© Stanislas Guigui - Agence VU'
Pour cette édition, Les Photographiques se proposent d'aller voir "au-delà de la mode", de quelles étoffes sont faits nos habits... voir, aux théâtres de la vie, quels spectacles, quels simulacres, quelles illusions créent les costumes de rêve ; voir de quelles histoires, de quels désirs, de quels fantasmes, sont cousus les vêtement qui collent à la peau ; voir aussi de quelles sueurs, de quels sangs parfois, sont teintées les fringues de nos marchés ; voir enfin et surtout des photographies qui disent quelque chose de tout celà, et de bien d'autres choses aussi... au-delà de la mode. Une quinzaine d'expositions sera présentée cette année dans divers lieux de la ville, mais aussi, et c'est une nouveauté, hors du Mans.
AU "117" / PARC MONOD
IRINA IONESCO / Irina Ionesco, son monde de la mode - partenariat avec la galerie Vrais Rêves
AU CENTRE DES EXPOSITIONS PAUL COURBOULAY
AUDREY PIGUET / We are animals BRICE BOURDET / Transitions CÉCILE DECORNIQUET / Ladies GRÉGOIRE KORGANOW / Coulisses JULIE RAMAGE / Women skin project AURIANE ALLAIRE / Entités naturelles STAN GUIGUI - Agence VU' / Atras de muros THIERRY SOUFFLARD / Hat for two TASLIMA AKHTER / The life and struggle of garment workers
À L'ESPACE D'EXPOSITION DE "LA SIRÈNE"
JONAS MISSAYE / Le vêtement-empreinte partenariat avec le collectif Playmode
AU PALAIS DES CONGRÈS ET DE LA CULTURE
LAURENT MUSCHEL / Back to the museum JEAN-FRANÇOIS MOLLIÈRE / Contre-allées
AU CENTRE D'ART DE L'ILE MOULINSART À FILLÉ sur SARTHE (du 15 mars au 4 mai)
CHASSARY & BELARBI / Huis-clos - partenariat avec la Communauté de communes du Val de Sarthe
A LA MÉDIATHÈQUE LOUISE MICHEL D'ALLONNES (du 1er au 30 mars)
ANONYMES (COLL. GEORGES QUAGLIA) / Retour sur des modes anciennes partenariat avec la Ville d'Allonnes
A LA MJC RONCERAY
HORS-CADRE #3 (Clément Allet, Alexandre Bordereau et Gab')
IRINA IONESCO, son monde et la mode
photographies de Irina Ionesco
" Chacun de mes modèles est un miroir ... "
C’est ce que m’affirmait Irina Ionesco il y a quelques mois. Bien sûr, toute photographie recèle en elle-même une part de son auteur, quelque soit le sujet représenté, comme toute oeuvre d’ailleurs, qu’elle soit plastique, littéraire, ou musicale. C’est peut être même une condition sine qua non pour obtenir ce statut. Mais il y a dans cette affirmation beaucoup plus que cela. En effet, le miroir ne se contente pas de refléter celui qui se présente devant lui, il reflète aussi tout ce qui se trouve autour et derrière lui, en l’occurrence tout ce qui se trouve derrière la photographe : son passé, sa jeunesse, son enfance, ses vies antérieures avec leurs cortèges d’insouciances, de joies, de peines, de drames et de souffrances. Il s’agit pour Irina d’une véritable revendication existentielle. Ainsi, en pécheresse attirant dans ses filets des fantasmes bourgeois et surannés, en femme voilée ou masquée laissant planer un parfum de mystère oriental, en guerrière harnachée tenant en laisse des chats féroces et ronronnants, en fillette perdue dans les méandres d’une histoire fantastique et fantasmagorique qui la dépasse, en odalisque lascive soumise aux regards des hommes en quête d’érotisme exotique, en reine régnant sans partage sur une cour assujettie à une volonté de velours. Il s’agit toujours d’Irina, en autoportrait décalé, par procuration. Elle fait simplement appel à ses modèles comme à des acteurs, comme à des doubles d’elle- même, comme à des prolongements d’elle-même, lui permettant d’être à la fois devant, derrière et dans ce miroir qui pourrait être celui d’Alice. Irina ne joue pas un rôle mais reste précisément elle-même dans sa singularité et sa pluralité, avec l’apparence d’une autre.
