Project Echo(s) © Jérôme Barbosa
Galerie Adrian Bondy 221 rue St. Jacques 75005 Paris France
A PROPOS DE JEROME BARBOSA
Ce fut une belle rencontre que celle de Jérôme Barbosa, jeune photographe. Belle rencontre comme sait en offrir la photographie, toute passion abolissant la notion d’âge.
Il m’a fait connaître son travail et j’ai pu constater que nous étions sur le même chemin passionnant et si exigeant de la photographie. Et puis, ce choix du noir et blanc, de l’argentique, nous rapproche forcément. Également, son origine portugaise n’était pas pour me déplaire au regard de ma longue histoire avec son pays. Jérôme a déjà compris qu’il fallait donner du temps au temps et choisir des sujets, des thèmes en les approfondissant, aller au fond des choses, jusqu’à l’intime. Après avoir réalisé tout un document sur ses grands-parents au Portugal, avec beaucoup de tendresse, il a également réalisé un surprenant reportage sur la communauté Molokane en Arménie dans des conditions spartiates, un autre sur les drogués d’Athènes... J’admire en lui sa détermination, son courage....et son travail.
Jérôme fait partie de la famille des photographes humanistes et il sait, de toute façon, que nous sommes tous de la même famille.
Georges Dussaud (agence Rapho)
ABOUT JEROME BARBOSA
My encounter with the young photographer Jérôme Barbosa was a rewarding one, the sort of encounter that photography engenders, where love of the medium bridges the generation gap.
He introduced me to his work, and I observed that we were following the same fascinating and demanding path in photography. Also, there is this common choice of black and white, of silver photography, that inevitably links us. His Portuguese origins were a contributing factor, too, when I reflect on my long relationship with his country. Jérôme has already understood that one needs to take one's time, to choose subjects and themes with the concern of delving into them, of exploring their innermost depths, their intimacy. After making a moving document about his grandparents in Portugal, he prepared – in pretty harsh conditions – an astonishing reportage on the Molokane community in Armenia, and still another about a community of drug addicts in Athens... I admire his determination, his courage... and his work.
Jérôme belongs to the family of humanist photographers, and he knows, in any case, that we all belong to one and the same family.
Georges Dussaud (Rapho agency)
Cueillette du myrte, Pena Seca (Portugal 2010) © Jérôme Barbosa
UN ILLUSTRATEUR DE NOTRE TEMPS
Robert Crumb, le grand dessinateur et héraut de la culture populaire américaine qui a émergé à la fin des années 60, l'a exprimé le mieux en 2010 en décrivant Jérôme Barbosa comme "... un outsider aliéné...*". Il a reconnu chez ce dernier les signes d'une névrose semblable à la sienne, ainsi qu'une démarche toute personnelle. Le titre d'un des comics les plus célèbres de Robert Crumb Keep on Truckin' reflète sa philosophie : poursuivre son chemin malgré les embûches. Et il en est de même avec Jérôme Barbosa. Son dessin intitulé Struggle for Life porte la devise adéquate en ce qui concerne l'existence relativement jeune et quelque peu chahutée de son auteur.
Jérôme Barbosa mérite d'être hissé au rang des illustrateurs reconnus. Ses descriptions finement ouvragées des incongruités du monde, des horreurs idéologiques et des dichotomies cauchemardesques et par-dessus tout surréalistes sont parmi les meilleures représentations graphiques produites aujourd'hui.
D'une manière unique, il est capable de se glisser dans le courant de la propagande médiatique et d'en distiller la vérité par le dessin, aussi défiguré et fantastique puisse-t-il être. Son illustration de la Vénus de Willendorf en auteur d'attentat suicide, une ceinture d'explosif autour des hanches, intitulée Paradoxe (2009), est un tour de force – où l'humour le dispute à l'abattement.
