© Vincent Fillon
Vincent Fillon est un photographe spécialisé en architecture, les commandes et les travaux personnels l’ont amené à explorer les questions du patrimoine, de l’urbain et leurs mutations. De l’état des lieux, aux enjeux de la reconversion, son travail photographique documente, questionne, interprète.
Cette exposition est la première présentation de la série City-One, un travail qui porte sur un quartier à Hong Kong, ensemble démesuré composé de 52 tours de logements identiques. Visuellement, le quartier est oppressant, fait de tours répétées, aux perspectives le plus souvent bouchées. Tours qui encerclent, dominent, écrasent. Tours dont les façades homogènes, parfaitement tenues en ordre, tout comme les espaces communs, sont l’uniformité même, mais dont, parfois, le linge pendu perturbe la répétition, même s’il reste en retrait. En pleine journée, nul bruit ne vient déranger, la circulation automobile est pacifiée laissant la place aux chants des oiseaux. Les piétons se font rares renforçant l’étrangeté du lieu. Pourtant, ici, une jeune femme traverse, là, deux adolescents jouent au basket.
City One est une épreuve étonnante pour un regard occidental. Notre conception de la ville, de l’espace public, du vivre ensemble et de la place de l’individu dans la société est en permanente confrontation avec ce modèle. La rationalité poussée à l’extrême est étouffante, la multiplicité étourdit les sens et pourtant... Passé le choc des premiers jours, City One laisse un souvenir ambigu, une ville vertigineuse et sereine, étourdissante et calme, effrayante et apaisante, dense et vide.
Parallellement à ce travail, l’exposition présente la série entre-deux, série lauréate du prix SFR Jeunes Talents 2013 pré- sentée aux Rencontres photographiques d’Arles. Malgré les apparences, l’acte est photographique. Le protocole est précis, la technique est simple : 2 photographies en surimpression, sans aucun autre artifice. Volumes recomposés, perspectives combinées, matières superposées... Le résultat est une étrange représentation de l’espace, une déconstruction du réel. L’oeil cherche à reconstruire les deux images originelles, en vain... il se perd, se raccroche à un détail, indice d’une réalité et se perd à nouveau. L’observateur accepte finalement l’impossibilité de dis- tinguer les deux images, les deux espaces, il s’abandonne à l’observation de l’espace recomposé. ‘Entre-deux’ évoque le temps suspendu, ce moment où le lieu a perdu toute fonction. Il n’est plus et n’est pas encore. Mobiliers et objets qui auraient pu signifier la fonction ont disparu. Le marquage de chantier aux couleurs criardes annonce une mutation à venir, mais reste peu signifiant pour déterminer le devenir du lieu.
Comme le souligne Christian Caujolle, fondateur et ex-directeur de l’agence Vu, « La proposition de Vincent Fillon, par ailleurs remarquable professionnel dans le domaine de la photographie d’architecture, est cependant tout à fait ori- ginale. Celui qui sait documenter, rendre compte, mettre en perspective espaces et bâtiments a choisi d’insuffler une forme de distance poétique à ce qui pourrait tourner au constat. »