Si ces photographies, oeuvres de commande destinées à l’illustration de magazines, nous parlent finalement de tout autre chose que de mode, de vêtements, de bijoux et d’accessoires, c’est qu’il s’agit là d’un prétexte, comme très souvent en matière de création, prétexte à parler de la Femme, de beauté, de fantasme, d’érotisme, de sensualité, et surtout d’Irina Ionesco elle-même. C’est donc presque une carte blanche qui lui est offerte. De telles initiatives sont louables à
plus d’un titre : d’abord parce qu’elles permettent à des artistes de vivre, d’exister, de partager, de diffuser leur travail, mais aussi pour le public qui peut ainsi découvrir, s’épanouir, grandir, évoluer. L’art n’est pas un luxe dont une société peut se passer sans risquer de régresser, de dépérir. Rémy Mathieu - 08/2013
Exposition produite par la galerie Vrais Rêves - Lyon
© Irina Ionesco
L'AUTEURE
Née en 1935, Irina Ionesco a très tôt été confiée à sa grand-mère, en Roumanie. Son enfance et son adolescence se déroulent dans l'univers du cirque et ce n'est qu'en 1964 qu'elle découvre par hasard la photographie. Son talent est consacré dès 1974 par une exposition remarquée à la Nikon Galerie de Paris. Depuis lors, cette autodidacte construit une oeuvre très personnelle dans un rapport singulier avec ses modèles. Elle a été publiée dans de nombreux magazines et recueils et a exposé dans les galeries du monde entier.
WE ARE ANIMALS de Audrey Piguet
Cette série photographique traite de l’impact que les hommes ont sur les animaux, plus précisément de l’utilisation de ces derniers dans un but esthétique, et qui a pour seul objectif de nous embellir. Dans ce travail sont donc représentés 3 exemples emblématiques de cette pratique : l’ivoire, la fourrure, et la peau.
Cette série contient des portraits de femmes, où l’esthétisme et la beauté son mis en avant de manière volontaire. Leur beauté est plastique, rigoureuse et lisse, s’apparentant aux diktats des apparences parfois véhiculés dans notre société actuelle.
Ces femmes portent sur elles des «traces» des animaux en question, ceux-ci s’intégrant totalement au personnage et se fondant dans leur corps ; l’homme et l’animal ne font alors plus qu’un...
En dialogue à ces portraits se trouvent des natures mortes, qui font office de miroir reflétant la réalité cachée derrière cette
beauté. Celles-ci ont pour but d’apporter une dimension plus
critiquemais aussi plus concrète et objective. [...]
© Audrey Piguet
L'AUTEURE
Audrey Piguet est une jeune photographe professionnelle basée en Suisse, qui travaille principalement dans le milieu de la mode et de la pub. Elle a a déjà à son actif plusieurs publications dans des magazines, ainsi que diverses expositions de ses travaux personnels. Ses domaines de prédilections sont le portrait ainsi que la photographie de mise-en-scène.
Elle s’est vue remettre son diplôme avec mention en 2012 par l’école de photographie deVevey, le CEPV. Son approche artistique vise à créer pour chacune de ses séries un univers imaginaire et fantastique, emprunt de bribes du réel. Mais pour que la magie de ses images opère, le réalisme de ces dernières est vital. C’est pourquoi la technique et la précision sont des points cruciaux dans toutes ses démarches. Elle travaille essentiellement en studio, toujours avec un ajout de lumière artificielle et la post-production est une étape majeure de son travail. Elle lui permet de contrôler ses images jusque dans les moindres détails et de leur donner cet aspect construit, réfléchi et très plastique, renvoyant ainsi aux thèmes abordés. Ses inspirations viennent autant du milieu de la mode, que de la peinture, du cinéma ou du milieu de l’Art en général. Elle s’intéresse également aux domaines directement liés à la photographie, comme la coiffure, le maquillage et la couture, et c’est pour cette raison qu’elle réalise elle-même ces artifices. Cela lui permet d’avoir un contrôle constant sur ses créations, une maîtrise complète et personnelle de ses photographies.
TRANSITIONS
de Brice Bourdet
Parler des gens, sans les montrer. Parler de leur "enveloppe de textile“. Parler de ce qu ́ils montrent pour se cacher. Dans un monde où l ́ apparence est parfois ce qu ́il y a de plus important, que reste t ́il si on enlève l h́ umain? Comment ces objets qui nous sont si intimes parlent encore de nous?
Dans notre société nos comportements et nos rapports les uns envers les autres diffèrent en fonction des espaces où l’on se trouve. Mais tout particulièrement entre l é space intime et le l’espaces publics.
Les couloirs d ́immeuble qui, à la fois relient et en même temps séparent ces espaces, sont une forme de passage de transition. Dans les couloirs, on est à la fois plus vraiment chez soit et en même temps on est pas tout à fait à l’extérieur. [...]