On peut dire de même de son dessin satirique concernant le 11 septembre (Bozar Comix #1, 2010) où un Jésus puissamment musclé et cloué à sa croix aéroportée survole les tours jumelles du World Trade Center, son inscription INRI (Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum) changé en I Love New York. C'est idiot, triste, irrévérencieux et, cependant, ça tape dans le mille, politiquement parlant.
A maintes reprises, il épingle une situation de cette manière. Ses créations moléculaires, amibiennes, amorphes, rendues humaines par un simple œil et des lèvres expressives situées à un endroit approprié, ou le plus souvent inopportun, sont non seulement amusantes, mais expriment aussi de manière cordiale la vulnérabilité. Ses créatures provoquent la sympathie, bien qu'elles viennent le plus souvent – et à coup sûr ! – d'une autre planète. Son Hell Suet Hell (A l'approche de Noël, 2010), par la description de la vie domestique idyllique qui y est faite, est un exemple de ce genre.
La raison pour laquelle Jérôme Barbosa réussit à soutirer tant de nuances de ses folles illustrations ainsi qu'à arracher des rires et des larmes à son public, réside dans l'utilisation magistrale qu'il fait de ses isographes. Ces outils lui confèrent à la fois un grand contrôle et une finesse hors pair. A partir de milliers de hachures, de quadrillages divers et de tout autre combinaison de lignes et de points, émerge une description réaliste faite d'ombre, de lumière et et de détails comme on en trouve seulement dans les gravures du 19ème siècle. Dans le monde et le 20ème siècle qu'il décrit des créatures bizarres surgissent depuis les régions inférieures et torturées d'un inconscient collectif universel.
Comme l'a écrit Robert Crumb à l'adresse de Jérôme Barbosa, "... votre regard est original et hautement personnel*". J'y souscris.
Flavio Belli (commissaire d'exposition au Canada)
*Citations extraites d'une lettre de Robert Crumb à Jérôme Barbosa en date du 26 octobre 2010 (N.d.T.).
AN ILLUSTRATOR FOR OUR TIMES
R. Crumb, the great American folk-hero cartoonist who first rose to prominence in 1968, said it best in 2010 when he described Barbosa as “...an alienated outsider...” He recognized in Barbosa a similar neurosis and struggle to his own. The title of R. Crumb’s early cartoon strip “Keep on Truckin’” reflects his philosophy of pushing through life’s difficulties. And so it is with Barbosa. His poster, titled “Struggle for life” is an apt motto for his own relatively young challenged existence.
Barbosa deserves to be brought into the inner circle of recognized illustrators. His finely wrought depictions of the world’s grotesqueries, ideological horrors, and overall surreal and nightmarish dichotomies stand as some of the best graphics being produced today.
Barbosa is uniquely able to tap into the stream of media propaganda and draw from it the distilled truth, as disfigured and fantastic as that might be. His illustration of the Venus of Willendorf as a suicide bomber wearing a belt of dynamite, titled ”Paradox” is a tour de force - both humorous and dispiriting.
The same can be said of his satirical 9/11 cartoon of a powerfully muscled Jesus riding his airborne cross past the World Trade Centre, His INRI indicator changed to “I Heart NY”. Silly, sad, irreverent and yet spot-on politically.
Time and time again Barbosa nails it. His molecular, amoebic, amorphous creations, made human by a single eye and expressive lips placed in appropriate, or more often than not, inappropriate places are not only entertaining, they are heart-felt expressions of vulnerability. His creatures elicit sympathy, though they most assuredly are visitors from another planet. Barbosa’s “Hell Suet Hell” depiction of the idylls of home life is one such example.
Part of the reason Barbosa succeeds in wringing nuance from his crazy illustrations, and laughter and tears from his audience, is his masterful use of the Rotring pen with Isograph nibs. These tools allow him great control and finesse. From thousands of fine short-stroke lines, cross-hatching, and every other combination of line and dot, emerges a realistic depiction of shadow, light and detail only found in 19th century engravings. In Barbosa’s 20th century world bizarre creatures emerge from the twisted nether regions of a universal psychic collective.
