© Jean Mauferon
Au hasard ?
Jetez quelques gouttes d’encre dans un verre d’eau et vous verrez s’épanouir une forme manifestement aléatoire ou, du moins, hautement imprévisible, qu’il s’agit de photographier.
Cela laisse bien peu de temps à la réflexion. C’est pourquoi j’associerai volontiers cette approche et la pratique de l’écriture automatique, chère aux surréalistes.
Il est d’ailleurs troublant de constater les similitudes entre des images, ainsi crées, et certaines œuvres de peintres.
© Jean Maufiron
Le temps suspendu
C’est un rapport complexe que la relation de la photographie avec le temps. Parce qu’elle est produite physiquement par le sujet (on capte la lumière qu’il réfléchit), elle a un statut de témoignage objectif et instantané de la réalité.
Pourtant, une photographie ne rend pas compte de notre perception de la temporalité, elle n’est qu’une image parmi une infinité de possibles. Un instant plus tôt — ou un instant plus tard — et c’est une toute autre vision qui aurait été captée.
Une séance de portrait — ou un événement — se situent dans un intervalle de temps et le photographe n’en prélève qu’une vision infinitésimale. Il donne ainsi du sujet une vision qui résistera au temps, mais qui se révèle insuffisante pour exprimer à elle seule toute sa complexité.
Choisir, comme sujets, ce que l’on peut considérer comme des formes abstraites a pour avantage de libérer le photographe de ces réflexions.
Bien entendu, les formes produites par des liquides mélangés existent dans le temps — elles naissent d’une simple goutte pour s’épanouir et finalement disparaître — mais nous ne souhaitons guère attacher d’importance à ce parcours, pure évolution physique de matières inanimées.
Du coup, nous voici libres de voir ces images comme de purs instantanés : ce qui a été avant, ce qui sera après, ne nous intéresse pas.
Nous pouvons ainsi savourer la sensation d’observer un pur moment d’éternité.
Photographe indépendant depuis 2006, Jean Mauferon pratique la photographie depuis plus de 40 ans.
© Jean Mauferon
Il vit à Paris depuis 1977 et la capitale est, bien entendu, un de ses sujets préférés, mais il trouve également son inspiration lors de voyages lointains.
Toutefois — depuis plus de cinq ans — Jean Mauferon s’est tourné vers la nature morte et la prise de vue en studio.
Le sujet ? Des compositions abstraites à base de mélanges de liquides. D’où le terme Fluidiques, qui sous-entend également ludiques.
Ces structures colorées, qu’il photographie, ne sont pas seulement changeantes : elles subissent une inexorable destruction.