En travaillant avec les vêtements des gens, la série photographique Transitions rentre déjà dans une sphère de l ́intime. Mais lorsque ces vêtements sont libérés dans les couloirs même des immeubles où habitent leur propriétaires, ce qui nous habille devient alors ce qui nous dévoile, ce qui nous déshabille. Tel des mues animales abandonnées dans des couloirs d ́immeuble, les vêtements représentés dans cette série photographique, semblent parfois devenir autonomes. Mais au final qui appartient à qui?
© Brice Bourdet
L'AUTEUR
Jeune artiste français vivant en Allemagne, Brice Bourdet s’arrête sur les failles et les brèches de la société contemporaine occidentale. Des lieux de vie ritualisés où l’homme a cessé d’évoluer, les jeux d’apparences trompeuses où les gens finissent par se perdre eux-mêmes, ou encore la dé- construction d’une illusion sociale où les individus s’isolent les uns des autres au travers de leur biens (de consommation) si réconfortants. Mises en scène aussi intrigantes que subtiles, ses séries photographiques ainsi que ses vidéos donnent à voir une société qui perd peu à peu ses repères. Un monde en proie au désenchantement
LADIES de Cécile Decorniquet
Les portraits que Cécile Decorniquet propose dans ses séries se jouent des limites de la représentation et nous
font partager un monde onirique empreint de fantaisie et de poésie. À l’encontre du regard mélancolique, l’artiste habille, grime ces petites filles, les fait poser à la manière des grandes dames victoriennes. L’espièglerie qui s’en dégage lance un défi au spectateur. Son univers qui mélange à la fois les grands portraits de la peinture primitive flamande, de la peinture baroque espagnole et de toute évidence les photographies d’Alice Liddell de Lewis Carroll, est trompeur. Une forme d’irréalité entoure ces visages qui, du coin de l’œil, nous jettent un regard narquois. Là où la photographie imprime une forme de réalité, Cécile détourne sa fonction initiale, nous donne à voir une figure fantasmée de l’enfance et nous révèle un monde surréaliste, comme si nous étions passés de l’autre côté du miroir.
Laetitia Guillemin
© Cécile Decorniquet
L'AUTEURE
Diplômée de l'École des Gobelins, Cécile Decorniquet vit et travaille à Paris.Depuis 2008, elle a exposé dans des festivals et galeries en France, Espagne, Belgique, Angleterre. Ses travaux personnels ont fait l'objet de diverses publications dans de nombreux magazines.
Sélectionnée par plusieurs jurys, elle est lauréate du Salon Art Terrible en 2011, du prix PX3 dans la catégorie portraits en 2012 et du Prix SFR Jeunes Talents "Les Rencontres Arles Photographie" en 2013.
COULISSES
de Grégoire Korganow
Pendant 5 ans à partir de 2003, je photographie deux fois par an pour le magasine Marie Claire, les coulisses des défilés de haute couture à Paris. J’apprivoise ces lieux dont j’ignore tout. Je découvre le monde de la mode et les règles irrationnelles des « backstages ». Je gagne ma place derrière le rideau plusieurs heures avant le début du show et m’y maintenir tient du défi : être accepté en coulisses n’est jamais acquis et relève de négociations souvent ubuesques. Le défilé commence, tous les photographes sont concentrés au même endroit. Je suis dans un état second. Je n’arrête pas de photographier, de manière presque compulsive. Tout le monde court, crie. On se bouscule. Quand tout s’arrête, je suis en nage, épuisé, j’ai fait plus de 350 images. Le décor est le même d’une saison à l’autre, seuls les vêtements changent. Alors, j’expérimente de nouvelles approches, j’imagine de nouvelles images. J’utilise le flash, le noir et blanc, la couleur, le bougé, les gros plans avec toujours comme exigence de montrer les vêtements. Je ne photographie pas les moments de vie, j’évite l’anecdote. Je parle peu et ne tisse aucun lien. Les mannequins sont pour moi irréelles.
© Grégoire Korganow
L'AUTEUR
Grégoire Korganow débute la photographie en 1992 et suit les mutations de l’ancien bloc soviétique, en Russie, en ex-Yougoslavie, en Albanie. En 1993 il collabore, durant dix ans, avec le quotidien de presse nationale Libération. Il travaille par la suite avec de nombreux titres français et étrangers : l’Express, Télérama, marie claire, Géo, National Geographic, The New York Times... De 1998 à 2003 il dirige la collection de livres photographiques Avoir 20 ans, aux éditions Alternative. En 2001, il participe à la création du magazine photo De l’air, exposé à la Maison Européenne de la Photographie à Paris dix ans plus tard.Depuis janvier 2011, il photographie les lieux d’enfermement en France, pour le Contrôle Général des Lieux de Privation de Liberté. Ce travail sera exposé à la Maison Européenne de la Photographie à Paris en avril 2015.
