré la quiétude qui les caractérisait naguère. Pour autant, Absences fait émerger la conscience troublante que ces lieux ont, vingt ans plus tôt, hébergé l'horreur. L'ensemble est complété par un cliché des stèles du souvenir où sont gravés les noms des vicƟmes, ainsi que des témoignages de trois rescapés et d'une "Juste" hutu, recueillis par Alexis Cordesse et disponibles à l'écoute au sein de l'exposiƟon. Ce dispositif ouvre un nouvel espace de perception où le spectateur devra engager son imaginaƟon, sa capacité à se représenter l’événement en mesurant l’écart qui oppose ces paysages muets aux récits de ce qui a été vécu, dans ces lieux, témoignages de la destrucƟon qui en désignent les manques.
© Alexis Cordesse