© Gérald Assouline
Maison de la Photographie Robert Doisneau 1 rue de la Division du Général Leclerc 94250 Gentilly France
Gérald Assouline, photographe et sociologue, est un homme de terrain. Depuis 1999, il parcourt l’Europe orientale, cette Europe des langues baltes et slaves, cette Europe de l’ex-Bloc soviétique qui s’étend de l’Estonie à l’Ukraine en passant par la Pologne et la Biélorussie. C’est d’abord le hasard qui le mène vers cette partie du continent puis l’évidence et la nécessité de retourner là-bas. Sans plan préconçu, sans géographie précise, le besoin s’impose à lui d’interroger, de comprendre et d’expliquer cet ailleurs, cet espace qui lui est étranger, fasciné dit-il par la «friction des plaques historiques, culturelles, etc. qui produit des fantômes ».
Tallinn, Cracovie, Vitebsk ou Kiev sont indéniablement associées à l’histoire du 20ème siècle. Leurs noms évoquent cet au-delà d’une barrière invisible qui a séparé l’Est de l’Ouest européen, frontière quasi hermétique qui a alimenté les idéaux, les fantasmes et les désillusions et qui, contre toute attente, est brusquement tombé avec le mur de Berlin. Il y a 25 ans à peine, les pays du pacte de Varsovie ont fait machine arrière pour progressivement « sortir » du communisme et tendre vers une réunification avec la partie occidentale de l’Europe. Avec étonnement nous regardons la célérité de cette marche vers l’uniformité et nous nous racontons aujourd’hui encore l’effondrement de ce monde d’hier.
© Gérald Assouline
Chaque voyage est une occasion pour Gérald Assouline d’observer l’évolution du décor depuis la chute du rideau, de constater la transformation des villes et la conversion des mentalités. En tant que photographe, il fixe des repères topographiques et pose une chronologie. Mais sa démarche outrepasse la simple aptitude documentaire de l’image pour prendre des chemins plus détournés, privilégiant l’expérience intime, cultivant l’art de l’errance et son riche lot de découvertes et de rencontres. Il photographie à rebours, s’intéresse davantage au ressenti qu’aux détails perçus, capte des atmosphères plutôt que des paysages, obtient des sentiments sous l’apparence de portraits. Son appareil convoque les songes, révèle les souvenirs et raconte paradoxalement l’exacte réalité des lieux et des personnes qu’il fréquente : les stigmates d’une histoire douloureuse, la nostalgie d’un passé glorieux mais aussi l’humeur du temps présent, les tempéraments bien vivants et l’espoir d’un avenir peut-être radieux.
C’est en train qu’il sillonne ces territoires de la Baltique à la Mer Noire. Le reste du temps est consacré à de longues marches solitaires. Ses « déplacements photographiques » comme il les appelle, sont réunis ici sous un titre éloquent et évocateur. « Le ciel était si bas» réveille un contexte climatique, accuse une lumière qui a vraisemblablement conditionné des prises de vues mais traduit surtout cet état d’âme où se croisent les fameux fantômes de l’Est : il y a l’hiver, le froid, la neige, la fugacité du jour et la lueur des éclairages publics. Les images sont denses. La matière est visible. Les scènes sont faites de grains, de flous, de bougés, de noirs profonds et de zones brulées. La manière de Gérald Assouline colle au plus près à l’empreinte gardée en mémoire et à la réminiscence du moment vécu.
Michaël Houlette Annie-Laure Wanaverbecq
© Gérald Assouline