Il réalise différentes séries personnelles : Père et fils, Coulisses, Hardcorps, Gueules Cassées, Patagonie histoire du bout du monde... qui font l’objet d’expositions en France et à l’étranger et de publications.
Parallèlement, il crée des séquences photographiques sonorisées pour des films documentaires. Depuis 2010 il réalise des films de danse avec le chorégraphe Sylvain Groud qui feront l’objet d’une collection web, les Chroniques dansées diffusée en 2014.
Il enseigne également en 2012 la photographie à la Faculté Paris 1 et donne régulièrement des ateliers pratiques aux Rencontres photographique d’Arles.
WOMEN SKIN PROJECT de Julie Ramage
Le Women Skin Project a débuté par un travail de parole. L'idée était de trouver un autre moyen de témoigner pour les femmes qui travaillaient avec moi. Toutes, elles avaient traversé des agressions sexuelles, parfois des violences conjugales, et elles avaient accepté de collaborer avec moi pour l'exprimer d'une autre manière.
Chacune d'entre elles me donna alors un vêtement qui, pour elles, signifiait quelque chose, était porteur de leur histoire. Je choisis de les photographier en utilisant la technique du collodion humide, inventée en 1851. Le collodion humide, initialement, n'était pas utilisé comme émulsion photographique ; il était utilisé sous la forme du “collodion chirurgical”, étalé sur les blessures afin de créer une seconde peau protectrice. Il était également utilisé pour soigner les fractures, les brûlures et les plaies ouvertes. Pour moi, il y avait donc quelque chose de l'ordre du corps et de l'organique dans le collodion, mais surtout, quelque chose de l'ordre de la cicatrisation.
En présentant simplement des reliques, des vêtements évidés mais chargés de l'histoire du corps qui les a portés, je pouvais utiliser le collodion, qui suggérait ce caractère organique et cicatriciel, sans montrer ni corps, ni visage.
J.Ramage
© Julie Ramage
L'AUTEURE
Julie Ramage est née et travaille en région parisienne. Formée au Center for Alternative Photography de New York, elle travaille sur l'application des techniques anciennes de photographie aux problématiques sociales et politiques contemporaines, en explorant les codes de représentation qu'une communauté peut imposer à ses marges. Ce questionnement de l'identité visuelle se situe au croisement de la mémoire personnelle, de la mémoire collective, du territoire, et des groupes sociaux. Depuis 2010, son travail a fait l'objet d'expositions individuelles et collectives en France (Paris, Toulouse, Le Mans), aux Etats-Unis (Northampton), et en Argentine (Buenos Aires).
ENTITÉS NATURELLES de Auriane Allaire
Ces images racontent l'histoire sans cesse renouvelée de la naissance au monde, à la lumière, à la sensualité, avec son cortège de douces inquiétudes, d'abandons tranquilles et de tendres beautés.
Ici, les corps n'imaginent pas encore d'autres artifices que la terre, des fleurs, des baies et des feuilles qui habillent la fragilité de l'être, protègent et rassurent.
Yves Brès
L'ensemble de mon travail photographique est porté sur la Nature, visuellement. Elle m'inspire par la disposition des formes végétales et les associations de couleurs, c'est pourquoi je voulais créer un rapport très fort entre la végétation et le modèle.
Ce qui m'importait c'était de créer un univers poétique et d'accentuer la fragilité des corps sous l'emprise d'une Nature imposante.
L'intention principale est de transmettre à travers le modèle une douceur sensible, d'émettre l'apaisement tant visuellement que dans le ressenti du spectateur et dans le résultat visuel que celui-ci peut avoir. Ces mises en scène, toujours en lumière naturelle, sont de préférence réalisées par temps couvert ou pluvieux.Cette recherche d'une lumière particulière contraint le modèle à se soumettre à la Nature, à ne faire qu'un avec Elle.
Auriane Allaire
© Auriane Allaire
L'AUTEURE
Actuellement en deuxième année de licence d'arts plastiques, je pratique la photographie depuis 6-7 ans. C'est une connaissance qui m'a donné envie de réaliser des projets ensemble. A force de rencontrer des photographes amateurs et professionnels, j'ai essayé de peaufiner une reflexion cohérente sur mon travail, d'avoir un certain plaisir à lier l'être humain avec son environnement naturel et de produire chez le spectateur une sentiment esthétique.
Auriane Allaire figurait dans la sélection Hors Cadre#2 présentée en 2013 à la MJC Ronceray.