As R. Crumb also says of Barbosa, “...your view is original, and highly individual.*” I concur.
Flavio Belli (exhibition curator, Canada)
*Excerpts of a letter from Robert Crumb to Jérôme Barbosa dated 26 October 2010
Derrière l'hôpital Kosevo, Sarajevo (Bosnie Herzégovine 2010) © Jérôme Barbosa
BIOGRAPHIE
Jérôme Barbosa est né en 1978. Suite à des études littéraires à la Sorbonne, il s’oriente vers la photographie au début des années 2000. Il travaille un temps comme tireur pour le laboratoire professionnel Demi-Teinte et comme archiviste pour le photographe de mode anglais Steve Hiett. En 2007, il passe trois mois à Athènes afin de suivre la communauté toxicomane vivant dans le centre-ville. Ces photographies seront publiées dans le magazine grec Kathimerini en 2007 et exposées au festival de BarrObjectif en 2012. C’est à l’automne 2010 qu’il est repéré, entre autres, pour son travail sur les pays de l’Est et Athènes par la production du film Parlez-moi de vous, avec pour interprète principale Karin Viard. Il s’intègre au tournage et devient photographe de plateau. Dans le même temps, il poursuit son travail débuté en 2003 sur le village de ses grands-parents au Portugal, ainsi que son exploration des anciens pays membres du bloc socialiste. En 2012, le magazine Un<>Cut publie aux États-Unis son reportage sur l'Atelier du Non-Faire. Il collabore régulièrement avec l'éditeur de bandes dessinées Cornélius.
« Pour toucher, pour voler un peu de vérité humaine, il faut approcher la rue. L’homme se fait par l’homme. Il faut plonger avec les hommes de la peine, dans la peine, dans la boue fétide de leur condition pour émerger ensuite bien vivant, bien lourd de détresse, de dégoût, de misère et de joie. Avec les hommes de la peine, il faut vivre dans le coude à coude. Mélanger aux leurs sa sueur... Toucher leurs plaies des cinq doigts, boire à leurs verres, pleurer leurs larmes, faire gémir leurs femmes, partager leurs pauvres espoirs et leurs petits bonheurs »
Louis Calaferte, Requiem des innocents (1952)
BIOGRAPHY
Jérôme Barbosa was born in France in 1978. After pursuing literary studies at the Sorbonne, he turned to photography, working for a while as a printer at Demi-Teinte, a professional photo lab, and also as an archivist for the British fashion photographer Steve Hiett. In 2007, he spent three months in Athens documenting the community of drug addicts living in the city centre. His photographs were published in the Greek magazine Kathimerini the same year, and were later exhibited at the 2012 edition of the BarrObjectif photography festival. During the Fall of 2010, Jérôme Barbosa was one of several photographers selected by the production team of the movie « Parlez-moi de vous », starring Karin Viard, for his work on Eastern Europe and Athens. He joined the film crew as set photographer. Meanwhile, he continued a long-term project, begun in 2003, on life in his grandparents' village in Portugal, and pursued his travels in the countries of the former socialist bloc. In 2012, the American magazine Un< >Cut published his reportage on the Atelier du Non-Faire, an artists' studio for patients of a psychiatric hospital. He works occasionally for the French comic-book publisher Cornélius.
« It seems to me I am trying to tell you a dream – making a vain attempt, because no relation of a dream-sensation, that commingling of absurdity, surprise, and bewilderment in a tremor of struggling revolt, that notion of being captured by the incredible which is of the very essence of dreams... » He was silent for a while. « ... no, it is impossible ; it is impossible to convey the life-sensation of any given epoch of one's existence – that which makes its truth, its meaning – its subtle and penetrating essence. It is impossible. We live, as we dream – alone... »
Joseph Conrad, Heart of Darkness (1899)
Photographies et vignette © Jérôme Barbosa