Expositions du 17/02/2006 au 14/04/2006 Terminé
Goethe-Institut Lyon - Goethe-Loft 18 rue François Dauphin 69002 Lyon France
Catalogue de l'exposition disponible sur demande auprès de
taglioni@lyon.goethe.org.
FAUX TERRAIN ou la contrefaçon d'une contrefaçon
Un terrain gazonné qui s'étale jusqu'à l'horizon dans la lumière douce de la nuit tombante. Trois personnages debout, probablement une famille jeune, absorbés dans la contemplation des couleurs changeantes du crépuscule - un tableau parfait...
Dans l'histoire de la peinture panoramique, le concept de « faux terrain » est utilisé pour désigner le décor paysager en trompe-l'oeil intercalé entre le spectateur et le panorama représenté. Parce qu'il est une passerelle tridimensionnelle entre l'espace et l'image plane, le faux terrain renforce l'effet recherché de simulation d'une expérience visuelle réelle. Mais en même temps, l'illusion minutieusement mise en scène de la réalité développe, dans sa perfection inerte, une impression d'étrangeté absolue, d'artificiel et de lugubre. Dans ses séries de photographies regroupées par catégories conceptuelles, Sebastian Stumpf explore cette expérience de la distanciation. Il ne réalise pas ses photographies, toujours analogiques, dans un espace panoramique clos, mais en extérieur, dans des lieux empreints de la même artificialité. Le champ visuel de l'artiste se concentre sur certaines formes esthétisantes de paysages contemporains et de la perception détournée que nous en avons.
Les photographies de la série Im Grünen (Au vert) proposent, au premier regard, des scènes d'un romantisme figé de moments de loisir. Mais un examen plus précis révèle que les protagonistes solitaires sont en réalité des figurines fabriquées en série. Et étrangement pourtant, les photos ne livrent totalement l'énigme de leur construction, ni au deuxième regard, ni au troisième. L'artiste utilise, pour ses mises en scène, les surfaces gazonnées de terrains de golf, tout aussi standardisées que les figurines et minutieusement entretenues. Il n'est plus possible de définir ni les proportions, ni les échelles. Les caractères stéréotypés sont figés dans une durée qui dépasse celle de la prise de vue. Le regard fixé sur l'horizon, ils semblent perdus dans la contemplation de « l'infini miniaturisé » du paysage panoramique.
Dans une autre série réalisée parallèlement, Plan, Sebastian Stumpf crée le même effet d'irritation, mais avec des moyens différents. Tout est « vrai » dans ces séquences prises d'une hauteur surexposée et donne pourtant l'impression de « faux ». La vue plongeante sur les différents éléments donne une image d'ensemble d'une planéité hermétique et d'un vide graphiquement abstrait. Les plans, réalisés avec une précision irréelle, d'une construction paysagère contemporaine deviennent ainsi le théâtre de scènes étranges. Dans l'oeuvre en cinq parties Plan (III), l'impression d'artificialité qui se dégage du cadre où évoluent les passants élégamment disséminés sur la surface, semble les empêcher d'avoir un comportement individuel. Le personnage de dos, assis sur un banc au centre de la photographie, est apparemment la seule personne s'attardant dans ce lieu.
Avec Safari, son projet le plus récent, Sebastian Stumpf poursuit sa réflexion sur les potentialités de la photographie contemporaine de paysage. La résonance exotique du titre est une boutade, car le travail ne donne pas à voir de spectaculaires gros plans d'énormes animaux africains, mais de « minuscules » silhouettes d'animaux au milieu de modestes campagnes d'Europe centrale. Les bougés en premier plan indiquent que les photographies ont été « happées » dans un balayage rapide et horizontal. Le mouvement, qui résulte de la vitesse de déplacement et nivelle la perception, n'est interrompu ici que par ces brefs moments d'attraction. Les petites séquences sont là, cette fois, pour rassurer le photographe et le spectateur, car elles contrebalancent la fugacité des événements. Coincés entre un paysage industriel et l'autoroute, solitaires, de (« vrais ») chevreuils et renards rappellent les idylles romantiques.
Thilo Scheffler
Leipzig, Janvier 2006
Traduction : Michelle Lapierre
© Sebastian StumpfGoethe-Institut Lyon - Goethe-Loft 18 rue François Dauphin 69002 Lyon France