ATRAS DEL MURO
de Stan Guigui / Agence VU'
Cette série a été réalisée entre 2002 et 2009, à Bogota (Colombie) dans le quartier du Cartucho. Des milliers de sans abris, déplacés par le conflit armé qui ronge le pays depuis des décennies, ont trouvé refuge dans ce quartier maudit situé à deux blocs du Palais Présidentiel. Abandonnés par le système, des familles entières sombrent dans la misère et la délinquance.
"Charlie Chaplin disait que le monde devrait être une merveilleuse aventure. Quand je suis rentré dans l’âge adulte, le système qu’on me proposait ne me plaisait pas. Je ne voyais que la guerre, la misère, l’avidité et le mensonge... Je ne voulais être ni bourreau, ni victime et je refusais de me soumettre aux règles de cette société que je trouvais injuste. En plein centre de Bogota, je découvre le Cartucho, un no man’s land pour les hors-la-loi et les misérables de la ville. Une gigantesque cour des miracles où je naviguerai pendant des années, entre les morts et les vivants, les voleurs, les putes et les mendiants. La plupart de ces gens sont des déplacés, victimes d’une guerre qui est le résultat d’une politique à deux vitesses, avec des gouvernements successifs qui les ont abandonnés. Dans ce monde si violent, j’ai été sauvé par un gang, protégé par les chefs du ghetto... Les gens de la rue m’ont accepté comme porte-drapeau, pour montrer à quoi l’on ressemble quand on a tout perdu, parce que nous aussi un jour, nous pouvons tout perdre et nous perdre à notre tour. « Désechable », un bout de salade pourri au fond de la poubelle. C’est comme ça que la « bonne société » colombienne appelle les sauvages urbains. Ce mot me répugne. Et c’est pour cette raison que j’organiserai ce défilé de mode, tellement « street-wear ». Pour montrer la beauté que je vois derrière ces assemblages de loques et de guenilles, pour montrer l’humanité et la personnalité de chacun, qui subsiste derrière la crasse, la folie et le sang. Et peu importe que cela se passe en Colombie, le reflet de la misère est universel. Ils vous effraient et vous dégoutent, peut-être avez- vous peur de devenir comme eux ? Alors vous, qui tournez la tête en les croisant, n’oubliez pas que ces hommes sont encore des hommes et pour une fois osez, les regarder en face."
Stanislas Guigui /Atras del muro à paraitre en février 2014 aux Editions Images Plurielles
L'AUTEUR
Photographe français, Stanislas Guigui est né à Paris en 1969. Intéressé par les thématiques sociales de l’exclusion et des mondes marginaux, il construit depuis 1996 un travail photographique où son regard n’est jamais moralisateur mais interroge notre capacité d’indignation face aux injustices créées par nos sociétés. En 1996, il part vivre en Colombie. Conséquences de la guerre civile, des milliers de sans-abri hantent les rues de Bogota et plus précisément le quartier de El Cartucho, la plus grande cour des miracles d’Amérique du Sud. En 2003, Stanislas Guigui réussit à être accepté par les habitants du quartier qu’il photographiera pendant 3 ans : montrant les conditions de vie misérables, les fumeries de crack et les batailles au couteau. Aujourd’hui installé à Marseille, dont il chronique le quotidien et la population, Stanislas Guigui entame un parcours photographique aux Etats-Unis, comme un contre-point à cette autre Amérique qu’il a quittée. « Si le rock c’est marcher sur les chemins sauvages de la vie, Stan Guigui incarne le rock à l’état pur ! » Rolling Stone Magazine Son travail « Calle del Cartucho » est récompensé en 2006 à
PhotoEspana
HAT FOR TWO de Thierry Soufflard
Le travail photographique de Thierry Soufflard met en lumière, et en chair, la collection des premiers chapeaux pour deux qu’il crée à 4 mains avec la modiste Nelly Bichet. Leur collection Hat for two est la première, dans l’Histoire de la mode, à faire vivre des chapeaux French-kiss.
Pièces uniques haute-couture, les couvre-chefs Soufflard & Bichet se portent à deux. Liées envers et contre tout, certaines de ces coiffes biplaces se séparent aussi aisément qu’elles se rabibochent. Grâce à des scratches, zips, boutons-pression... D’autres, au contraire, restent attachées à jamais.
À l’instar de " Chuchotement au confessionnal ", ce chapeau résille, léger comme l’adultère, invite le diable à glisser son souffle de braise comme à travers les grilles d’un parloir. Dans un autre registre, la double chapka " La Belle et la bête " revisite Strogof et ses steppes tempétueuses. De multiples inspirations telles que The Birds d’Hitchcock laissent s’envoler sur les têtes tantôt de grands oiseaux noirs, tantôt des tiges de machines à écrire. Comme celles qui surplombent " La toque des poètes ". Aux matières et aux thèmes totalement différents, les Hat for two marient aussi bien des cornets de glaces renversants à de la lingerie fine s’amusant à prendre de la hauteur.
