© Patrick Zachmann
Depuis ses débuts en photographie, Patrick Zachmann, photographe et réalisateur, membre de l’agence Magnum (prix Niépce 1989), s’attache à mettre en lumière la complexité des communautés humaines dont il questionne l’identité et la culture. Les enquêtes, films et reportages qu’il réalise, au gré des grands sujets sociétaux qui le requièrent, le conduisent parallèlement à une recherche spécifique sur la mémoire et l’identité des populations en exil. Sa longue fréquentation des diasporas chinoise, malienne, juive et maghrébine, qu’il suit, accompagne, retrouve au fil de ses reportages, dessine depuis trente ans le plus puissant des réquisitoires contre les ravages du déracinement, fléau récurrent et universel de l’ère moderne.
Mare mater, projet initialement engagé sous les auspices de Marseille-Provence 2013, est tout à la fois le carnet de route d’un reporter et documentariste qui parcourt les pays du bassin méditerranéen livrés à l’ébullition du Printemps arabe, et le journal intime d’un photographe confronté à la disparition progressive de la mémoire de sa propre mère. Cette épreuve de la séparation symbolique d’avec la mère fait écho, chez Patrick Zachmann, à celle plus radicalement traumatisante que connaissent les migrants contraints à l’exil, jeunes adultes s’arrachant, pour une durée et une destination inconnues et par de périlleuses traversées, à l’affection des mères qu’ils laissent comme orphelines de leurs enfants prématurément enfuis.
En contrepoint de cette investigation aux multiples facettes conduite de 2010 à 2012, le photoreporter évoque, à la première personne, la trame de ses doutes et de sa constante inquiétude quant à l’éthique et à la responsabilité du photographe immergé dans le chaos du monde.
Au fil des quatorze récits qui construisent l’ouvrage – qui sont autant de traversées passées et présentes d’une rive à l’autre de la Méditerranée, d’enquêtes au chevet d’une mémoire qui s’altère, d’interrogations sur l’enchevêtrement des identités, des cultures et des générations – se dévoilent et se disent des visages, des bribes de vie, des communautés de destins, qui composent une polyphonie visuelle et narrative d’une rare intensité.
Journal de bord d’un voyage intérieur, carnets d’exils relatant un ici (le pays d’accueil) et un là-bas (la terre natale), recueil de témoignages poignants, Mare mater constitue, dans son propos et dans sa forme, une synthèse particulièrement aboutie de l’originalité de l’œuvre de Patrick Zachmann.