© Julien Chapsal
Galerie du Château d'Eau Place Laganne, 1 31300 Toulouse France
Le Château d’Eau a invité Julien Chapsal pour une résidence d’artiste dans les quartiers populaires du Mirail en 2013, avec le soutien de la Direction régionale de la Caisse des Dépôts.
Lorsque le responsable du Château d’Eau m’a invité à travailler en résidence dans le quartier du Mirail, en m’imposant ce périmètre d’action mais en me laissant libre d’y faire ce que je souhaitais, nous avons pensé spontanément, l’un comme l’autre, que je pourrais y photographier des scènes du quotidien, de la même manière que j’avais précédemment photographié, partout en France, les vacances d’été. Fixer des moments de vie collective, en prêtant une attention particulière aux postures, aux gestes, aux attitudes. Après mes tableaux d’été, réaliser, en d’autres termes, des tableaux urbains.
En parcourant le quartier, en y observant les gens, en discutant avec eux, s’est finalement imposée l’envie de m’intéresser plus précisément au bâti, d’une part, et aux jeunes, d’autre part. Au bâti, parce qu’il est si spécifique, chargé d’une histoire si particulière, et si représentatif aussi de ce qu’il est convenu d’appeler les grands ensembles. Aux jeunes, parce que, ici comme ailleurs, évoqués comme une entité collective, stéréotypée, presque abstraite, ils sont au centre de bien des enjeux, et incarnent l’avenir. Une double orientation qui, en un mot, me semblait plus intéressante parce que plus politique.
J’ai donc arpenté et exploré le terrain, d’une barre à l’autre, de passerelles en chemins de traverse. J’ai tâché d’en découvrir, à chaque nouvelle sortie, d’inattendus recoins. Cet environnement s’est avéré tout en paradoxes : à la fois accueillant et hostile, fonctionnel et absurde, ouvert et concentrationnaire. Ce sont sans doute les aspects les plus curieux sinon dérangeants que j’en ai retenu.
En parallèle, je suis parti à la rencontre de celles et ceux qui, âgés de 18 à 25 ans, font leur entrée dans la vie d’adulte. Sans intention ni a priori. Seulement pour, en quelque sorte, faire connaissance, me rendre compte de ce qu’ils sont, mettre des visages sur autant d’individus. J’ai demandé aux volontaires de m’emmener dans un endroit qui pour eux comptait particulièrement, où ils aimaient se retrouver. Puis je les ai fait poser sans me regarder, en les incitant plutôt à se plonger dans leur intimité.
J’ai choisi de faire dialoguer ces deux ensembles d’images. Dans un environnement très marqué, très présent, des jeunes se tiennent, bien en chair, et pourtant presque absents, en attente – en devenir.
Un choix qui résulte d’une expérience unique et qui, pour autant, me ressemble. Comme si, d’un travail à l’autre, malgré la disparité des situations, s’inscrivaient en creux les mêmes obsessions, les mêmes motifs. Et des images, quoi qu’elles documentent, comme suspendues, silencieuses – sourdes ? –, presque étranges.
Julien Chapsal
Les prises de vue ont été réalisées en deux temps en mai et juin 2013.
© Julien Chapsal
Notes biographiques
Julien Chapsal est né en 1977 à Paris, où il vit.
Il obtient une Maîtrise de lettres modernes en 1998 à la Sorbonne Nouvelle, puis un DEA d’anthro- pologie visuelle en 2001 à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.
Après des stages à l’Agence VU, à Magnum Photos, aux Galeries Photo FNAC, et à la Fondation CCF pour la Photographie, il travaille comme chef de projets culturels pour Tendance Floue (2003), puis pour Magnum Photos (2003-2010), et, en 2010, décide de se consacrer principalement à sa photographie.
Depuis 2001, il mène ses travaux personnels en explorant chaque fois différentes formes, dans la perspective de l’exposition et l’édition.
« Presque rien mais assez » (Indonésie, 2001), « Harkis à vie ? » (France, 2003-2005), puis « Extérieur Passé » (France, 2006), ont en commun de questionner l’appartenance collective et la construction identitaire. De « Entre-Deux » (Maroc, 2004-2008) à « (Où) suis-je? » (France, 2007-2010) prend forme une même recherche sur le territoire. Réalisée entre temps, « L’Eclipse » (pays divers, 2006-2008), évoque une traversée nocturne plus intime.
« (Où) suis-je? » marque autant un tournant dans sa manière de photographier que le début d’un long travail en France, constitué de plusieurs séries autonomes et complémentaires questionnant à la fois l’espace et l’humain. Deux autres depuis ont été achevées : « L’été » (2010-2012) dépeint des scènes des vacances d’été, et « Calais » (2013) propose une lecture de la ville comme territoire d’immigration. Commencée en 2011, « Lieux » rassemble des vues de lieux faisant écho dans l’inconscient collectif, évoquant autant d’événements ayant marqué l’histoire nationale.
Bourse
Fonds d’aide à la photographie documentaire contemporaine du Centre national des arts plastiques pour «L’Eté », 2012
Expositions individuelles
- « Presque rien mais assez », Maison de l’Unesco, Paris, 04/2004
- « Harkis à vie ? »
- Journées du Patrimoine, Camp Joffre, Rivesaltes, 09/2005 - Espace Insight, Strasbourg, 11/2005
- Rencontres d’Arles, Atelier des Forges, 07/2006 [sélection du commissaire invité Raymond Depardon « Photographes du politique et de la société »] « Extérieur Passé », Journées du Patrimoine, Camp Joffre, Rivesaltes, 09/2006
Expositions collectives
« (Où) suis-je ? » in « France14 »
- Rencontres d’Arles, Abbaye de Montmajour, 07/2010
- Mois de la Photographie, Bibliothèque nationale de France, Paris, 09/2010
- Commanderie Saint-Jean, Corbeil-Essonnes, 10/2011
Projection collective
« L'été », in « Le Monde tel qu’il est », Nuit de la photographie, Galerie Le Bleu du Ciel, Lyon, 09/2013
Monographies
Presque rien mais assez, Editions de l’Unesco, Paris, 2004
Harkis à vie ?, Filigranes Editions, Paris, 2006
Ouvrages collectifs
« Harkis à vie ? »
- in Aman Iman #1. Filigranes Editions, Paris, 2004
- in Rencontres d’Arles 2006, Actes Sud, Arles, 2006
« (Où) suis-je ? » in France14, Trans Photographic Press, Paris, 2010
Collections
Bibliothèque nationale de France, Paris
HSBC France, Paris
© Julien Chapsal