© Thierry Soufflard
L'AUTEUR
Thierry Soufflard est né en 1968 à Amiens. Il débute en 1989 comme reporter free-lance pour la presse écrite magazine (Le Nouvel Observateur, Ca m'intéresse, L’évènement, Femme actuelle, Sciences et Avenir... ). Il signe alors des reportages (textes et photos) sur les tziganes, les sans-abri, les détenus... avant d’être journaliste à la rédaction Ouest-France au Mans en 1997.
Thierry soufflard réalise en parallèle plusieurs expositions de photographies qu’on lui commande, dès 1992, sur l'humanitaire au Mali, le racisme, la vie en roulotte à chevaux, les cirques dans le monde, le manga au Japon...
Le photographe Migrateur a aussi la plume chatouilleuse : il est l’auteur de " Où s’embrasser à Paris »" best seller des éditions Parigramme, de " Où se bécoter à Montréal " (éd. Québec Amérique) et de " Où s’embrasser en France " (éd. Dakota). Auteur touche-à-tout, il est scénariste pour le dessin animé (Minuscule, Eliot Kid, Les Minijusticiers, Vic le Viking, Jamie a des tentacules... ) et pour la bande dessinée (éditions Casterman).
Il s’acoquine aujourd’hui avec la Photographie de mode en mettant en scène des chapeaux pour deux qu’il crée avec la modiste Nelly Bichet.
LA VIE ET LES LUTTES
DES OUVRIERS DE L'HABILLEMENT de Taslima Akhter (Bangladesh)
"My photography is my protest."
"Rêvant d'une vie meilleure, des millions de villageois s'entassent dans les villes, dans des foyers de travailleurs. Beaucoup de grands foyers de travailleurs ont poussé autour des usine d'habillement au Bangladesh Lija, Modhumala, Amjad y vivent. Ils ne demandent pas beaucoup. Ils ne rêvent pas de posséder une voiture, une maison ou des produits de luxe. Ils voudraient simplement un endroit pour vivre, un petit toit sur leur tête.
Les ouvriers peinent du matin au soir pour un salaire minimum de 1662,50 Taka (environ 20 US$). Le nouveau salaire minimum brut de 3000 Taka (près de 37 US$) est encore insuffisant pour survivre." Taslima Akhter
Les photographies présentées pour cette exposition sont reprises de plusieurs séries réalisées entre 2008 et 2013. Elles rendent compte des conditions de vie très précaires des ouvriers et des ouvrières de l'habillement au Bangladesh, des drames qui ponctuent leur existence et de leurs luttes pour de meilleurs salaires et une meilleure sécurité dans les manufactures. Elles nous disent dans quel univers et à quels prix sont produits ces vêtements bon marché qui nous donnent tant de plaisir.
© Taslima Akhter
L'AUTEURE
Taslima Akhter, née à Dhaka (Bangladesh) en 1974 est diplômée en photojournalisme de la Pathshala South Asian Media Academy . En 2010, elle a été sélectionnée pour la bourse de la Fondation Magnum de photographie de la région sud- asiatique. En 2011, elle participe à l'Université d'été sur les droits de l'homme et de la photographie à l'Université de New York. Elle a suivi un stage de 4 semaines avec Magnum Photos UK en 2012
Elle travaille actuellement comme directeur d'études à Pathshala. Pathsala.
En 2010, Taslima Akhter remporte le troisième prix de photographie documentaire : The Julia Margaret Cameron Award, pour son travail " La vie et la lutte des travailleurs de l'habillement " qui a été sélectionné pour Angkor photo festival 2010, au Cambodge, et exposées au Bangladesh durant les grèves du mouvement des travailleurs de l'habillement pour l'augmentation leur salaire minimum.
Ce travail a été exposée en Allemagne en 2012, aux USA et en Chine en 2013. Taslima Akhter a obtenu le prix du meilleur photographe de la 5ème Exposition internationale de photographie de Dali en 2013.
Ancienne Présidente de la Fédération étudiante de Bangladesh, elle a poursuivi son engagement en militant auprès des femmes et de l'organisation des travailleurs. Aujourd'hui, elle œuvre comme coordonnatrice de « Solidarité Travailleurs du Bangladesh Habillement ». Elle poursuit un travail de photographe militante sur les questions de genre, d'environnement, de culture et sur les questions de discrimination sociale.
Ses photographies sont publiées par la presse internationale et notamment par le magazine américain Time qui a retenu au Top 10 des photographies de l'année 2013 cette image prise après l'effondrement du Rana Plaza, en avril 2013,.
LE VÊTEMENT-EMPREINTE de Jonas Missaye
Au-delà de la mode et de son caractère éphémère, du vêtement porté sur soi au vêtement porté en soi, Jonas Missaye, invite des personnes de toutes générations, milieux et cultures à poser leur regard sur un vêtement ou un accessoire qu' ils chérissent tout
particulièrement et dont ils ne se sépareraient pour rien au monde. Inscrit intimement dans leur histoire personnelle, évocateur de souvenirs, déclencheur d'émotions, ce véritable "vêtement- empreinte" se trouve investi d'une valeur dépassant les années voire les époques. Son propriétaire s' invente une relation parfois ritualisé à ce "compagnon de route" (contemplation, rituels de conservation, fonction de porte- bonheur, de fétiche), lui conférant un caractère sacré.
Face au photographe, dans l'intimité du face à face, il est libre de choisir son attitude, de poser ou non, libre de porter ou non ce vêtement-objet de transition ancré à son histoire, choisissant sa propre façon de le dévoiler au regard de l' autre. Une courte phrase façon haiku accompagnera chaque photographie, trace du souvenir invoqué par la personne photographiée et se faisant le témoin de cette rencontre, de cet échange de regards et de sensibilités.
© Jonas Missaye
L'AUTEUR
Jonas Missaye vit et travaille au Mans. Usant de l'argentique comme du numérique dans sa pratique de la photographie, ce jeune créateur articule ses productions essentiellement autour de la notion du portrait, propice à la rencontre et à l'échange, et s'inspire beaucoup des représentations picturales dans ses mises en scènes. Il a notamment travaillé cette picturalié des images dans des séries récentes comme "Olivier et Maxime" (exposée en 2012 aux Cinéastes au Mans, puis à Nantes et Paris) et "Pomone" (présentée au public lors de l'édition 2013 du festival Entre Cours et Jardins).
BACK TO THE MUSEUM de Laurent Muschel
Depuis trois ans, Laurent Muschel a passé de nombreuses heures dans des musées à Paris, Londres, Bruxelles, Berlin, Venise, New York, Saint- Pétersbourg, ... sur un projet intitulé "Back to the Museum".
L'idée n'est pas simplement de photographier des gens de dos dans des musées mais d'essayer de les "intégrer" dans les peintures ou les œuvres présentées. En jouant avec les correspondances vestimentaires, il essaie d'établir une sorte de dialogue, entre l'apparence vestimentaire du spectateur et l'œuvre elle-même.
Il a réussi ainsi à créer une certaine "fusion" entre l'œuvre du musée et les habits du spectateur, transformant le tout en quelque chose de différent. Il y a une sorte de jeu de poupées russes où la mode se joue des œuvres d'art! C'est la mode qui pénètre les musées et vient faire écho aux œuvres d'art mais c'est aussi les œuvres d'art qui se prolongent dans les habits des spectateurs!
© Laurent Muschel
L'AUTEUR
Laurent Muschel est né à Strasbourg en 1968. Il vit et travaille à Bruxelles. Il a été découvert par Pascal Polar, avec ses images de femmes noires sur fond noir. Dans un esprit minimaliste, il développe alors une "investigation aesthetique" qui tente de capturer l'esprit de ce qu'il nomme "Blackitude". Loin d'offrir une vision sombre, son travail photographique donne une lumière intense et unique à ces images ou le noir domine.
Il developpe aujourd'hui le travail intitulé "Back to Museum". L'idée, au départ, c'est bien autre chose que de photographier des gens de dos dans un musée! Il s'agit d'utiliser la photographie comme l'outil d'un
nouveau regard sur l'art dans les musées, de montrer l'art sous un angle inédit. Il établit ainsi un "dialogue invisible" entre le regardeur et la peinture, montrant des correspondances qui nourrissent la reflexion. C'est sa manière de contribuer à "l'art sur
l'art", alors que l'oeuvre et le spectateur se rejoignent.
Laurent Muschel expose fréquemment à Bruxelle et aux Etats-Unis. Le livre "Back to the museum" est publié aux Editions Husson.
CONTRE-ALLÉES de Jean-François Mollière
Poser pour une photographie est une mise en jeu de son corps, de son regard mais aussi de ses désirs. Invités à choisir leurs costumes et les lieux des prises de vue, les résidents de l’ADAPEI 72 furent leurs premiers metteurs en scène. Mis en confiance, les modèles ont trouvé harmonieusement leur place dans l’espace d’un bar, d’un centre commercial, d’une forêt.
Ne proposer aucun artifice, n’imposer aucun mouvement, être seulement à l’écoute de ces corps qui ont pris la parole pour révéler la différence, cet écart social dont l’œil est le premier juge imparfait. Fuyant, il renvoie à notre inachèvement, à la précarité de notre propre corps. Gêné, c’est l’enfant posté devant le miroir brisé de l’ordonnancement des choses.
Les photographies de Jean-François Mollière invitent tout au contraire notre regard à s’arrêter sur le visage de l’altérité. Le handicap est ici énergie, lueur, profusion de vie. Etrangeté belle et familière.
Rodolphe Trehet
© Jean Francois Molliere
LE COLLECTIF « CONTRE-ALLÉES »
Laurence Denis Styliste Costumière Michel Esquirol Jean François Grêlé Cinéastes 24 images Mannon Landeau Tom Guittet Assistant Photographe Jean Francois Molliere Photographe Rodolphe Tréhet Textes
Coordinatrice ADAPEI Laurence Blanchard Educateurs encadrant ADAPEI : Mme Christelle André, Mmes Nathalie Brossard et Annie Hamard, M. Sylvain Avril, Mme Nathalie Rinsent et M Mustapha Bacar 15 Résidents
L'AUTEUR
Vit et travaille au Mans. Auteur photographe, journaliste, reporter indépendant. Collaborateur pour des magazines et concepteur de livres dans le domaine du sport et de l’architecture. Après une recherche photographique sur les paysages « véhiculaires » révélés par la vitesse, son travail « Des Routes » est livré sous la forme d’un « road movie »photographique. Il découvre le Mali en Mars 2006 et depuis cette expérience photographique avec la série « Noir », il travaille le corps comme il s’agissait d’une chorégraphie, d’un dialogue avec l’espace. Ce travail avec les déficients mentaux s’inscrit dans cette démarche. Son travail est représenté par la Galerie 127 à Marrakech.
HUIS CLOS de Chassary & Belarbi
Le Huis-Clos inscrit les personnages dans les rituels et les coutumes familiales. Notre approche photographique souligne le lien que chacun entretient avec les lieux qu’il occupe et les objets qu’il possède. Les personnes photographiées répètent des gestes propres à une intimité naturaliste. Volontairement contextualisés, les volumes textiles subliment l’attachement des personnages et deviennent de nouveaux objets.
© Chassary&Belarbi
LES AUTEURES
Chassary&Belarbi forment un duo d'artistes. Suite à leur rencontre en 2009, elles réalisent deux séries photographiques à l’argentique, Huis-Clos et Résonance. Leur travail se caractérise par la mise en forme textile et picturale des scènes inventées. Dès 2010, leurs photographies sont exposées dans de nombreux festivals et sont remarquées par la presse.
En 2014, elles préparent une exposition personnelle à la galerie Rauchfeld et exposeront simultanément leurs deux séries au Théâtre de la ville de Courbevoie. En juin, elles sont invitées à réaliser une oeuvre de Land-Art dans le cadre de Juin Jardin Festival. Et, la carte blanche du prix PHPA qui leur a été confié, sera dévoilée en septembre à la galerie Esther Woerdehoff.
RETOUR SUR DES MODES ANCIENNES
photographies anonymes (collection Georges Quaglia)
Glanées au fil des ans par Georges Quaglia, des plaques de verre revivent sous l'agrandisseur de ce passionné. Issues de fonds professionnels ou amateurs dispersés au hasard des ventes et des brocantes, elles ont été exposées en studio ou en plein air entre la fin du XIX ème siècle et les années 1940.
Mais que peuvent encore nous dire ces photographies, instants exhumés d'une mémoire perdue? A travers le filtre de cette édition des Photographiques, nous avons voulu y voir comme un défilé de modes d'un autre temps, comme une "revue" où se croisent les âges, les époques, les styles: mariées de la "Belle époque" et joyeux drilles des "Années folles", maisonnées campagnardes, maîtres et domestiques réunis, enfants en gloire et pensionnaires alignés... Les lieux sont généralement méconnaissables, les dates imprécises, les circonstances livrées à notre imaginaire...quels témoignages portent dès lors ces photographies orphelines? Au moins y lit-on ces vêtements, costumes, robes, chaussures, accessoires qui vous identifient un personnage, ce par quoi se distinguent le touriste du chauffeur d'omnibus, la bourgeoise de la femme du peuple, le maître de son valet. Le théâtre social est là, inscrit dans l'image, mais la pièce demeure muette. A chacun de réécrire la scène.
Yves Brès